Photo de Macel AyméMarcel Aymé

(1902-1967)

Dossier

Bibliographie

Ouvrages cités

« Préface » au Chien jaune, dans Michel Lécureur, Marcel Aymé. Confidences et propos littéraires, Paris, Les Belles Lettres, 1996.

« Vlaminck », Bulletin Flammarion, 1953, dans Michel Lécureur, Marcel Aymé. Confidences et propos littéraires, Paris, Les Belles Lettres, 1996.

Antoine Blondin, Aspects de la France, 17 novembre 1949, dans Michel Lécureur, Marcel Aymé. Confidences et propos littéraires, Paris, Les Belles Lettres, 1996.

« Préface » aux Oeuvres complètes de Céline, Balland, 1966, dans Michel Lécureur, Marcel Aymé. Confidences et propos littéraires, Paris, Les Belles Lettres, 1996.

« Humour rose noir », Les nouvelles littéraires, 29 décembre 1949, dans Michel Lécureur, Marcel Aymé. Confidences et propos littéraires, Paris, Les Belles Lettres, 1996.

Silhouette du scandale, Paris, Le Sagittaire, 1938.

« Préface » aux Cinq Livres, Paris, Magnard, 1965, dans Michel Lécureur, Marcel Aymé. Confidences et propos littéraires, Paris, Les Belles Lettres, 1996.

« Comment un romancier devient auteur dramatique », Opéra, 6 février 1952, dans Michel Lécureur, Marcel Aymé. Confidences et propos littéraires, Paris, Les Belles Lettres, 1996

Les Tirages à part du Palimugre, 1946, dans Michel Lécureur, Marcel Aymé. Confidences et propos littéraires, Paris, Les Belles Lettres, 1996.

Le Quotidien, 9 décembre 1929, dans Michel Lécureur, Marcel Aymé. Confidences et propos littéraires, Paris, Les Belles Lettres, 1996.

Les Nouvelles littéraires, 9 août 1930, dans Cahier Marcel Aymé, textes réunis par Yves-Alain Favre et Michel Lécureur, no 6, Paris, Société des Amis de Marcel Aymé, 1988.

« Prière d'insérer » à Travelingue, 1941, dans Pol Vandromme, Aymé, Paris, Gallimard, « La Bibliothèque Idéale », 1960.

« La Fin de Paris : critique », Gringoire, Paris, 13 janvier 1933, dans Cahier Marcel Aymé, no 4, Société des Amis de Marcel Aymé, 1984.

Enquêtes :

« Réponse » à une enquête de René Groos [« Estimez-vous que le cinéma ait eu ou puisse avoir une influence sur le roman? Et laquelle? »], L'Ordre, 26 octobre 1930, dans Cahier Marcel Aymé, no 6, Paris, Éditions de la Société des Amis de Marcel Aymé, 1988.

« Réponse » à une enquête d'André Bridoux, Le Bulletin des lettres, no 19, 2ème année, 25 juin 1933.

« Réponse » à une enquête : « Y a-t-il une crise du roman français? », par Jeannine Delpech, Les Nouvelles littéraires, 18 décembre 1947.

« Réponse » à une enquête de M. Lemaître, Le Libertaire, 13 janvier 1950, dans Cahier Marcel Aymé, no 9, Paris, Société des Amis de Marcel Aymé, 1992.

« Réponse » à une enquête de Michel de Saint-Pierre, Les Nouvelles littéraires, 3 octobre 1957, dans Michel Lécureur, Marcel Aymé. Confidences et propos littéraires, Paris, Les Belles Lettres, 1996.

Citations

« Préface » au Chien jaune, dans Michel Lécureur, Marcel Aymé. Confidences et propos littéraires, Paris, Les Belles Lettres, 1996.
« De tous les romanciers de son époque, Simenon est sûrement celui qui a écrit l'oeuvre la plus abondante. En moins de quarante années, il a écrit et publié quelque cent vingt volumes, soit à peu près la cadence d'un roman par quatre mois. J'admire, chez un écrivain, cette grande et régulière fécondité qui n'a jamais nui à la qualité de l'oeuvre et toutefois, elle n'est pas ce qui m'étonne le plus dans le cas de Simenon. Après tout, il y a eu des précédents, entre autres celui de Balzac qui écrivit sa Comédie humaine en vingt ans. Non, ce qui m'étonne le plus, c'est que les romans de Simenon soient au moins aussi lus dans les autres langues qu'ils le sont en français : il existe même des pays où ils touchent un public beaucoup plus étendu que dans le nôtre. » (p. 282)

« C'est justement le miracle que les frontières et les distances soient abolies entre les personnages et les lecteurs, à quelque nationalité qu'appartiennent les uns et les autres. Ni son métier, ni son milieu social, ni les moeurs, ni les lois de son pays ne sauraient faire écran à l'être humain qui surgit d'entre les pages du roman. L'auteur se garde d'ailleurs d'expliquer ses personnages et de démonter devant son lecteur les rouages d'un mécanisme psychologique. Il se contente de donner des renseignements, des indications, des repères, et non sans économie. À vrai dire, il semble que ce soit le lecteur qui crée les personnages de Simenon et qui les différencie. Il y a là, de la part de l'auteur, une remarquable discrétion. Maître absolu de sa création romanesque et de ses créatures, il s'applique à ne pas abuser de sa toute-puissance, sachant bien que de tels excès n'ont d'autre résultat que celui de desservir la vérité. En les éveillant à la vie romanesque, il dote ses personnages non pas d'une musique intérieure, mais d'un clavier faisant de chacun d'eux une sorte de harpe éolienne qui s'émeut lentement selon le vent, les marées et les détours de l'enquête. À la lecture de ses livres, il m'arrive d'être pris de l'horrible soupçon qu'intérieurement, nous nous ressemblons tous de très près et que ce sont d'infimes et microscopiques et insignifiantes particularités qui créent la diversité des caractères. En tout cas, nombre de ses héros, pour ne pas dire la plupart, nous apparaissent comme des individualités floues, incertaines, qui donnent à penser, lorsqu'elles se précisent dans un sens, qu'elles auraient aussi bien pu se préciser dans le sens contraire et qu'il s'en est fallu de fort peu de chose et peut-être même d'un simple hasard. » (p. 284-285)

« Le fameux commissaire Maigret est le plus illustre représentant de cet univers simenonien et probablement le plus typique. Tout en mouvances et en incertitudes, il échappe à la description et plus encore aux définitions. La meilleure chance qu'on ait de le saisir est sans doute de l'approcher par les côtés négatifs de sa personne : il se méfie des déductions brillantes, des techniques, des esprits trop méthodiques et même de la psychologie. À ses yeux, la recherche criminelle est avant tout celle d'une vérité humaine qu'on ne saurait mieux comprendre que si on l'a d'abord sentie. Il convient donc d'écarter au cours de l'enquête tout ce qui peut gêner une expérience sensible, en premier lieu les raisonnements trop bien construits. Maigret possède justement cette forme de sensibilité, doublée d'une sorte de plasticité, qui lui permet de sentir les êtres, d'entrer dans la peau d'un personnage et de vivre un peu de la vie du suspect, fût-ce fugitivement, le temps d'apercevoir une vérité que les plus savantes déductions m'auraient su tirer de son humble retraite. Ainsi, durant ces longs silences dans lesquels se plonge le commissaire en tirant sur sa pipe, n'est-ce pas de méditation qu'il s'agit, mais d'un jeu très subtil qui s'apparente à l'art du romancier et à celui du comédien. » (p. 286)
« Vlaminck », Bulletin Flammarion, 1953, dans Michel Lécureur, Marcel Aymé. Confidences et propos littéraires, Paris, Les Belles Lettres, 1996.
« J'oubliais de signaler qu'en publiant Paysages et Personnages, Vlaminck ne peut pas manquer de révolutionner l'art du roman, car il renouvelle complètement le genre. Qu'on en juge. Dans le premier chapitre, il se débarrasse de l'intrigue et de toute la matière proprement romanesque. Au cours des sept autres chapitres, libéré des personnages et de leurs aventures, il explique au lecteur ce que c'est que l'homme, la société, la charrue, les boeufs, la peinture, la radio, l'univers, et quand il a fini, on s'aperçoit que l'univers particulier du premier chapitre se trouve impliqué et expliqué dans la description du grand. Admirable procédé qui nous délivre des lenteurs et des pesanteurs du roman habituel. »  (p. 310)
Antoine Blondin, Aspects de la France, 17 novembre 1949, dans Michel Lécureur, Marcel Aymé. Confidences et propos littéraires, Paris, Les Belles Lettres, 1996.
« [Au sujet d'Antoine Blondin] Je parle de ce don plus rare qui consiste à être de sa chaleur et de sa chair dans les choses qu'on écrit, à donner aux idées la présence, aux mots le poids et la consistance d'un objet familier, maniable, le frémissement sanguin, nerveux, humoral et hormonal de la vie, en même temps qu'une certaine liberté qui continue à circuler dans la phrase après qu'elle a été fixée sur le papier ; qui consiste aussi dans la joie d'écrire, de se transformer soi-même en livre, dans le plaisir de jouer avec les mots, de les tâter comme des pêches de vigne ou des chairs de femme, de mouiller un substantif avec un peu d'adjectif, d'empoigner une phrase rétive et de la réduire, apoplectique et signifiante, ou au contraire de l'étirer, de la tendre comme une corde de guitare et d'en écouter la résonance jusque dans ses doigts de pied. » (p. 353)

« J'allais oublier le meilleur, c'est à savoir une liberté de sentir, de renifler, de voir, d'apprécier, de choisir, en ignorant un certain nombre de critères provisoires. Il va de soi que cette liberté n'est effective que si elle s'accompagne, comme c'est le cas chez notre auteur, d'une égale liberté d'allures dans l'expression. L'une n'est rien sans l'autre. À mon avis, rien n'est plus important pour un écrivain que cette disponibilité d'esprit, cette faculté de changer de point de vue à chaque instant, de disposer de tous les horizons pour regarder les hommes et les situations et à l'occasion, pour être contre soi-même. C'est à cause de tout cela qu'Antoine Blondin représente un grand espoir pour notre pauvre littérature qui ne rougit pas de se faire faire des enfants par des comités, des partis, des rassemblements, des groupes, des sous-groupes et qui semble aspirer, dans des camps divers, à la caporalisation. » (p. 354)
« Préface » aux Oeuvres complètes de Céline, Balland, 1966, dans Michel Lécureur, Marcel Aymé. Confidences et propos littéraires, Paris, Les Belles Lettres, 1996.
« On ne le dira jamais assez : en face de l'universel délire alimentaire et mécaniste, il est le champion de la vie spirituelle, des arts, de la poésie, de la beauté, de la gratuité. […] L'irruption de Céline dans la littérature a été un événement d'une portée mondiale et ce n'est pas trop dire, car elle a fini par introduire dans tous les pays et dans les compartiments les plus divers de la société, de notables transformations de la sensibilité. […] Il est scandaleux qu'on puisse faire un épouvantail d'une langue aussi belle dont le frémissement et le foisonnement n'ont pas de précédent dans notre littérature. Mais, dira-t-on, il y eut Rabelais. C'est en effet un nom qui vient facilement à l'esprit quand on pense à Céline. On retrouve chez Rabelais le foisonnement du verbe et la joie d'écrire, mais on n'y rencontre jamais l'émotion qui nous étreint si souvent chez l'auteur du Voyage. »
« Humour rose noir », Les nouvelles littéraires, 29 décembre 1949, dans Michel Lécureur, Marcel Aymé. Confidences et propos littéraires, Paris, Les Belles Lettres, 1996.
« L'homme leur apparaît inévitablement tel que l'a vu Céline, tel qu'il l'a montré dans son oeuvre : lâche, avide, méchant, plein de contradictions louches et de redoutables virtualités. Et c'est l'humour célinien auquel ils s'efforcent dans leurs écrits, un humour âcre qui semble se délecter à la vision d'une humanité tordue et nuiteuse, mais qui en éclate vigoureusement les tares. Voilà un humour incomparablement plus fort que ne l'était celui des Robert de Flers et des Francis de Croisset. On le découvre sans peine chez nombre d'écrivains : Jean Meckert, Roger Nimier, René-Jean Clot, Hervé Bazin, Robert Merle, Romain Gary et beaucoup d'autres. » (p. 81)
Silhouette du scandale, Paris, Le Sagittaire, 1938.
« Puis, en 1933, Céline publiait Voyage au bout de la nuit dont la langue, résolument révolutionnaire, s'inspirait, en la stylisant et en la surpassant, de la langue des faubourgs. La crudité du vocabulaire, la violence du pessimisme, les grincements de cette géniale machine à draguer les bas-fonds de la conscience lui valurent un accueil orageux. À la faveur du scandale, on s'avisa que la grammaire française portait un faux col sérieusement amidonné et, satisfait de cette constatation, on en resta là. » (p. 56)
« Préface » aux Cinq Livres, Paris, Magnard, 1965, dans Michel Lécureur, Marcel Aymé. Confidences et propos littéraires, Paris, Les Belles Lettres, 1996.
« Il me semble que Rabelais n'a pas eu le sort auquel pouvait prétendre un écrivain de sa taille et que l'influence de son génie aura été beaucoup plus réduite qu'on ne se plaît à le croire. Cette Renaissance dont nous sommes fiers, à laquelle il a participé avec tant d'éclat, devait rapidement l'ensevelir ou à tout le moins le faire reculer dans je ne sais quelle brume moyenâgeuse. Dans la deuxième moitié de ce XVIe siècle qui n'a même pas retenu la date de sa mort ni celle de sa naissance, il n'y en eut que pour les Latins et les Grecs, et ce ne fut pas Pantagruel qui forma une nouvelle génération d'écrivains, mais L'Iliade, mais L'Énéide.
Au XVIIe siècle, sa richesse verbale et sa fantaisie ne passaient plus dans l'étranglement d'un langage précisément calibré. Pendant deux cents ans, Rabelais n'allait plus être pour les Français qu'un écrivain drôle, mais inconvenant, un barbare gothique, heurtant le goût et la raison au même titre que l'architecture et la statuaire des temps obscurs de la préhistoire de l'honnête homme.
Le XIXe, qui opérait dans tous les genres une révolution fracassante, ne pouvait manquer de redécouvrir Rabelais. En effet, on se remit à le lire, on le réédita, les augures se mirent à en parler et lui accordèrent une place honorable au panthéon de la littérature. Regardé par les écrivains de la nouvelle ère comme un élément pittoresque du passé, il n'inspire aucun d'entre eux. Certes, on peut parler de lyrisme aussi bien à propos des romantiques qu'à propos de Rabelais, mais le mot, dans chacun des deux cas, revêtant un sens particulier, les éloigne beaucoup plus qu'il ne les rapproche. Le lyrisme de l'un est comparable à l'ivresse lucide et diserte que procure un vin sec, celui des autres à l'ivresse des stupéfiants qui dissout le contour des choses et fait surgir des phantasmes. Le romantisme, jeu de loup-garou qui consiste pour un écrivain à surgir dans une clarté brumeuse en se frappant la poitrine, en montrant ses mains meurtries et son visage ravagé de larmes et de mystère, exige du lecteur une grande complaisance ou une grande naïveté. Un chapitre, une page, une phrase de Rabelais peut suffire à rompre le charme, le climat vif et salubre de Pantagruel n'étant pas aux moiteurs ni aux évanescences.
D'autre part, la révolution romantique n'était pas une vraie révolution. Il ne s'agissait pas de rompre avec le classicisme, mais de prendre des libertés avec lui, de l'atténuer en s'appliquant à créer une confusion entre l'idée et la sensation, en introduisant dans le vocabulaire le flou et l'imprécision. Le vrai chambardement eût été de mettre au rancart la langue académique, de repartir d'une langue populaire, abondante, colorée, charnue, livrant le monde sous des angles variés et dans des lumières changeantes, telle par exemple la langue de Rabelais. Mais, précisément, on tenait à ne rien chambarder, sinon quelques disciplines purement formelles. Pour les grands romanciers réalistes du XIXe, y compris Stendhal, l'ambition de peindre largement leur époque dans la langue de l'abbé Delille leur donnait assez de tintouin pour que la nostalgie ne leur vînt pas d'un vocabulaire foisonnant, sans compter qu'ils se prenaient terriblement au sérieux et que le grand rire de Pantagruel ne pouvait leur inspirer que de la méfiance. En somme, Rabelais a été au siècle dernier l'objet d'une curiosité déférente, mais sa résurrection n'a pas infléchi les destins de la jeune littérature, où on chercherait en vain son reflet. Submergé après sa mort par un renouveau de l'Antiquité qu'il a contribué à déclencher, il refait son entrée après des siècles de demi-oubli, et c'est une entrée manquée. » (p. 164-168)

« Rabelais, lui, est l'explosion d'une extraordinaire puissance verbale qui trouve dans le mouvement même sa forme et ses significations sans le secours d'aucun moule et sans recourir à une mécanique des idées et des sentiments. Au lieu d'être un agent de liaison, une algèbre servant à déboîter les idées les unes des autres, à les épingler dans un ordre convenu, la langue paraît avoir repris chez lui sa fonction première qui est de précéder la pensée et de la libérer comme par bonheur. Et lorsque nous lisons ces livres pleins de faicts et prouesses espouentables, c'est justement ce bonheur dans le déferlement des mots qui nous entraîne au-delà de ce qu'ils expriment, vers des horizons qui ne ressemblent à rien de connu, comme ferait la poésie. Par malheur, lorsque nos écoliers prennent contact avec Rabelais, ces horizons et ces échappées leur sont pratiquement interdits, les professeurs se faisant un devoir de s'interposer entre le texte et les jeunes garçons. […]
Pour ma part, Rabelais ne me paraît jamais plus admirable que lorsqu'il est gratuit et qu'il se laisse aller simplement à la joie d'écrire. Infiniment plus que sa position à l'égard du protestantisme m'importe le fait que la jument ait… les aureilles ainsi pendantes comme les chièvres de Languegoth, et une petite corne au cul. […]
Le grand rire de Rabelais est un phénomène unique dans la littérature de tous les temps, et, à côté de lui, Aristophane, Boccace, Molière, font figure de croque-morts. » (p. 169-171)

« Dans l'état actuel des choses, il est vain d'espérer que Rabelais devienne un jour un auteur populaire ou simplement lu par ce qu'on appelle le grand public. Reconnaissons que la pente de l'époque n'y est pas. Le fait d'être mort depuis plusieurs siècles constitue déjà un handicap ; mais surtout il ne sert à rien d'être un géant de la littérature si on n'est pas réclamé par la gauche ou si on n'a pas les catholiques dans sa manche. Rousseau et Diderot font encore du bruit parce qu'ils sont de gauche, Corneille et Marivaux ont pour eux le T.N.P., Pascal est une gloire catholique. Pour le pauvre Rabelais, il n'a rien d'un écrivain engagé, et on le dit à regret, gêné qu'on en est pour lui, mais enfin il prêche surtout la tolérance, ce qui à l'époque où il vivait, on l'oublie facilement aujourd'hui, témoignait d'ailleurs de beaucoup de hardiesse, de courage, et le mettait souvent en fâcheuse posture.
[…]
Pour l'instant, la tendance de la jeune littérature paraît être à une expression neutre, impersonnelle, dont le modèle accompli serait l'inventaire de grand magasin ou le constat de commissaire de police. Parmi nos écrivains des siècles passés, il n'en est aucun qui soit à la fois plus éloigné et plus proche de nous que Rabelais : plus proche par le besoin que nous avons de sa présence, de tout ce qui dans son oeuvre nous parle d'une certaine générosité de la vie, sur le ton d'un optimisme foncier, viscéral ; éloigné par son art chaleureux, populaire, sans apprêt, n'éveillant que de rares échos dans un monde contracté hésitant entre des perspectives de servitude et de suicide, un monde où sa joie est devenue aussi gênant, aussi incongrue qu'un éclat de rire dans la chambre d'un agonisant. » (p. 175-176)

« Ce n'est pas la religion des belles-lettres qui l'a poussé à l'écrire [Pantagruel]. L'idée lui en est venue en constatant le succès d'un livret vendu sur les foires, intitulé les Grandes et inestimables Chroniques du grand géant Gargantua dont il s'est vendu, dit-il lui-même dans le Prologue du Pantagruel, plus d'exemplaires en deux mois qu'il ne sera acheté de Bibles en neuf ans. S'il ne lui était venu le désir de toucher ce même gros public afin de gagner de l'argent, Rabelais n'aurait sans doute jamais écrit que des ouvrages de médecine, peut-être d'érudition sur le tard, et à coup sûr une foule d'épîtres en vers et autres monuments conventionnels dont il a laissé quelques spécimens. […] En somme, c'est en faisant de la littérature alimentaire que Rabelais découvre son propre génie. »  (p. 178)
« Comment un romancier devient auteur dramatique », Opéra, 6 février 1952, dans Michel Lécureur, Marcel Aymé. Confidences et propos littéraires, Paris, Les Belles Lettres, 1996
« Je n'ai pas choisi mon métier. J'ai d'abord écrit pour mon plaisir. Et puis, ça s'est arrangé. Je ne suis ni seul, ni en famille. Il n'y a plus de mouvement littéraire en 1952. J'ai des amis que j'aime bien. » (p. 38)

« Je m'assois pendant trois mois devant ma table. De préférence le soir. Ce n'est que la lune m'inspire, mais, en général, le téléphone ne sonne pas la nuit. Je n'ai pas tenu une comptabilité de mes efforts, vous m'excuserez. J'avouerai ne pas faire de brouillon, mais je recopie « au propre » après. Quand j'ai commencé une scène, il faut que je la finisse. On peut penser que je suis consciencieux. Mais c'est surtout pour ne pas avoir de remords et pour bien dormir. Quand tout est fini, il ne reste plus qu'à couper et à recommencer ce qui ne me plaît pas. » (p. 37-38)
Les Tirages à part du Palimugre, 1946, dans Michel Lécureur, Marcel Aymé. Confidences et propos littéraires, Paris, Les Belles Lettres, 1996.
« Autrefois, hier, l'art du romancier consistait à regarder l'humanité par le trou de la serrure, puis à écrire copieusement ce que tout le monde savait de ses activités et de ses comportements sociaux en laissant apparaître de loin en loin certains aspects de l'homme un peu étranges, un peu troubles, confusément aperçus par l'écrivain à travers le trou. Tous les genres du roman utilisaient ces moyens d'investigation et ce mode d'exposition. Le roman psychologique lui-même se contentait de décrire un mécanisme conforme aux habitudes et aux exigences de la vie en société, et les découvertes du trou de la serrure y étaient aussi parcimonieuses, aussi imprécises que dans le roman de moeurs ou d'atmosphère.
L'année dernière [1945], le trou de la serrure a sauté et, du même coup, la porte et la muraille derrière lesquels s'abritait une vieille humanité clandestine. Le monde, étonné ou feignant de l'être, a découvert les camps d'extermination et de torture : Auschwitz, Dachau, Buchenwald et autres. Dans chacun de ces camps de torture existait un personnel important composé d'Allemands et d'éléments étrangers. Quand on demande à d'anciens déportés à quoi ressemblaient les bourreaux, les réponses ne varient guère. Ils avaient l'air de gens comme tout le monde. Des types d'humanité moyenne dont la plupart n'avaient même pas été formés à ce genre de besogne. À les voir, on pouvait tout au plus soupçonner que, dans le privé, les plus méchants étaient des époux un peu grognons, des chefs de famille un peu fermes, en somme bon pères et bons époux. Il semble bien que le gouvernement allemand n'ait pas eu plus de mal à constituer cette vaste organisation de mort que s'il se fut agi, par exemple, d'un service d'intendance. Le recrutement des bourreaux ne posait aucun problème.
[…]
La littérature n'avait pas oublié tous ces témoignages de la cruauté des hommes [il a fait la liste des horreurs]. Elle feignait d'y voir des accidents sans importance et, à l'occasion, voulait bien s'en souvenir pour pimenter les oeuvres d'allusions voilées à la vérité. Pour les écrivains, le comble de la méchanceté consistait à être ingrat envers son bienfaiteur, à battre sa femme et à mal payer ses ouvriers. Dans leurs oeuvres d'imagination, les gens ayant les pires instincts se livraient au chantage, volaient la petite épargne et couraient les filles, étant entendu que les assassins étaient des tarés et des anormaux. Le respect de la loi et des conventions sociales s'appelaient le respect humain. Aujourd'hui, et c'est dans l'ordre, on se hâte de relever le mur écroulé derrière lequel est apparue cette horrible humanité clandestine. Les romanciers vont-ils poursuivre le petit jeu qui consiste à regarder par le trou de la serrure et le pourront-ils sans être un peu ridicules? Si on lit aujourd'hui Cousine Bette, en pensant au camp d'Auschwitz, on en sait évidemment un peu plus long que Balzac sur le compte de l'héroïne.
Un romancier scrupuleux, s'il se sent l'étoffe d'un moraliste, ne pourra plus se contenter d'écrire : « Irrité par cette réflexion de la comtesse, M. de Prompignan ne répondit pas et, lui tournant le dos, la planta au bord de la route. » Il devra tenir compte des virtualités aujourd'hui bien connues de M. de Prompignan et les transcrire dans la langue du romancier. Partageant sa page en deux par un trait vertical, il écrira donc en regard de la première phrase : « Irrité par cette réflexion de la comtesse, M. de Prompignan lui flanqua un poing en pleine gueule et la pendit à un arbre de la route. » C'est là une technique entre beaucoup d'autres. Plus simplement, il y aurait à écrire le roman d'un brave homme gagnant soucieusement le pain de ses enfants chéris; mobilisé, les hasards d'une affectation l'amènent à tuer, à torturer, et à dépenser avec allégresse un partie de ses inépuisables réserves de cruauté et de sadisme; rendu à la vie normale, il retrouve sa petite famille avec des larmes de joie et se remet courageusement au travail. Mais, peut-être qu'après tout, le romancier fera oeuvre utile en s'en tenant au trou de la serrure et en affectant de ne pas prendre au sérieux ce que nous savons. » (p. 8-11)
Le Quotidien, 9 décembre 1929, dans Michel Lécureur, Marcel Aymé. Confidences et propos littéraires, Paris, Les Belles Lettres, 1996.
« On reproche souvent aux jeunes écrivains, et il y a une grande hypocrisie dans ce reproche-là, d'écrire des romans trop courts. C'est qu'ils savent écarter tout ce qui est d'un ennui flagrant. On écrivait en 1900 : « Léon Aubert ôta lentement ses bretelles de soie verte, fit jouer le remontoir de sa montre en or accrochée à une longue chaîne ouvrée barrant sa poitrine musclée sous le gilet de velours marron, déboutonna, etc., etc. » On écrit aujourd'hui : « Léon Aubert se coucha. » Tant pis pour les lecteurs désireux de s'entretenir en neurasthénie. On peut encore douter si une promenade en automobile est plus agréable qu'en voiture attelée d'où l'on découvre un paysage moins fugitif. En matière de roman, le doute n'est pas possible; il est des paysages qu'il faut brûler. Les bretelles en soie verte de Léon Aubert ne procurent aucune satisfaction dans l'ordre esthétique, la montre en or non plus. Ce qu'il est curieux de connaître, c'est l'homme, l'homme tout nu, et son coeur, s'il en a un. De cette manière d'écrire, heureusement tombée en désuétude, il nous reste encore une superstition touchant le « métier » du romancier. Pour louer un roman, on dit couramment qu'il est bien observé. Il est admis, en effet, qu'un romancier est avant tout un observateur et, dans les nombreuses vies d'écrivain qui paraissent actuellement, le biographe recherche avec un soin exact quels milieux, quelles ambiances ont pu fournir aux grands maîtres la matière et la documentation d'un roman. Il y a là erreur d'habitude, préparée par l'école naturaliste et consacrée par l'école psychologique. La vérité est qu'un romancier honnête, digne de nom, n'observe pas. Il reçoit. La vie humaine, la vie secrète d'un être ne se déduit pas d'une opération mathématique tracée au bas d'une page de notes. On la sent. Les observations faites dans la rue, dans une usine ou dans un salon, seront utiles au philosophe, à l'essayiste, au statisticien. Elles n'intéressent pas directement le romancier, qui joue surtout avec des impressions. Les notes, les documents mijotés ne peuvent que le desservir dans son oeuvre et aboutissent toujours à isoler dans un fatras descriptif la nature humaine, sensible, qui importe seule.
Dans un roman, il n'est pas besoin et il est dangereux, pour créer une ambiance d'usine, d'accumuler des détails sur une dynamo ou sur un moteur à gaz pauvre. Ces détails sont à leur place dans des ouvrages techniques. Il suffit de dire au lecteur qu'il est dans une usine et de lui montrer des hommes.
Douze vers de Verhaeren nous donnent aussi bien l'atmosphère des villes de labeur que trente pages de tel romancier naturaliste. Une simple phrase, même si elle contredit la réalité, peut suggérer plus d'impressions vraies que tout un livre de scrupuleuse documentation. […]
Dans un roman, il n'y a aucune raison « d'étudier » -- mot haïssable – les réactions du métier de plombier sur un individu, de préférence à celles d'une affection de la prostate. Pourtant, un paysan ne sent pas comme un ouvrier ou un banquier ? Sans doute, mais ce ne sont pas des mécanismes de profession qui les différencient ou même les séparent. C'est leur vie privée, intime. Et s'il est vrai que cette vie intime soit déterminée par leur travail, ce n'est pas l'affaire du romancier. Cela est du domaine de l'économie politique, de la sociologie.
Il ne manque pas d'objections à me faire et je ne les prévois pas toutes. La première : vous paraissez ignorer les genres, que faites-vous du roman d'idées, du roman de moeurs, du roman psychologique, etc. ?...
Il n'y a pas de roman psychologique, ni de roman de moeurs, il y a le roman. Il doit être général et donner l'impression de la vérité profonde.
Cette vérité, on peut la donner avec une voix baryton ou une voix de soprano, mais elle doit sortir du coeur. Se tourmenter les méninges ou remuer de la documentation sont des travaux qui n'ont rien à voir avec le problème du roman.
[…]
Le mérite d'un roman est aussi bien d'être général. Pour moi, l'action d'un roman parfait ne se passerait nulle part, les personnages seraient tout nus et sans profession. Au début, et en manière d'avertissement, on mettrait simplement : l'action est à Paris, ou à la campagne ; un Tel a un complet noir et vend des bonnets de coton, tel autre, etc. De sorte qu'il suffirait de changer l'avertissement pour avoir un roman nouveau. » (p. 111- 114)
Les Nouvelles littéraires, 9 août 1930, dans Cahier Marcel Aymé, textes réunis par Yves-Alain Favre et Michel Lécureur, no 6, Paris, Société des Amis de Marcel Aymé, 1988.
« Le grand succès de certains romans naturalistes parmi le peuple ne doit pas faire illusion sur les possibilités d'une littérature prolétarienne. Au régiment, j'ai eu pour camarade de chambrée un ouvrier parisien, d'une vive intelligence, qui justifiait ainsi son admiration de Zola : « Il y a des moments où c'est cochon… » Voilà une admiration qui n'était pas proprement littéraire. J'ai, d'ailleurs, rarement entendu parmi les gens du peuple un jugement sur Zola qui fût dans un autre esprit, à l'expression près : les plus avertis apprécient surtout, du maître naturaliste, une violence qui leur paraît vengeresse.
On peut objecter qu'à ce défaut de culture, la littérature prolétarienne se propose justement de remédier. Mais quelle drôle d'idée ! Les livres qui enseignent le peuple dans les belles-lettres doivent-ils être fabriqués spécialement pour lui ? et ne voit-on pas ce qu'il y a de précisément injurieux à son égard, à lui infliger une littérature médiocre sous le prétexte qu'elle sera à sa portée ?
Si tel est le but de la littérature prolétarienne, je me garderai d'y revendiquer une place, si modeste soit-elle… » (p. 14)
« Prière d'insérer » à Travelingue, 1941, dans Pol Vandromme, Aymé, Paris, Gallimard, « La Bibliothèque Idéale », 1960.
« Ce qui importe, pour un roman, ce n'est pas de représenter quelque chose, mais d'être quelque chose. Comme toute création libre, il s'achemine vers sa fin sans la connaître et chaque moment nouveau fait surgir une possibilité de choisir imprévue. » (p. 153)
« La Fin de Paris : critique », Gringoire, Paris, 13 janvier 1933, dans Cahier Marcel Aymé, no 4, Société des Amis de Marcel Aymé, 1984.
« [À propos de La Fin de Paris (1932) de Marcel Sauvage] Nous reconnaissons là l'art véritable du romancier, le don de créer et d'imposer sa vision des choses, même dans le domaine du fantastique […]. D'un bout à l'autre du livre, c'est un grand éclat de rire. […] L'auteur ne perd pas son temps à s'excuser de la liberté qu'il prend avec la vraisemblance, il entre sans balancer dans le sujet avec tant d'aisance que nous acceptons la supposition sans réticence. « C'est un roman d'une fantaisie hardie, où le comique n'exclut pas un certain lyrisme de bon aloi, écrit avec une verve et un sens de l'ironie qui appelaient justement le parrainage de Courteline.
[…]
Par les temps qui courent, on n'a guère l'occasion de rire, et les écrivains, un peu crispés sur leur porte-plume, ne cultivent guère la fantaisie. M. Marcel Sauvage a su renouveler un genre qui menaçait de s'étioler. Depuis longtemps, l'on n'avait vu paraître un ouvrage d'une fantaisie aussi vive qui sût donner au franc rire cette expression mesurée et spirituelle sans laquelle il n'est pas de bon comique. » (p. 32)
« Réponse » à une enquête de René Groos [« Estimez-vous que le cinéma ait eu ou puisse avoir une influence sur le roman? Et laquelle? »], L'Ordre, 26 octobre 1930, dans Cahier Marcel Aymé, no 6, Paris, Éditions de la Société des Amis de Marcel Aymé, 1988.
« C'est une opinion répandue dans le public qui lit les romans que la vérité psychologique doit se mouler sur la réalité. Pour le lecteur, le départ entre les notions de réalité et de vérité est d'ailleurs difficile, parce que la situation et les personnages restent dans l'abstraction. Si l'on veut apprécier la vraisemblance du Père Goriot, par exemple, il faut l'évoquer, et c'est un jeu auquel tout le monde ne peut pas être heureux à coup sûr.
Le grand mérite du cinéma, dans les oeuvres imaginées, sera d'avoir fait apparaître sans discussion que la vérité artistique n'est pas forcément conforme à la réalité, qu'elle l'est même assez rarement. Au cinéma, en effet, le spectateur est toujours en face de la réalité, puisque le film est la réalisation visuelle – et auditive maintenant – d'une chose imaginée. Par là même il devient relativement aisé de saisir « la réalité de l'invraisemblance ou du mensonge artistique » qui sautent aux yeux.
Voilà qui est d'une grande conséquence pour le romancier. Cela lui permet de penser que le document, la chose vue carnet en main, mesurée au compas, et habillés de bonne grammaire, ne sont pas des éléments nécessaires et suffisants à une oeuvre vraie. À supposer qu'il ait un peu de toupet l'habitude du cinéma, il se dira qu'une oeuvre de cette façon là n'est, à tout prendre, rien autre chose que le pendant du film documentaire. (S'il présente par hasard un intérêt différent, c'est à cause des erreurs qui s'y sont glissées ; d'où il peut paraître que l'erreur est propice à l'oeuvre d'art, mais c'est une chose qu'on n'oserait pas dire en dehors des parenthèses). Ainsi, il semble que ce soit au cinéma que nombre de romanciers actuels aient trouvé leur direction. Devant l'écran, ils ont découvert toute la force de vérité qui tient dans une déformation de la réalité ; ou plutôt, ils ont redécouvert, car on le savait déjà :

…Il dit et déracine un chêne

Sire Olivier arrache un orme dans la plaine.

Des gens accusent ces romanciers-là de ne donner, comme le cinéma, que l'illusion de la vérité. Mais qu'est-ce qu'on peut bien demander de plus ? » (p. 23-24)

« Réponse » à une enquête d'André Bridoux, Le Bulletin des lettres, no 19, 2ème année, 25 juin 1933.
« Sans doute, les possibilités presque sans fin du roman n'apparaissent-elles pas à notre époque, mais c'est parce que les romanciers sont trop appliqués à l'imitation de leurs devanciers, parce que la plupart des critiques, dans leur appréciation sur les romans d'aujourd'hui, se réfèrent trop volontiers aux grandes réussites d'hier et d'avant hier. Une école qui se survit, et c'est le cas du naturalisme, n'offre plus à l'écrivain que des ornières commodes et le distrait de tout effort vers une forme nouvelle. C'est précisément la fortune du roman de n'être bridé par aucune règle, de pouvoir se transformer sans cesse et bousculer les habitudes du lecteur quand les raisons profondes de la mode appellent un changement. » (p. 179)
« Réponse » à une enquête : « Y a-t-il une crise du roman français? », par Jeannine Delpech, Les Nouvelles littéraires, 18 décembre 1947.
« Pour moi, la principale qualité d'un roman, c'est de ne pas être ennuyeux. L'ennui n'est pas une nécessité. Aujourd'hui, peut-être y a-t-il trop de professeurs parmi les romanciers : ils croient qu'on peut remplacer la flânerie par la logique, l'observation par la théorie, le mouvement par la morale, je pense aussi que beaucoup de lecteurs aimeraient tirer un enseignement moral d'un roman : l'art de l'auteur est de les amener à trouver eux-mêmes la morale de l'histoire qu'on leur raconte. » (p. 54)
« Réponse » à une enquête de M. Lemaître, Le Libertaire, 13 janvier 1950, dans Cahier Marcel Aymé, no 9, Paris, Société des Amis de Marcel Aymé, 1992.
« Ses ennemis auront beau mettre en jeu contre lui toutes les ressources d'une haine ingénieuse, Louis-Ferdinand Céline n'en est pas moins le plus grand écrivain français actuel et peut-être le plus grand lyrique que nous ayons jamais eu. Le fait est que la jeune littérature procède de lui sans oser s'en réclamer. La IVe République ne s'honore pas en tenant en exil un homme de cette envergure. Elle ne se montre pas non plus très habile car un Céline exilé pourrait un jour écrire des Châtiments que tous les Français liraient avec plaisir. » (p. 55)
« Réponse » à une enquête de Michel de Saint-Pierre, Les Nouvelles littéraires, 3 octobre 1957, dans Michel Lécureur, Marcel Aymé. Confidences et propos littéraires, Paris, Les Belles Lettres, 1996.
« L'écrivain ne peut plus être le témoin de son temps puisque le public est amplement renseigné par la presse, la radio, le cinéma et la télé – sans compter les ouvrages de documentation. L'écrivain devrait être non plus le témoin, mais la conscience de son temps. Aussi refusera-t-il de s'engager, car il lui faut pouvoir dire tout comme une conscience : « Hier je me suis trompé » ou « Hier j'ai menti sur tel point dans l'intérêt de ce que je croyais être la vérité » ou encore : « Un tel qui pense comme moi est un malhonnête homme. » (p. 7)
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