Anatole France
(1844-1924)
Dossier
Le roman selon Anatole France
Un roman pour plaire et instruire. Anatole France et sa lutte pour le Beau, le Bien et l'Imagination, par Marie-Laurence Dumont, 18 mai 2018 |
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Anatole France, né en 1844, a vécu sa jeunesse entouré des montagnes de livres que contenait la librairie de son père, Noël France. C'est de cette fréquentation que naît son amour pour les auteurs de l'Antiquité grecque et latine, du Moyen Âge et du XVIIe siècle, professeurs plus prisés, pour le jeune Anatole, que ceux du collège Stanislas. Il se tourne tôt vers la création, faisant ses premières armes en poésie, au sein du Parnasse, dont il se détourne rapidement pour se consacrer à une autre esthétique, à d'autres genres comme le roman, le conte, la nouvelle et la critique littéraire. À ce titre, la chronique qu'il tient au quotidien Le Temps, de 1887 à 1893, s'articule autour de sujets très variés. Il critique alors des représentations théâtrales, se positionne par rapport à certains lieux comme les cafés-concerts, rédige des notices nécrologiques (Octave Feuillet, Alphonse Daudet, Edmond Goncourt). Il donne son opinion sur les parutions récentes d'ouvrages critiques; ainsi il commente l'essai de Paul Stapfer sur Rabelais tout comme celui d'Elme-Marie Caro sur George Sand. Surtout, il examine les oeuvres littéraires contemporaines, les fait dialoguer avec d'autres oeuvres de courants opposés ou du passé pour en faire ressortir les mérites, les tares. Ainsi, sa conception du roman n'est pas manifeste, elle se laisse plutôt deviner, puisqu'il ne s'interroge jamais directement sur la nature du roman, mais se demande si l'oeuvre qu'il vient de lire est « un bon roman ». Paul Gsell et Michel Corday ont publié des entretiens où ils transcrivent les propos, les souvenirs d'Anatole France; or, ce n'est que dans l'Enquête sur l'évolution littéraire de Jules Huret que l'auteur aborde de front la question du roman. Cette façon oblique d'appréhender l'art romanesque, en ignorant ses propres oeuvres quand il est lui-même romancier, vient peut-être de sa profonde humilité, « érigée en règle de vie (1) » :
Ainsi lorsqu'il rentrait chez lui, Anatole France n'ouvrait pas son courrier personnel, mais parcourait les journaux (3), de la même manière, il se détournait de son art pour se consacrer à celui des autres. Le naturalisme… et l'idéalisme. Dans son combat contre l'hégémonie de l'école naturaliste et en particulier contre sa figure de proue, Émile Zola, Anatole France expose explicitement ses vues sur l'art romanesque. Une grande partie de son discours se constitue donc par la négative; c'est dans une attitude de refus qu'il décrit ce que le roman ne devrait pas être. Il critique la matière de prédilection de ce courant – la misère, la laideur – mais surtout la façon détachée dont elle est traitée par la plume de ses auteurs. Cette froideur est systématique, France écrit du roman Le Cavalier Miserey d'Abel Hermant : « c'est un roman naturaliste et ce roman naturaliste est un roman militaire (4)». L'effet de prééminence et de redondance du qualificatif « naturaliste » souligne la pensée de France, qui juge que l'esthétique naturaliste supplante toujours le contenu des oeuvres qui y adhèrent. Il écrit d'ailleurs dans le même article que ce roman « est traité selon la formule (5)» et qu'il est exemplaire en ce qu'il « est froid et correct, comme un modèle d'école (6)». Pour France, l'enjeu des romans naturalistes – car ils se ressemblent tous – se résume ainsi : « c'est l'obsession du petit fait; c'est la notation minutieuse du détail infime; c'est le goût dépravé de ce qui est bas et de ce qui est petit; c'est l'éparpillement des sensations courtes; c'est le fourmillement des idées minuscules (7)». L'écrivain naturaliste souhaite imiter la science en usant de la méthode expérimentale; ainsi il observe les phénomènes à partir de l'oculaire d'un microscope et évite d'embrasser un très large champ de vision, ce qui le mène à produire une série de constats « éparpillés », qui ne participent pas à une réflexion concertée, à un projet. France met en évidence l'incongruité de ce procédé, puisque « toute expérience suppose une hypothèse préalable que cette expérience a pour but de vérifier [;] or, le naturalisme, s'interdisant toute hypothèse, n'a aucune expérience à faire (8)». En 1891, il confie à Jules Huret que le roman naturaliste laisse le lecteur quelque peu démuni, car au terme de sa lecture il se dit : « Tout cela est vrai, très vrai, mais aussi c'est triste, et cela ne nous apprend rien que nous ne sachions…(9)» Cette absence d'ordre, de visée morale est l'un des principaux reproches qu'Anatole France adresse au naturalisme qui « interdit à l'écrivain tout acte intellectuel, toute manifestation morale; il mène droit à l'imbécillité flamboyante (10)». Le comble, pour l'écrivain, c'est que non seulement aucune trajectoire n'est proposée, mais que le Bien et la Beauté sont proscrits du roman naturaliste. À ce propos, au moment de la publication du roman La Terre en août 1887, France lance une attaque en règle à l'endroit d'Émile Zola : « Jamais homme n'avait fait pareil effort pour avilir l'humanité, insulter à toutes les images de la beauté et de l'amour, nier tout ce qui est bon, tout ce qui est bien (11). » Sa dénonciation devient plus dynamique encore lorsqu'il compare le roman naturaliste au roman idéaliste. C'est de cet affrontement que jaillissent les arguments permettant de remettre en cause les fondements du réalisme chirurgical et de voir ce que France lui préfère. Dans son essai Le Jardin d'Épicure, il évoque le rapport distant entre l'art et la vérité, décochant par le fait même une flèche acérée au naturalisme qui prétend accoucher d'une littérature de la vérité. Il écrit : « L'art n'a pas la vérité pour objet. Il faut demander la vérité aux sciences, parce qu'elle est leur objet; il ne faut pas la demander à la littérature, qui n'a et ne peut avoir d'objet que le beau (12).» Cette question de la vérité sera une pierre d'assise pour France qui l'invoque pour démolir l'édifice naturaliste. D'abord, il met en doute le principe scientifique sur lequel Zola établit son cycle des Rougon-Macquart : « Son point de départ n'a de scientifique que l'apparence […] les lois de l'hérédité ne sont pas connues; c'est sur une fiction qu'il a fondé son oeuvre (13).» Plus tard, il reviendra à la charge en écrivant que « sa généalogie des Rougon n'est ni moins fabuleuse, ni plus scientifique que la généalogie d'Huon de Bordeaux ou de Mélusine, [c]'est du pur roman (14)». De plus, France insiste sur le fait que l'observateur, le romancier, ne peut échapper à sa subjectivité : « M. Zola ne voit pas l'homme et la nature avec plus de vérité que ne les voyait madame Sand. Il n'a pour les voir que ses yeux comme elle avait les siens (15).» Il met alors sur un pied d'égalité naturalistes et idéalistes qui traduisent tous deux une réception singulière du monde et qui « sont également les jouets des apparences, ils sont, les uns et les autres en proie au spectre de la caverne (16)». Le péché d'orgueil du naturalisme consiste, pour France, à ne pas reconnaître qu'il est sujet aux illusions au même titre que l'idéalisme et d'avoir voulu, en invoquant cet atout précis, évincer son concurrent (17). En définitive, l'impossibilité des prétentions naturalistes frappe l'écrivain qui ne peut s'arrêter de marteler que l'homme est pétri de sa propre subjectivité. Enfin, France rompt l'opposition entre la réalité et l'idéal, car c'est, selon lui, faire « comme si l'idéal n'était pas la seule réalité qu'il nous soit permis de saisir (18)». L'idéalisme sort vainqueur de ce débat en englobant, en quelque sorte, le naturalisme. Le chroniqueur prétend même que certains romans naturalistes versent dans un « idéalisme perverti (19)»; c'est le cas de La Terre qui érige en vérité du « parfait mensonge (20) », à savoir que les paysans ne sont que des êtres vils qui vivent au rythme de leurs instincts bestiaux. Il conclut que le naturalisme est voué à osciller en vain entre la science et l'art, deux domaines qui ne peuvent l'accepter complètement, car il n'est ni vrai, ni beau (21). Si Anatole France critique avec véhémence le naturalisme, il admet à plusieurs reprises le génie de Zola et le fait que « le maître de Médan n'est pas du tout le sectaire de lettres qu'on croit et qu'en réalité il n'est pas incapable d'ironie (22)». Il fera valoir la beauté épique de Germinal (23), le brio de L'Argent et l'humanité de La Débâcle où « il a montré toutes les misères de la chair humaine, avec une mâle pitié, avec un respect qui les rend augustes et vénérables […] il laisse voir la religion qui l'attache à la patrie, à ceux qui souffrent et qui meurent pour elle (24)». France voit dans ces oeuvres un naturalisme plus atténué qui laisse place à la grandeur, aux sentiments et à une forme de finalité. Il faut également savoir qu'il ne dédaigne pas les sujets que se choisit le naturalisme, à savoir les petites gens. Il écrit, en appuyant Balzac, que « le romancier bien inspiré prend pour ses héros les inconnus que l'histoire dédaigne, qui ne sont personne et qui sont tout le monde (25)». C'est de ce bassin de sans nom que sont issus les protagonistes des romans de France : Sylvestre Bonnard dans Le Crime de Sylvestre Bonnard est un philologue que seuls les étudiants de l'école des Chartes sont susceptibles de connaître, dans La Rôtisserie de la reine Pédauque, Jérôme Coignard, malgré l'étendue de son savoir, est réduit à errer à la campagne à la recherche de quelque élève à initier aux lettres latines et grecques, et Évariste Gamelin n'est qu'un peintre mineur dans Les dieux ont soif. Dans un article où il fait l'éloge des contes populaires et des chansons rustiques, Anatole France reprend les paroles d'Émile Blémont qui écrit dans son Esthétique de la tradition : « La littérature qui se sépare dédaigneusement du peuple est comme une plante déracinée…C'est dans le coeur du peuple que doivent se retremper sans cesse la poésie et l'art, pour rester verts et florissants. Là est leur fontaine de Jouvence (26).» La matière romanesque peut et doit être puisée au sein du peuple; or, c'est dans le traitement que le chroniqueur du Temps s'écarte du naturalisme, car, selon lui, on ne gagne rien à décrire bassement la bassesse. Toute la pensée du roman d'Anatole France est enclose dans cette critique du naturalisme. C'est en s'indignant contre ce courant qu'il révèle les fondements de son art du roman : l'essentiel triomphe de la Beauté et du Bien permis par la présence d'une structure qui préside au texte, qui l'oriente, et enfin la nécessité de l'imagination. Le Beau et le Bien. Anatole France trouve la beauté dans la forme comme dans le fond, il remarque le « style simple et grand (27)» de Fernand Calmettes dans son roman Brave fille, tout comme « la grandeur vraie et la belle simplicité (28)» du récit. Le Beau se trouve, pour lui, dans la majesté de la nature tout comme dans la hauteur des sentiments; il élève les coeurs. France écrit en décembre 1890.
Le Beau et ses déclinaisons – la grâce, l'élégance et le goût – apparaissent comme un impératif de l'art, du roman, qui pour France, possède une fonction consolatoire. Selon lui, l'art doit détourner l'homme de sa condition, l'en divertir. Voilà pourquoi il estime que l'écrivain doit être bien disposé devant sa matière, qu'il doit l'aimer pour être en mesure d'en faire ressortir la beauté. Alphonse Daudet sera, à cet égard, le romancier exemplaire puisque « [t]out son effort d'artiste, toute sa volonté, toutes ses énergies, étaient tendus à la saisir, à l'exprimer, cette nature, cette humanité qu'il aimait tant (30)». Anatole France salue la « manière gaie (31)», l'« instinctive bienveillance (32)» de Daudet lorsqu'il trace le portrait des faibles, des petits, d'autant qu'il considère extraordinaire « qu'un tel observateur, si exact, si sûr, qu'un esprit travaillant ainsi sur le vif, ne soit point cruel, n'ait rien d'amer, ne s'assombrisse jamais jusqu'au noir (33)». Le Beau s'accompagne invariablement du Bien chez France, qui, pour le démontrer, comparera les oeuvres qu'il juge bonnes à des contes, genre qui se caractérise par la présence d'une morale. Il appuie ainsi son confrère Florentin Floriot qui associe les romans d'aventure de Dumas père à des contes : « Le vieux Dumas faisait des contes, et il avait raison. Pour plaire et pour instruire, il n'est tel que les contes. Homère en faisait aussi (34).» De plus, France, qui tient en haute estime le roman Tom Jones de Fielding, affirme qu'on y retrouve « un agréable divertissement (35)» et « les plus salutaires impressions (36)». Ces remarques permettent de voir que la conception du roman de France emprunte aux principes du classicisme, car il considère comme Chapelain et La Fontaine que l'art doit être utile et agréable. Et si cette utilité doit idéalement s'entourer de subtilité, France préfère qu'elle soit trop évidente que trop enterrée :
L'exercice d'un jugement final importe pour France qui voit dans le roman une façon d'ennoblir le lecteur, de le guider vers le Beau et le Bien. Ses romans pourraient être décrits comme des contes – Le Crime de Sylvestre Bonnard est constitué dans les faits de deux contes, « La Bûche » et « Jeanne Alexandre » – dans la mesure où une morale préside à l'écriture et veille à ce que le Bien prévale. Ainsi, l'orpheline est sauvée par Sylvestre Bonnard des griffes d'un pensionnat où elle était condamnée à trimer en tant que servante jusqu'à sa majorité. De la même manière, le citoyen Évariste Gamelin, empoisonné par les moeurs révolutionnaires, verra sa tête rouler, comme celles de ceux qu'il a si avidement conduits à la guillotine : « Que je périsse! Je l'ai mérité…(38)». Cela dit, pour que la morale soit opérante, il faut que le romancier fasse des choix, qu'il crée un engrenage; France mettra un point d'honneur à cette opération. L'art de composer. Malgré sa grande admiration pour Flaubert, qu'il décrit comme « rude et bon, enthousiaste et laborieux, […] excellent ouvrier et grand honnête homme (39)», Anatole France s'oppose à certains des propos que l'auteur tenait en public; ainsi il explique :
D'une part, France insiste sur le fait que nul ne peut échapper entièrement à cet ordonnancement puisque poser un regard sur le monde, écrire, c'est adhérer à une compréhension du monde, participer à un paradigme, privilégier et omettre des éléments. D'autre part, France pense que l'ambition même de vouloir masquer dans le texte l'intervention d'une subjectivité, celle de l'auteur, n'est pas souhaitable, car « être vraiment humain, c'est composer; lier, déduire les idées; c'est avoir l'esprit de suite [;] c'est dégager les pensées sous les formes, qui n'en sont que des symboles; c'est pénétrer dans les âmes et saisir l'esprit des choses (41)». Il ajoute encore sur cette vaine tentative d'effacement, d'objectivité : « Tout dire, c'est ne rien dire. Tout montrer, c'est ne rien faire voir. La littérature a pour devoir de noter ce qui compte et d'éclairer ce qui est fait pour la lumière. Si elle cesse de choisir et d'aimer, elle est déchue comme une femme qui se livre sans préférence (42).» France privilégie le sens, l'organisation, il préfère les symétries idéalistes aux désordres naturalistes. La position de France est, cela dit, empreinte de nuances puisqu'il précise qu'il ne faut pas trop en faire, que la composition ne doit pas être si visible. Dans La Débâcle, qu'il a par ailleurs trouvé captivant, Zola fait, selon lui, trop d'efforts « pour expliquer et faire comprendre l'ensemble des opérations militaires […] et cette préoccupation suffit seule à marquer à quel point la philosophie de M. Zola diffère de celle de Tolstoï (43)». Dans la même veine, il affirme que le vice des romans à thèse c'est « de ne rien prouver, par cela même qu'ils prouvent tout et que les caractères, les actions et les hasards y sont disposés dans l'intérêt de la démonstration (44)». France exige donc beaucoup de doigté de la part du romancier puisqu'il veut pouvoir sentir l'organisation sans que celle-ci saute aux yeux. En ce qui concerne la structure, France possède encore une autre exigence : la brièveté. Selon lui, il faut éliminer les longueurs, resserrer l'intrigue : « On peut dire beaucoup en un petit nombre de pages. Un roman devrait se lire d'une haleine. J'admire que ceux qu'on fait aujourd'hui aient tous également trois cent cinquante pages. Cela convient à l'éditeur. Mais cela n'est pas toujours convenable au sujet (45).» Anatole France se plaint du volume des romans tout comme de leur trop grand nombre. Il constate que les romanciers contemporains sont emportés malgré eux dans un système économique exigeant qu'ils écrivent « en quatre cents pages ce qu'ils eussent mieux dit en vingt (46)». Il craint que cette machine capitaliste ne ternisse l'art des romanciers de valeur, forcés d'étirer leur matière jusqu'à la rendre médiocre. En évoquant la prolifique production de Marcel Prévost – « les cinq romans qu'il a donnés en quatre ans (c'est peut-être beaucoup) inspirent la sympathie (47)» – il formule cette mise en garde :
Anatole France compose ses romans en cohérence avec les principes qu'il énonce en tant que critique puisqu'ils sont en général succincts, comptant rarement plus de deux cents pages, à l'exception de M. Bergeret à Paris, quatrième roman de sa tétralogie l'Histoire contemporaine, qui passe le cap des quatre cents pages. Ce souci de la concision participe à la minutieuse organisation du roman. La divine Imagination. L'explicit de la dernière oeuvre de France, La Vie en fleur, se lit ainsi : « Je le répète : j'aime la vérité. Je crois que l'humanité en a besoin; mais certes elle a bien plus grand besoin encore du mensonge, qui la flatte, la console, lui donne des espérances infinies. Sans le mensonge, elle périrait de désespoir et d'ennui (49).» Cette ultime phrase résume à elle seule le rôle qu'assigne l'auteur à la littérature, à l'art : celui de tirer les âmes du sol pour les hisser vers le ciel. France pense que lorsqu'un lecteur ouvre un roman c'est pour fuir, pour se bercer d'une illusion salvatrice. Le romancier doit, en conséquence, puiser dans son imagination – faculté qui enfante de beaux mensonges – pour faire sortir le lecteur de la routine. Il explique que c'est ce que Longus a fait dans son roman Daphnis et Chloé :
Ainsi, France tient en très haute estime Apulée chez qui « toutes les sciences […] physique, médecine, astronomie, histoire naturelle […] se tournai[en]t en magie (51)». Son Âne d'or est, pour le chroniqueur, le « chef-d'oeuvre des romans fantastiques (52)». Il éprouve la même admiration pour L'Ève future, roman où Villiers de L'Isle Adam met en scène les inventions de Thomas Edison et leur fait prendre « un caractère merveilleux et un tour fantastique (53)». Le roman Vamireh de J.-H. Rosny (54) comble, quant à lui, deux prescriptions franciennes : le recours à l'imagination et la beauté morale. D'une part, son auteur tire « une flore, une faune, une humanité vivantes des données incomplètes de la paléontologie et de l'archéologie préhistorique (55)», il déplace la réalité, il comble les lacunes de la science par son inventivité. D'autre part, France perçoit la bonté de l'écrivain qui « a compris ces hommes des premiers âges [,] les a aimés [,] les a montrés tels qu'on peut concevoir qu'ils furent, en effet, et les a glorifiés (56)». L'imagination que souhaite voir se manifester France ne se trouve pas nécessairement dans les extrêmes que représentent la science-fiction ou le fantastique, elle apparaît dès que la réalité est transposée, magnifiée. Les romans de George Sand s'attirent les louanges répétées du chroniqueur qui voit dans son oeuvre une « imagination, sans cesse renouvelée […] aussi fraîche et plus pure que jamais (57)». Ce que France célèbre le plus dans Indiana et Lélia, ce sont les descriptions de la nature. La romancière est pour lui « une grande et naïve amante des choses dont l'âme était en harmonie avec les fleurs des champs (58)». Il éprouve un certain agacement pour son romantisme; or c'est pour le lui pardonner aussitôt :
C'est cette même imagination que retrouve France dans les premiers chapitres des biographies; il écrit : « C'est là qu'est le roman (60). » L'enfance étant la période de la vie la plus éloignée, celle dont on détient l'idée la moins exacte, elle constitue un terreau fertile pour l'imagination du biographe. Et là où il y a imagination, nous dit France, il y a roman. Dans son article « L'hypnotisme dans la littérature », daté du 24 avril 1887, Anatole France écrit que les romanciers et les poètes « possèdent l'aiguille aimantée qui se tourne vers le pôle enchanté; eux seuls ont la clef d'or du palais des rêves (61)». Il entrouvre lui-même les portes de ces mondes magiques dans ses romans. En effet, Sylvestre Bonnard rencontre une fée alors qu'il répertorie les manuscrits d'une bibliothèque et Jérôme Coignard se met au service d'un kabbaliste qui voit des Salamandres, ces petites nymphes de feu, partout . Dans Thaïs, il décrira longuement les hallucinations du cénobite Paphnuce. Cette quête du Beau, du Bien et de l'Imagination dans le roman, Anatole France l'a poursuivie avec beaucoup de persistance en décriant haut et fort la doctrine naturaliste qui ne s'évertuait, selon lui, qu'à enlaidir la vie. Cette laideur, l'être humain la perçoit jour après jour et, selon France, il demande sans cesse à l'art de porter son regard vers un idéal, de nourrir son imagination pour l'élever, lui donner espoir. D'ailleurs, France affirme que ce besoin s'exprime dans toute l'histoire de l'humanité : « Pour embellir la vie que n'avons-nous pas inventé? Nous nous sommes fait de magnifiques costumes de guerre et d'amour et nous avons chanté nos joies et nos douleurs. Tout l'effort immense des civilisations aboutit à l'embellissement de la vie (62).» Sa sincère conviction en la nécessité de la Beauté, au sens où il la définit, n'aveugle pas Anatole France qui demeure conscient de l'évolution des goûts : « Un poème, un roman, tout beau qu'il est, devient caduc quand vieillit la forme littéraire dans laquelle il fut conçu. Les oeuvres d'art ne peuvent plaire longtemps (63) [.] » Impitoyable détracteur du naturalisme et de ce qu'il désignera comme ses conséquences, le décadentisme et le symbolisme, il aurait probablement accueilli en bon joueur l'incisive critique que les Surréalistes préparaient à l'endroit de son oeuvre romanesque. Notes:
Bibliographie : Entretiens :
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Bibliographie
Ouvrages cités |
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Ensemble de citations recueillies par Marie-Laurence Dumont et Sonia Théberge. |
« Un roman et un ordre du jour. Le cavalier Miserey », La Vie littéraire. Première série, Paris, Calmann-Lévy, 1887, p. 63-78. « Balzac », La Vie littéraire. Première série, Paris, Calmann-Lévy, 1887, p. 145-154. « La Terre », La Vie littéraire. Première série, Paris, Calmann-Lévy, 1887, p. 225-238. « George Sand et l'idéalisme dans l'art », La Vie littéraire. Première série, Paris, Calmann-Lévy, 1887, p. 339-355. « Mensonges, par M. Paul Bourget », La Vie littéraire. Première série, Paris, Calmann-Lévy, 1887, p. 348-355. « Préface », La Vie littéraire. Deuxième série, Paris, Calmann-Lévy, 1901, p. I-XIII. « M. Alexandre Dumas fils. Le châtiment d'Iza et le pardon de Marie », La Vie littéraire. Deuxième série, Paris, Calmann-Lévy, 1901, p. 1-9. « Gustave Flaubert », La Vie littéraire. Deuxième série, Paris, Calmann-Lévy, 1901, p. 18-27. « Guy de Maupassant. Critique et romancier », La Vie littéraire. Deuxième série, Paris, Calmann-Lévy, 1901, p. 28-35. « Hors de la littérature », La Vie littéraire. Deuxième série, Paris, Calmann-Lévy, 1901, p. 56-64. « Les criminels », La Vie littéraire. Deuxième série, Paris, Calmann-Lévy, 1901, p. 75-83. « Demain », La Vie littéraire. Deuxième série, Paris, Calmann-Lévy, 1901, p. 190-202. « M. Charles Morice », La Vie littéraire. Deuxième série, Paris, Calmann-Lévy, 1901, p. 203-214. « La pureté de M. Zola », La Vie littéraire. Deuxième série, Paris, Calmann-Lévy, 1901, p. 284-291. « Roman et magie », La Vie littéraire. Deuxième série, Paris, Calmann-Lévy, 1901, p. 332-340. « Rabelais », La Vie littéraire. Troisième série, Paris, Calmann-Lévy, 1902, p. 28-36. « Préface », La Vie littéraire. Troisième série, Paris, Calmann-Lévy, 1902, p. I-XIX. « La morale et la science », La Vie littéraire. Troisième série, Paris, Calmann-Lévy, 1902, p. 54-78. « Léon Hennique », La Vie littéraire. Troisième série, Paris, Calmann-Lévy, 1902, p. 142-152. « M. Édouard Rod », La Vie littéraire. Troisième série, Paris, Calmann-Lévy, 1902, p. 266-276. « J.-H. Rosny », La Vie littéraire. Troisième série, Paris, Calmann-Lévy, 1902, p. 277-288. « Dialogues des vivants », La Vie littéraire. Troisième série, Paris, Calmann-Lévy, 1902, p. 319-330. « Notre coeur », La Vie littéraire. Quatrième série, Paris, Calmann-Lévy, 1900, p. 10-18. « Un coeur de femme », La Vie littéraire. Quatrième série, Paris, Calmann-Lévy, 1900, p. 19-26. « Judith Gauthier », La Vie littéraire. Quatrième série, Paris, Calmann-Lévy, 1900, p. 133-144. « Maurice Barrès. Le Jardin de Bérénice », La Vie littéraire. Quatrième série, Paris, Calmann-Lévy, 1900, p. 223-230. « L'argent », La Vie littéraire. Cinquième série, Paris, Calmann-Lévy, 1949, p. 94-102. « Enquête sur l'évolution littéraire », La Vie littéraire. Cinquième série, Paris, Calmann-Lévy, 1949, p. 103-109. « Paul Bourget : « Sensations d'Italie », La Vie littéraire. Cinquième série, Paris, Calmann-Lévy, 1949, p. 110-117. « Littérature socialiste », La Vie littéraire. Cinquième série, Paris, Calmann-Lévy, 1949, p. 136-144. « Maurice Barrès. L'ennemi des lois », La Vie littéraire. Cinquième série, Paris, Calmann-Lévy, 1949, p. 279-285. « Paul Hervieu. Peints par eux-même », La Vie littéraire. Cinquième série, Paris, Calmann-Lévy, 1949, p. 313-319. Rabelais, Paris, Calmann-Lévy, 1928, 246 p. « M. Anatole France », dans Enquête sur l'évolution littéraire, Paris, Émile Colin, 1891, p. 2-10. « Préface », dans Paul Ginisty, L'année littéraire, Paris, 1885, p. V-X. Le Jardin d'Épicure, Paris, Calmann-Lévy Éditeurs, 1921, 296 pages. « À propos du journal des Goncourt », La Vie littéraire, première série, Paris, Calmann-Lévy, p. 79-86. « L'hypnotisme dans la littérature », La Vie littéraire, première série, Paris, Calmann-Lévy, p. 104-115. « M. Jules Lemaître », La Vie littéraire, deuxième série, Paris, Calmann-Lévy, p. 442-446. « La Tresse blonde », La Vie littéraire, deuxième série, Paris, Calmann-Lévy, p. 547-551. « Brave fille », La Vie littéraire, deuxième série, Paris, Calmann-Lévy, p. 552-559. « M. Octave Feuillet. Le divorce de Juliette », La Vie littéraire, deuxième série, Paris, Calmann-Lévy, p. 578-583. « Barbey d'Aurevilly », La Vie littéraire, troisième série, Paris, Calmann-Lévy, p. 51-57. « Villiers de l'Isle-Adam », La Vie littéraire, troisième série, Paris, Calmann-Lévy, p. 119-126. « Octave Feuillet », La Vie littéraire, troisième série, Paris, Calmann-Lévy, p. 323-332. « Un coeur de femme », La Vie littéraire, quatrième série, Paris, Calmann-Lévy, p. 376-382. « Apologie pour le plagiat », La Vie littéraire, quatrième série, Paris, Calmann-Lévy, p. 487-494. « Marcel Schwob », La Vie littéraire, quatrième série, Paris, Calmann-Lévy, p. 618-623. « Les débuts de Victorien Sardou », La Vie littéraire, cinquième série, Paris, Calmann-Lévy, p. 55-60. « Pierre Loti », La Vie littéraire, cinquième série, Paris, Calmann-Lévy, p. 71-77. « Nicolas », La Vie littéraire, sixième série, Paris, Calmann-Lévy, p. 289-295. « La langue décadente », La Vie littéraire, sixième série, Paris, Calmann-Lévy, p. 314-319. « Les joyaux de la couronne », La Vie littéraire, sixième série, Paris, Calmann-Lévy, p. 320-332. « Madame de Staël », La Vie littéraire, sixième série, Paris, Calmann-Lévy, p. 407-413. « Marcel Prévost », La Vie littéraire, sixième série, Paris, Calmann-Lévy, p. 414-420. « Le préhistorique dans l'art », La Vie littéraire, sixième série, Paris, Calmann-Lévy, p. 485-492. « Les Maux de l'Intelligence », La Vie littéraire, sixième série, Paris, Calmann-Lévy, p. 518-523. « Émile Zola. La Débâcle », La Vie littéraire, sixième série, Paris, Calmann-Lévy, p.530-536. « Alphonse Daudet », La Vie littéraire, sixième série, Paris, Calmann-Lévy, p. 564-591. « Werther et Tom Jones, traduits par M. le comte de La Bédoyère », Le Chasseur bibliographe, février 1863. « N'écris pas », dans La Vie en fleur, chapitre XXVIII, p. 1157-1163 |
Citations
« Un roman et un ordre du jour. Le cavalier Miserey », La Vie littéraire. Première série, Paris, Calmann-Lévy, 1887, p. 63-78. |
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« Si les lions savaient écrire, si le colonel du 12e faisait un roman sur son régiment, il n'y a pas à douter que ce serait tout autre chose que le Cavalier Miserey. Je ne crains pas d'affirmer que ce roman ne serait pas naturaliste. J'ai dit que le Cavalier Miserey l'est. Il l'est tout à fait. […] L'auteur a évité les grossièretés dans un sujet où on en rencontrait à tout propos; car les chasseurs ne sont pas des demoiselles et le langage des casernes ne ressemble point à celui des salons. M. Abel Hermant ne nous apporte de l'argot des cavaliers qu'un écho adouci. Mais son livre est jeté tout entier dans le moule du roman nouveau. Chaque morceau, repris à part minutieusement, est traité selon la formule. Les descriptions, entrecoupées de bouts de dialogue, se succèdent avec une monotonie dont le lecteur éprouve, je crains, quelque fatigue. Elles sont précises, sans beaucoup d'éclat. Il y a des petits paysages là où les romanciers ont coutume d'en mettre. Bien que courts, ils sont trop longs, puisque Miserey et le régiment ne les voient pas. Bref, on sent partout la facture, et j'ai raison de dire que c'est un roman naturaliste. J'en sais de meilleurs, j'en sais de pires; je n'en vois pas de plus exemplaires. Celui-là est froid et correct comme un modèle d'école. M. Émile Zola aussi nous donnera, tôt ou tard, un roman militaire. Eh bien, je gage que ce roman-là sera moins naturaliste que le Cavalier Miserey. Et il y a beaucoup de raisons pour que je gagne mon pari. La première est que, si M. Zola a inventé le naturalisme, d'autres l'ont perfectionné. Les machines que construisent les inventeurs sont toujours rudimentaires. Il faut considérer aussi que M. Zola est moins fidèle à ses doctrines qu'il ne croit. Il n'a pas réussi à étouffer sa robuste imagination. Il est poète à sa manière, poète sans délicatesse et sans grâce, mais non sans audace et sans énergie. Il voit gros; quelques fois même il voit grand. Il pousse au type et vise au symbole. En voulant copier, le maladroit invente et crée! Sa conception des Rougon-Maquart […] a en soi quelque chose d'énorme et de symétrique qui révèle chez son auteur le plus ardent idéalisme. Son point de départ n'a de scientifique que l'apparence : l'hérédité. Or, les lois de l'hérédité ne sont pas connues; c'est sur une fiction qu'il a fondé son oeuvre.» (p. 74) « Le cadre immense dans lequel M. Zola s'est volontairement enfermé l'attache à une époque qui n'est plus la nôtre. Ses héros appartiennent à l'histoire. M. Zola, retenu dans le second empire, est une façon de Walter Scott. » (p. 76) « Ces perpétuelles analyses, ces minutieux récits, qu'on nous donne comme pleins de vérité, blessent au contraire la vérité, et avec elle la justice et la pudeur. On prétend que le naturalisme est une littérature fondée sur la science. En réalité, il est renié par la science, qui ne connaît que le vrai, et par l'art, qui ne connaît que le beau. Il traîne en vain de celui-ci à celle-là sa plate difformité. […] C'est une monstruosité dont on s'étonnera bientôt. Tout dire, c'est ne rien dire. Tout montrer c'est ne rien faire voir. La littérature a pour devoir de noter ce qui compte et d'éclairer ce qui est fait pour la lumière. Si elle cesse de choisir et d'aimer, elle est déchue comme une femme qui se livre sans préférence. Il y a une vérité littéraire, ainsi qu'une vérité scientifique, et savez-vous le nom de la vérité littéraire? Elle s'appelle la poésie. En art tout est faux qui n'est pas beau. […] Quelques lignes d'une forme entrevue suffisent parfois à nous donner le grand amour. Toutes les révélations du microscope n'y ajouteraient rien; ou plutôt elles seraient importunes. L'art, c'est encore l'amour. C'est pourquoi il n'y faut pas de microscope. » (p. 78) |
« Balzac », La Vie littéraire. Première série, Paris, Calmann-Lévy, 1887, p. 145-154. |
Sur Balzac : |
« La Terre », La Vie littéraire. Première série, Paris, Calmann-Lévy, 1887, p. 225-238. |
Sur La Terre de Zola : |
« George Sand et l'idéalisme dans l'art », La Vie littéraire. Première série, Paris, Calmann-Lévy, 1887, p. 339-355. |
Sur George Sand : |
« Mensonges, par M. Paul Bourget », La Vie littéraire. Première série, Paris, Calmann-Lévy, 1887, p. 348-355. |
Sur Mensonges de Paul Bourget : |
« Préface », La Vie littéraire. Deuxième série, Paris, Calmann-Lévy, 1901, p. I-XIII. |
Sur l'activité critique, la littérature contemporaine et la littérature : |
« M. Alexandre Dumas fils. Le châtiment d'Iza et le pardon de Marie », La Vie littéraire. Deuxième série, Paris, Calmann-Lévy, 1901, p. 1-9. |
« […] on devinait le philosophe sous le romancier, on voyait la thèse dans l'oeuvre d'art. » (p. 2) « Il [le personnage principal] l'aime d'un amour à la fois idéal et esthétique. Il l'aime parce qu'elle est la forme parfaite et parce qu'elle est l'infini que nous rêvons tous, dans ce rêve d'une heure qui est la vie. (p. 2) Un grand artiste porte en soi l'instinct généreux de la vie. Il crée et ne détruit pas. » (5) « Tous les fanatismes, même celui de la vertu, font horreur aux âmes riantes et largement ouvertes. » (p. 6) |
« Gustave Flaubert », La Vie littéraire. Deuxième série, Paris, Calmann-Lévy, 1901, p. 18-27. |
Sur la correspondance de Flaubert; portrait d'écrivain : |
« Guy de Maupassant. Critique et romancier », La Vie littéraire. Deuxième série, Paris, Calmann-Lévy, 1901, p. 28-35. |
Sur Pierre et Jean de Maupassant et sur la nature et le rôle de la critique littéraire : |
« Hors de la littérature », La Vie littéraire. Deuxième série, Paris, Calmann-Lévy, 1901, p. 56-64. |
Sur Volonté de George Ohnet : |
« Les criminels », La Vie littéraire. Deuxième série, Paris, Calmann-Lévy, 1901, p. 75-83. |
Sur Conscience d'Hector Malot et Crime et châtiment de Dostoïevsky : |
« Demain », La Vie littéraire. Deuxième série, Paris, Calmann-Lévy, 1901, p. 190-202. |
Sur l'avenir du roman : |
« M. Charles Morice », La Vie littéraire. Deuxième série, Paris, Calmann-Lévy, 1901, p. 203-214. |
Sur la réponse de C. M. à l'article « Demain » : |
« La pureté de M. Zola », La Vie littéraire. Deuxième série, Paris, Calmann-Lévy, 1901, p. 284-291. |
Sur Le Rêve de Zola : |
« Roman et magie », La Vie littéraire. Deuxième série, Paris, Calmann-Lévy, 1901, p. 332-340. |
Sur Apulée et ce que cache l'imagination et le merveilleux : |
« Rabelais », La Vie littéraire. Troisième série, Paris, Calmann-Lévy, 1902, p. 28-36. |
Sur Rabelais, sa personne, son génie, son oeuvre de Paul Stapfer : |
« Préface », La Vie littéraire. Troisième série, Paris, Calmann-Lévy, 1902, p. I-XIX. |
Sur la définition et le rôle de la critique littéraire : |
« La morale et la science », La Vie littéraire. Troisième série, Paris, Calmann-Lévy, 1902, p. 54-78. |
Sur Le Disciple de Paul Bourget : |
« Léon Hennique », La Vie littéraire. Troisième série, Paris, Calmann-Lévy, 1902, p. 142-152. |
Sur Un Caractère de Léon Hennique : |
« M. Édouard Rod », La Vie littéraire. Troisième série, Paris, Calmann-Lévy, 1902, p. 266-276. |
Sur Les Trois coeurs d'Édouard Rod : |
« J.-H. Rosny », La Vie littéraire. Troisième série, Paris, Calmann-Lévy, 1902, p. 277-288. |
Sur Le Termite de J.-H. Rosny : |
« Dialogues des vivants », La Vie littéraire. Troisième série, Paris, Calmann-Lévy, 1902, p. 319-330. |
Sur La Bête humaine de Zola : |
« Notre coeur », La Vie littéraire. Quatrième série, Paris, Calmann-Lévy, 1900, p. 10-18. |
Sur Notre Coeur de Maupassant : |
« Un coeur de femme », La Vie littéraire. Quatrième série, Paris, Calmann-Lévy, 1900, p. 19-26. |
Sur Un coeur de femme de Paul Bourget : |
« Judith Gauthier », La Vie littéraire. Quatrième série, Paris, Calmann-Lévy, 1900, p. 133-144. |
Sur La Conquête du Paradis de J. Gauthier; portrait d'écrivain : |
« Maurice Barrès. Le Jardin de Bérénice », La Vie littéraire. Quatrième série, Paris, Calmann-Lévy, 1900, p. 223-230. |
Sur Le jardin de Bérénice de Maurice Barrès : |
« L'argent », La Vie littéraire. Cinquième série, Paris, Calmann-Lévy, 1949, p. 94-102. |
Sur Zola : |
« Enquête sur l'évolution littéraire », La Vie littéraire. Cinquième série, Paris, Calmann-Lévy, 1949, p. 103-109. |
Sur Enquête sur l'évolution littéraire de Jules Huret : |
« Paul Bourget : « Sensations d'Italie », La Vie littéraire. Cinquième série, Paris, Calmann-Lévy, 1949, p. 110-117. |
Sur Sensations d'Italie de Paul Bourget : |
« Littérature socialiste », La Vie littéraire. Cinquième série, Paris, Calmann-Lévy, 1949, p. 136-144. |
« Le socialisme n'est pas nouveau. J'en pourrais donner diverses preuves historiques et philosophiques, mais celle-ci suffit, qu'il n'y a jamais rien de nouveau en ce monde. C'est là une idée qui n'est pas neuve non plus, et dont on se pénètre davantage, à mesure qu'on étudie le passé. Elle nous tranquillise et nous attriste. » (p. 136) « […] son roman socialiste [la Conversion d'André Savenay de George Renard] n me plaît qu'à demi. C'est un roman de penseur. Le monde y est vu entre les quatre murs d'un cabinet de travail. Oh! si l'intelligence suffisait à la connaissance des hommes, avec quelle agilité M. Jules Renard sonderait les reins et les coeurs! Mais il faut un instinct pour sentir la vie, et ce ne sont pas toujours les plus intelligents qui sont doués de cet instinct-là. » (p. 139) « Il y a dans cet étonnant tableau [la Salle Grafjard de Jean Béraud] une figure qui me fait mieux comprendre à elle seule l'ouvrier socialiste que vingt volumes d'histoire et de doctrine […] » (p. 140) « […] puisque enfin son roman est un roman à thèse, il souffrira qu'on lui dise que beaucoup d'illusions et d'imprudences se mêlent à la générosité de ses sentiments. » (p. 142) « Il annonce, il attend, il voit déjà de grands chagements. C'est l'éternelle erreur de l'esprit prophétique, il n'y aura pas de grands changements, il n'y en aura jamais, j'entends de prompts ou de soudains. Toutes les transformations économiques s'opèrent avec la lenteur clémente des forces naturelles. Car enfin, dans l'ordre de la civilisation, comme dans l'ordre de la nature, nous sommes gouvernés par la nécessité. Bonnes ou mauvaises à notre sens, les choses sont toujours ce qu'il fallait qu'elles fussent. Notre était social est l'effet des états qui l'ont précédé, comme il est la cause des états qui le suivront. Il en résulte qu'il ressemble en quelque chose aux premiers comme les suivants lui ressembleront en quelque manière. L'instabilité est, il est vrai, la condition première de la vie; tout ce qui vit se modifie sans cesse, mais insensiblement et presque à notre insu. Tout progrès est lent et régulier. […] Ayons ce zèle, travaillons à ce que nous croyons utile et bon, mais non point dans l'espoir d'un succès subit et merveilleux, non point au milieu des imaginations d'une apocalypse sociale […] Résignons-nous à préparer, pour notre faible part, des progrès tardifs, mais certains, que nous ne verrons peut-être pas et qu'aucune force humaine ne saurait hâter. […] M. Pierre Laffitte a dit un jour ces sages et justes paroles : "Les véritables améliorations ne sont jamais gratuitement concédées; elles se conquièrent par un effort continu d'amélioration mentale et morale. C'est lent, mais décisif; c'est un rude chemin, comme dit Dante, mais il mène au but." » (p. 142) |
« Maurice Barrès. L'ennemi des lois », La Vie littéraire. Cinquième série, Paris, Calmann-Lévy, 1949, p. 279-285. |
Sur L'ennemi des lois de Barrès : |
« Paul Hervieu. Peints par eux-même », La Vie littéraire. Cinquième série, Paris, Calmann-Lévy, 1949, p. 313-319. |
Sur Peints par eux-même de Hervieu : |
Rabelais, Paris, Calmann-Lévy, 1928, 246 p. |
Note : |
« M. Anatole France », dans Enquête sur l'évolution littéraire, Paris, Émile Colin, 1891, p. 2-10. |
« [Question: -Le naturalisme est-il malade? Réponse:] -Il me paraît de toute évidence qu'il est mort, me répondit-il [A. France]. […] Je reconnais […] que Flaubert et les Goncourt ont inauguré magistralement ce procédé de littérature méthodique et que Zola, avec l'Assommoir et Germinal, a fortement continué l'oeuvre commencée. Mais il était aisé de prévoir l'inévitable réaction. Quand on les eut lus, et que l'on se fut dit : « Tout cela est vrai, très vrai, mais aussi triste, et cela ne nous apprend rien que nous ne sachions… », on aspira à autre chose. Sans compter qu'il arriva quelques fois que cette prétendue vérité devint du parfait mensonge, et du mensonge peu estimable. La Terre, par exemples, n'est pas tant l'oeuvre d'un réaliste que d'un idéaliste perverti. Ne voir dans les paysans que des bêtes en rut, c'est tout aussi enfantin, aussi faux et aussi maladif, que de faire de la femme un être désexué, livré au vertige du bleu. Les paysans ne sont pas libidineux pour deux raisons : d'abord ils n'ont pas le temps, ensuite cela les fatiguerait… nous le savons bien… […] Zola, lui, nous montre des paysans, levés à l'aurore, travaillant comme des chevaux, et, malgré cela, s'adonnant à une fornication perpétuelle. Non. Pour se donner la peine d'inventer, on pourrait faire mieux. » (p. 2) « Il n'y a presque plus que les femmes qui lisent le roman, c'est un fait, les hommes n'ont pas le temps. » (p. 3) « [Question: -Le naturalisme pouvait-il être sauvé? Réponse:] -Les deux Goncourt auraient pu sauver le naturalisme et assurer sa durée, s'ils s'étaient décidés à faire du naturalisme mondain, c'est-à-dire s'ils avaient dirigé leur objectif vers les sphères mondaines. La réalité est aussi bien là qu'ailleurs, et les passions d'une femme du monde sont aussi intéressantes et fécondes en observations que celles des laveuses de vaisselle et des filles. » (p. 4) « [Question: -Par quoi sera remplacé le naturalisme? Réponse:] -Par ce qui, déjà, lui a succédé, par le roman psychologique dont Bourget a repris la tradition. D'ailleurs, le mouvement est si bien marqué que même les disciples de l'école qui finit se mettent à la psychologie! Maupassant, dans ses derniers romans, s'y adonne de tout son coeur; Hennique avait dès longtemps lâché; Huysmans n'avait, lui, jamais pris pied dans la vulgarité naturelle. Et il n'y a guère plus de jeunes écrivains de talent qui fassent autre chose : Maurice Barrès, cette jeune et si brillante intelligence, ce de Maistre, moins le dogmatisme, Pierre Loti, Rod, Je Le maître, M. de Voguë, que sais-je! » (p. 5) « Mais ils [les adeptes du symbolisme] me font l'effet de ces vieillards qui trouvent que les fwmmes ont cessé d'être jolies précisément depuis qu'eux-mêmes ont cessé d'être jeunes, et qui conservent tous leurs trésors d'adorations et d'hommages pour les jeunes de leur temps. C'est très humain, mais c'est peu raisonnable. » (p. 5) |
« Préface », dans Paul Ginisty, L'année littéraire, Paris, 1885, p. V-X. |
« Il faut considérer aussi que la postérité est indifférente et mal informée, et que c'est grâce surtout à ces deux qualités qu'elle parvient à établir dans l'opinion une sorte d'accord qui semble majestueux. C'est une des prétentions les plus étranges de l'orgueil littéraire que d'écrire pour l'avenir et d'adresser des ouvrages à une humanité future dont on ne peut deviner les moeurs, les goûts, le caractère et les sentiments. Il est plus raisonnable et plus sûr de parler aux contemporains si, par avendure, on a quelque chose à leur dire. » (p. VI) « Comment choisir dans tant d'oeuvres où le talent abonde? Il ne faut pas croire que l'imprimeur assure à toute cette copie une durée indéfinie. Nos petits livres jaunes ne sont pas faits pour exister longtemps; dans moins d'un siècle, ils tomberont tous en possière. Et nous ne savons pas si beaucoup seront réimprimés avant cette destruction certaine. » (p. VII) « Pourtant il ne faut pas craindre l'avenir, qui ne peut être ni beaucoup meilleur ni bien pire que le passé dont il sort. Ce qui doit surtout rassurer, c'est que les peuples ont besoin de quelque ordre et de quelque tranquillité seulement pour vivre. Tous les prophètes de malheur se sont trompés en définitive et leurs lamentations font sourire après l'événement. » (p. VIII) « […] on doit féliciter M. Paul Ginisty [auteur de l'ouvrage] de s'être voué à un genre d'histoire où il y a plus de chances d'inscrire des faits importants que s'il écrivait au jour le jour notre histoire politique. L'apparition de tel livre, même imparfait, est un événement plus intéressant que la formation de tel ministère. Et les plus grandes affaires humaines sont encore celles de la pensée. Les historiens rapportent qu'en 1748, les Anglais furent contrains par Dupleix de lever le siège de Pondichéry et que, cinq mois après cet échec, la France, la Hollande et l'Angleterre conclurent la deuxième paix d'Aix-la-Chapelle. Ce sont des faits notables. Cette année-là, Montesquieu publia son Esprit des lois, et l'on conviendra sans peine que c'est un bien plus grand événement. » (p. IX) |
Le Jardin d'Épicure, Paris, Calmann-Lévy Éditeurs, 1921, 296 pages. |
« L'art n'a pas la vérité pour objet. Il faut demander la vérité aux sciences, parce qu'elle est leur objet ; il ne faut pas la demander à la littérature, qui n'a et ne peut avoir d'objet que le beau. |
« À propos du journal des Goncourt », La Vie littéraire, première série, Paris, Calmann-Lévy, p. 79-86. |
« Un poème, un roman, tout beau qu'il est, devient caduc quand vieillit la forme littéraire dans laquelle il fut conçu. Les oeuvres d'art ne peuvent plaire longtemps ; car la nouveauté est pour beaucoup dans l'agrément qu'elles donnent. Or, des mémoires ne sont point des oeuvres d'art. Une autobiographie ne doit rien à la mode. On n'y cherche que la vérité humaine. » (p.82-83) |
« L'hypnotisme dans la littérature », La Vie littéraire, première série, Paris, Calmann-Lévy, p. 104-115. |
« La vérité est que le monde inconnu, c'est, non pas aux magiciens et aux spirites, mais aux romanciers et aux poètes qu'il faut en demander le chemin. Eux seuls possèdent l'aiguille aimantée qui se tourne vers le pôle enchanté; eux seuls ont la clef d'or du palais des rêves. » (p.109) |
« M. Jules Lemaître », La Vie littéraire, deuxième série, Paris, Calmann-Lévy, p. 442-446. |
« La critique est, comme la philosophie et l'histoire, une espèce de roman à l'usage des esprits avisés et curieux, et tout roman, à le bien prendre, est une autobiographie. » (p.445 |
« La Tresse blonde », La Vie littéraire, deuxième série, Paris, Calmann-Lévy, p. 547-551. |
« La dernière fois que j'eus le plaisir de le voir, il m'exposa ses théories sur le roman. |
« Brave fille », La Vie littéraire, deuxième série, Paris, Calmann-Lévy, p. 552-559. |
« M. Fernand Calmettes rapporta de la baie de Somme et des plages grises du Vimeu des études, des notes, des souvenirs dont il a tiré depuis quelques beaux tableaux et un livre, un roman que j'ai reçu hier et qui m'a fait songer à tout ce que je viens de vous dire, un roman sur les pêcheurs, un récit tracé pour les jeunes filles avec une innocente ardeur. Ce livre est illustré : je n'ai pas besoin de dire que les dessins sont de M. Calmettes lui-même. Ils plaisent par un style simple et grand. Le texte aussi a de la grandeur vraie et de la belle simplicité. » (p. 556) |
« M. Octave Feuillet. Le divorce de Juliette », La Vie littéraire, deuxième série, Paris, Calmann-Lévy, p. 578-583. |
« L'auteur de M. de Camors aime à couronner par l'expiation ou le repentir ces fautes du coeur qu'il excelle à décrire. Quand bien même on sentirait là un peu trop l'artifice poétique et l'arrangement moral, je ne m'en plaindrais pas. Il m'est fort agréable, au contraire, que ces aventures profanes finissent, comme les récits des pieux légendaires, par le triomphe définitif du bien. » (p.579-580) |
« Barbey d'Aurevilly », La Vie littéraire, troisième série, Paris, Calmann-Lévy, p. 51-57. |
« Quant à ses romans, ils comptent parmi les ouvrages les plus singuliers de ce temps, et il y en a deux pour le moins qui sont, dans leur genre, des chefs-d'oeuvre : je veux parler de l'Ensorcelée et du Chevalier des Touches. » (p.56) |
« Villiers de l'Isle-Adam », La Vie littéraire, troisième série, Paris, Calmann-Lévy, p. 119-126. |
« Villiers a mis en scène, dans ce roman, l'inventeur du téléphone et du phonographe, le sorcier de Menlo Park, l'ingénieur Edison. Naturellement, les inventions de cet habile homme prennent dans l'esprit de Villiers un caractère merveilleux et un tour fantastique. » (p.124) |
« Octave Feuillet », La Vie littéraire, troisième série, Paris, Calmann-Lévy, p. 323-332. |
« On croyait qu'on ne verrait pas la fin de la tourmente. On croyait que le régime de la démagogie littéraire ne finirait pas, que le Comité de salut public, dirigé par M. Zola, que le tribunal révolutionnaire, présidé par M. Paul Alexis, fonctionnerait toujours. Nous lisions sur tous les monuments de l'art : ‘‘Le naturalisme ou la mort!'' Et nous pensions que cette devise serait éternelle. » (p.323) |
« Un coeur de femme », La Vie littéraire, quatrième série, Paris, Calmann-Lévy, p. 376-382. |
« C'est une des misères de la littérature contemporaine, rien ne reste. Les livres – je dis les plus aimables – ne durent point. Les lecteurs mondains et qui se croient lettrés n'ont pas de bibliothèque. Il leur suffit que les ‘‘nouveautés'' passent chez eux. ‘‘Nouveautés'', c'est le mot le plus en usage chez les libraires du boulevard. Il n'y a plus que les bibliophiles qui aient des bibliothèques, et l'on sait que cette espèce d'hommes ne lit jamais. Un livre de Maupassant ou de Loti est un déjeuner de printemps ou d'hiver, les romans passent comme des fleurs. » (p. 377) |
« Apologie pour le plagiat », La Vie littéraire, quatrième série, Paris, Calmann-Lévy, p. 487-494. |
« Nos littérateurs contemporains se sont mis dans la tête qu'une idée peut appartenir en propre à quelqu'un. On n'imaginait rien de tel autrefois, et le plagiat n'était pas jadis ce qu'il est aujourd'hui. » (p.488) |
« Marcel Schwob », La Vie littéraire, quatrième série, Paris, Calmann-Lévy, p. 618-623 |
« Il y a beaucoup moins de lecteurs pour les nouvelles que pour les romans, par cette raison suffisante que seuls les délicats savent goûter une nouvelle exquise, tandis que les gloutons dévorent indistinctement les romans bons, médiocres ou mauvais. Il n'est pas de feuilleton, si fade ou si coriace, qui ne soit avalé jusqu'à la dernière tranche par quelque pauvre esprit affamé de grosse littérature. » (p.618) |
« Les débuts de Victorien Sardou », La Vie littéraire, cinquième série, Paris, Calmann-Lévy, p. 55-60. |
« Rappelez-vous les biographies des hommes célèbres, et vous vous convaincrez que les premiers chapitres sont les plus intéressants. C'est là qu'est le roman. » (p.55) |
« Pierre Loti », La Vie littéraire, cinquième série, Paris, Calmann-Lévy, p. 71-77. |
« Beaucoup d'esprits, grands, rares ou seulement distingués ont pris plaisir à conter leur enfance. […] Mais on nous permettra de croire que ces sortes de confessions sont plus touchantes quand la feinte n'y est point mêlée et qu'il vaut mieux n'y rien associer de romanesque ni même de fictif. Faites sous forme de mémoires, elles présentent plus d'intérêt et prennent l'autorité d'un témoignage. » (p.71) |
« Nicolas », La Vie littéraire, sixième série, Paris, Calmann-Lévy, p. 289-295. |
« Plus on y songe, plus le naturalisme semble une maladie mentale. Les médecins aliénistes savent que certaines personnes, d'un caractère réservé et de moeurs honnêtes, profèrent tout à coup des obscénités sous l'excitation d'un trouble cérébral. C'est exactement ce qui nous arrive et l'on ne peut expliquer l'oeuvre de M. Zola que par une maladie de ce genre. » (p.289) |
« La langue décadente », La Vie littéraire, sixième série, Paris, Calmann-Lévy, p. 314-319. |
Sur le glossaire de la langue décadente créé par Jacques Plowert : « Mais les décadents se méfient de la nature. Ils créent, comme le famulus Wagner, avec des fourneaux, des cornues, des ballons et des alambics. Leurs mots ont l'air de sortir d'une bouteille et sentent la pharmacie. Ces mots-là me paraissent d'un emploi tout à fait rare et difficile. Excusez-moi, si je me trompe, mais, pour prendre un exemple, Hymnaire de M. Gustave Kahn n'es pas très utile. » (p.317) |
« Les joyaux de la couronne », La Vie littéraire, sixième série, Paris, Calmann-Lévy, p. 320-332. |
« Mais l'art est soumis à toutes les vicissitudes du goût. À certaines époques on le veut noble et magnifique. Puis on se lasse de la noblesse et de la magnificence. On se lasse de la raison, on se lasse même de la beauté. Alors on aime un art brutal, vulgaire, instinctif, laid, mais d'une laideur cherchée et voulue qui n'est pas sans quelque beauté, parce qu'elle est artiste et par conséquent humaine et par là divine. C'est ainsi qu'après les platoniciens et les pindariques de la Renaissance parurent les grotesques du XVIIe siècle : Sorel, avec l'Histoire de Francion; Scarron, avec le Roman comique; Furetière, avec le Roman bourgeois. Ceux-ci jouirent d'une faveur inouïe, mais ils ne durèrent point et l'empire passa aux classiques. Puis on se lassa des classiques, car on se lasse de tout, même et surtout de ce qui est fait pour durer très longtemps. À la fin du XVIIIe siècle, le roman de moeurs prit sa revanche sur la tragédie. Aujourd'hui, nous expions les chimères du romantisme par les brutalités du naturalisme. » (p.321) |
« Madame de Staël », La Vie littéraire, sixième série, Paris, Calmann-Lévy, p. 407-413. |
« Ses romans représentent au vrai les états de son âme et l'esprit de la société. ‘‘Le roman, disait-elle, doit prendre ses données dans l'observation du monde.'' Elle était naturaliste à sa manière. Le convenu lui faisait horreur. Et toutefois ses livres, ses romans surtout, quand nous les feuilletons, nous semble plein de convenu. C'est que son langage a vieilli. Dans sa nouveauté même, il n'était déjà pas très bon. Il manquait de précision, d'exactitude et d'éclat. » (p.412) |
« Marcel Prévost », La Vie littéraire, sixième série, Paris, Calmann-Lévy, p. 414-420. |
Le romancier en question a publié cinq romans en quatre ans. |
« Le préhistorique dans l'art », La Vie littéraire, sixième série, Paris, Calmann-Lévy, p. 485-492. |
« M. Rosny est un esprit méditatif, en qui la puissance de réflexion est extraordinaire. En tirant une flore, une faune, une humanité vivantes des données incomplètes de la paléontologie et de l'archéologie préhistorique, il a montré une fois de plus qu'il était un savant et un poète. Il a su rendre les frissons, les bruits, la vie de la forêt primitive et cette nouveauté fleurie du monde dont parle le poète latin. Il a fait revivre devant nous l'homme primitif avec sa violence, sa ruse, son indomptable énergie, et cette belle inquiétude et ce labeur obstiné par lesquels il rendit la terre plus habitable et la vie meilleure, pauvre sauvage à qui nous devons tout! M. Rosny a deux facultés précieuses, l'intelligence et la bonté. Il a compris ces hommes des premiers âges et il les a aimés. Il les a montrés tels qu'on peut concevoir qu'il furent, en effet, et il les a glorifiés.» (p. 491-492) |
« Les Maux de l'Intelligence », La Vie littéraire, sixième série, Paris, Calmann-Lévy, p. 518-523. |
« Déjà connu par ce beau livre de critiques, les Artistes littéraires, qui ne pouvait sortir que d'un esprit savant et méditatif, M. Maurice Spronck vient de publier un roman d'un caractère simple et grave, où l'on admirera la fermeté de la pensée et l'austère probité de l'intelligence. Ce roman, en forme d'autobiographie, Jacques Bernys, n'est pas inférieur à Obermann, si je ne me trompe, pour la science amère de l'analyse et la profondeur de la réflexion. » (p.518) |
« Émile Zola. La Débâcle », La Vie littéraire, sixième série, Paris, Calmann-Lévy, p.530-536. |
« On a déjà mis en parallèle La Débâcle de M. Émile Zola et la Guerre et la Paix du comte Tolstoï. On a déjà cherché si les tableaux de la bataille de Sedan, tracés dans le nouveau livre de l'auteur des Rougon-Macquart, ne pouvaient être comparés au récit que Stendhal a fait de la bataille de Waterloo dans La Chartreuse de Parme. Ces rapprochements sont naturels et n'ont rien de forcé si l'on veut marquer que Stendhal et Tolstoï, avant M. Zola, avaient peint la guerre sur le vif et par le menu, sans vaine rhétorique ni fausse éloquence, à la manière d'un vieux soldat qui dans sa maison, les pieds au feu, met sur le papier les souvenirs de ses campagnes pour faire de ses misères passées le divertissement des heures présentes. Car rien n'est plus cher que de se remémorer les maux qu'on a endurés avec courage. Les pages de Tolstoï et de Stendhal ont, en effet, le ton et l'accent d'un témoignage fidèle. Il y avait pour Stendhal du moins, quelque audace à prendre ce ton au milieu d'une génération toute guerrière. Il est à remarquer, en effet, que les gens de sabre et d'épée, généraux et caporaux, héros illustres, héros obscurs, s'accordent à goûter uniquement, en peinture et en poésie, dans les sujets militaires, le style noble et le ton épique. La moindre familiarité à l'endroit d'une bataille les choque chez un artiste. Si, dans leurs mémoires, dans leur journal, ils s'abandonnent eux-mêmes à décrire les misères et les tristesses du métier, cette liberté les offense en une oeuvre d'art, qu'ils veulent toute noble et martiale. » (p.530) |
« Alphonse Daudet », La Vie littéraire, sixième série, Paris, Calmann-Lévy, p. 564-591. |
« Sous cette influence douce, puissante et bonne, dans cet abri studieux et charmant, Alphonse Daudet composa cette suite de grands ouvrages longuement médités et pensés, exécutés de verve, Fromont, Jack, Le Nabab, Les Rois en exil, Numa Roumestan, Sapho, L'Évangéliste, L'Immortel, romans de moeurs, études historiques, oeuvres d'art de vérité, tableau d'un bel arrangement, d'une composition harmonieuse, mais dont toutes les figures furent exécutées d'après nature. » (p.588) |
« Werther et Tom Jones, traduits par M. le comte de La Bédoyère », Le Chasseur bibliographe, février 1863. |
« La Harpe, qui jugeait fort bien du mérite des auteurs quand il n'avait rien eu à démêler avec eux, tenait Tom Jones pour le premier roman du monde ; et, en effet, ce livre est l'oeuvre plutôt d'un moraliste que d'un romancier. |
« N'écris pas », dans La Vie en fleur, chapitre XXVIII, p. 1157-1163. |
« — S'occuper à de tels travaux, me répondit-il, rédiger des notices sur les artistes anciens et des articles sur des sujets d'archéologie, fort bien. |