La gestion durable des pêches : une question de sécurité alimentaire mondiale
S’il est une chose que la pandémie nous a montrée, c’est à quel point les tablettes des supermarchés pouvaient se vider rapidement. Il est toutefois difficile de déterminer à quel point le secteur de la production alimentaire serait vulnérable en cas de perturbations soudaines résultant, par exemple, d’événements extrêmes, tels qu’une guerre nucléaire ou de puissantes éruptions volcaniques.
Une nouvelle étude révèle que si un cataclysme frappait notre système alimentaire, les populations de poissons de nos océans pourraient compenser en partie la diminution de la production agricole terrestre en procurant à la planète une source importante de protéines animales. Mais tout d’abord, il faudrait rebâtir la pêche sauvage et la gérer de façon durable.
Ce sont là les constats que fait une équipe internationale de chercheurs provenant de l’Université McGill, de l’Universitat Autònoma de Barcelona (ICTA-UAB) et de la University of Texas Rio Grande Valley dans un article publié récemment dans la revue PNAS.
« Nous savions d’ores et déjà qu’en resserrant la réglementation dans le but d’éviter la surpêche, on assurait des prises plus abondantes, des profits plus élevés et une plus grande résilience des écosystèmes face aux changements climatiques, et on parle ici de circonstances normales », explique Eric Galbraith, professeur au Département des sciences de la Terre et des planètes de l’Université McGill, et l’un des auteurs de l’article. Ce que nous avons constaté, c’est que la gestion efficace des pêches ne coûtait pas plus cher et donnait lieu automatiquement à la constitution de réserves étonnamment abondantes de poissons comestibles. Or, cette ressource pourrait sauver des vies en cas de crise alimentaire mondiale causée, par exemple, par une guerre nucléaire, une éruption volcanique ou une pandémie. »
La guerre nucléaire, une menace pour les terres et les mers
Au moyen de modèles climatiques mondiaux et de modèles de l’écosystème océanique, les chercheurs ont évalué les effets de guerres nucléaires d’envergure et d’intensité diverses sur le système terrestre. Ainsi, telles de puissantes éruptions volcaniques, les détonations nucléaires pourraient déclencher de gigantesques incendies, et la suie relâchée dans l’atmosphère pourrait bloquer le rayonnement solaire et refroidir le climat pendant de nombreuses années. Ce scénario aurait des conséquences tant sur les terres que dans les mers.
La modélisation montre que l’assombrissement et le refroidissement ralentiraient la croissance des poissons en raison, essentiellement, d’une diminution de la photosynthèse du plancton. À l’instar des êtres humains qui souffriraient de la croissance réduite des végétaux terrestres, les poissons seraient affamés à cause de la réduction des algues marines.
Les bienfaits à court et à long terme de la pêche raisonnée
En plus de démontrer l’impact direct d’un changement climatique brutal sur la reproduction des poissons, l’étude fait ressortir l’urgence de la mise en place de saines pratiques de gestion des pêches. « D’après nos estimations, une guerre nucléaire ou une puissante explosion volcanique pourrait réduire de 30 % la quantité de poissons et de fruits de mer que ramènent les bateaux de pêche dans le monde », fait observer Cheryl Harrison, coauteure principale et professeure à la University of Texas Rio Grande Valley. Mais nos simulations ont aussi révélé que si on avait bien géré les pêches avant la guerre, les prises mondiales de poissons pourraient être multipliées par quatre pendant une année ou deux et remplacer temporairement près de la moitié de la production actuelle de protéines animales. »
« Si les règlements n’ont pas assez de mordant pour protéger les stocks de poissons en amont, cela signifie que nous n’avons pour ainsi dire pas de réserves », ajoute Kim Scherrer, coauteure principale et chercheuse à l’ICTA-UAB. Le poisson aura beau se vendre à prix d’or, les filets de pêche seront vides. À l’inverse, des stocks de poissons abondants constitueront une réserve d’aliments en cas d’urgence. »
L’étude
L’article « Marine wild-capture fisheries after nuclear war », par Kim J. N. Scherrer, a été publié dans la revue PNAS. L’étude a été financée par le European Research Council au titre de la convention de subvention 682602 d’Horizon 2020, programme de recherche et d’innovation de l’Union européenne, de même qu’en partie par le ministère espagnol de la Science, de l’Innovation et des Universités, par l’entremise du programme Acciones de Programación Conjunta Internacional, et le Open Philanthropy Project.
DOI: doi.org/10.1073/pnas.2008256117
L’Université McGill
Fondée en 1821 à Montréal, au Québec, l’Université McGill figure au premier rang des universités canadiennes offrant des programmes de médecine et de doctorat. Année après année, elle se classe parmi les meilleures universités au Canada et dans le monde. Établissement d’enseignement supérieur renommé partout dans le monde, l’Université McGill exerce ses activités de recherche dans deux campus, 11 facultés et 13 écoles professionnelles; elle compte 300 programmes d’études et au-delà de 40 000 étudiants, dont plus de 10 200 aux cycles supérieurs. Elle accueille des étudiants originaires de plus de 150 pays, ses 12 800 étudiants internationaux représentant 31 % de sa population étudiante. Au-delà de la moitié des étudiants de l’Université McGill ont une langue maternelle autre que l’anglais, et environ 19 % sont francophones.
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