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Repenser l’éthique de la recherche Les pratiques des études de pharmacovigilance remises en cause par des chercheurs

Publié: 3 May 2012

Les pratiques actuelles en matière d'éthique de la recherche sont principalement axées sur la protection des participants aux études cliniques. Toutefois, selon des bioéthiciens des universités McGill et Carnegie Mellon, elles ne permettent pas de prévenir les préjudices qui portent atteinte à la valeur sociale de la recherche.

Dans un article publié dans la revue Science, Jonathan Kimmelman et Benjamin Carlisle, de l'Université McGill, et Alex John London, de l'Université Carnegie Mellon, estiment que les cadres éthiques actuels en matière de recherche ne permettent pas de cerner les essais cliniques sur des médicaments qui, sans mettre les patients en danger, fournissent des données probantes biaisées. Les chercheurs pointent notamment du doigt les études de phase IV auxquelles les sociétés pharmaceutiques ont recours pour mettre à l'essai les médicaments et les dispositifs dont la commercialisation a été approuvée par les organismes de réglementation. Ils précisent qu'en l'absence de mécanismes de contrôle adéquats, les sociétés pharmaceutiques continueront d'avoir recours aux études de phase IV pour commercialiser des produits sans générer les données susceptibles d'aider les cliniciens et les décideurs à améliorer la qualité des soins et l'efficience du système de santé.

« Les essais cliniques conçus et réalisés de façon rigoureuse sont essentiels pour améliorer les soins prodigués aux patients et contenir les coûts toujours croissants des soins de santé », affirme Jonathan Kimmelman, professeur agrégé d'éthique biomédicale. « On observe actuellement une tendance vers la rationalisation du processus d'examen du cadre éthique de la recherche. Dans le cadre de ce processus, les mécanismes de contrôle devraient être habilités à séparer le bon grain scientifique de l'ivraie marketing. »

Selon Jonathan Kimmelman et Alex John London, certaines études de phase IV reposent sur des plans expérimentaux peu rigoureux. Les sociétés pharmaceutiques ont eu recours à ces études dans le but de favoriser la « fidélité à la marque » chez les médecins qui y participent. Certaines pratiques susceptibles d'entraîner des biais, comme la communication sélective des résultats, peuvent se révéler difficiles à déceler par les rédacteurs en chef de revues scientifiques ou les cliniciens.

Les mécanismes de contrôle dont disposent les organismes de réglementation des médicaments, comme la Federal Drug Administration (FDA) et les universités, disposent de pouvoirs limités pour s'assurer que les études de pharmacovigilance ne sont pas biaisées. Pour remédier au problème, Jonathan Kimmelman et Alex John London, qui travaillent souvent en collaboration pour trouver des moyens d'améliorer la recherche clinique, proposent plusieurs stratégies, dont l'élargissement du pouvoir d'examen de la FDA, des centres médicaux universitaires et des revues médicales.

Selon Alex John London, professeur agrégé de philosophie et directeur du Centre pour l'éthique et les politiques de l'Université Carnegie Mellon, « les soins médicaux ne peuvent être comparés aux biens de consommation. Dans ce dernier cas, le consommateur peut évaluer la qualité des produits en fonction de leur performance, ainsi que leur valeur par rapport à l'argent investi. En médecine, nous devons nous fier à des études scientifiques parfois complexes pour obtenir de l'information. Par conséquent, on ne saurait trop insister sur l'importance de préserver l'intégrité de la recherche. »

Cette étude a été financée par les Instituts de recherche en santé du Canada.

 

 

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