L'Estrogénothérapie semble prévenir l'émoussement de la mémoire chez les femmes ‚gées
«Le vieillissement normal nagit pas sur la mémoire immédiate des personnes âgées. Celle-ci reste en effet aussi performante que lorsquils avaient 30 ans. Il en va de même pour la mémoire des faits anciens», précise Barbara Sherwin, professeur aux départements de psychologie et dobstétrique et gynécologie de lUniversité McGill. «Toutefois», ajoute la fondatrice et codirectrice de la Clinique de la ménopause de lHôpital Royal Victoria, «notre capacité à apprendre à coder de nouvelles informations, à les consolider et à les extraire diminue avec lâge. Nos études ont démontré que lstrogénothérapie substitutive chez les femmes post-ménopausées prévenait une partie de la détérioration de laptitude à apprendre et à mémoriser de nouvelles informations.»
Les hommes et les femmes sécrètent des oestrogènes et des androgènes, encore quen quantités différentes. Les ovaires sécrètent plus de 90% des oestrogènes chez la femme mais cessent den produire après la ménopause. Même si les glandes masculines ne sécrètent que de petites quantités dstrogènes, une enzyme convertit une partie de la testostérone en strogènes. Les hommes sécrètent de la testostérone toute leur vie, en quantités inférieures au fur et à mesure quils vieillissent, alors que la ménopause met un terme à la production dhormones reproductives chez la femme au début de la cinquantaine. Cela a pour effet dagir, entre autres, sur leur mémoire verbale pendant le dernier tiers de leur existence.
En 1988, le docteur Sherwin a publié les premières preuves démontrant que les strogènes préservaient la mémoire verbale et amélioraient la capacité dapprendre des femmes post-ménopausées. Plus tard, elle a démontré que lstrogénothérapie substitutive avait le même effet sur les femmes qui, à la fin de la trentaine et au début de la quarantain, étaient victimes dun fléchissement brusque des concentrations circulantes dstrogènes après lablation chirurgicale de leurs ovaires et de leur utérus. «Les femmes à qui lon a administré un placebo après la chirurgie se sont plaintes davoir de la difficulté à se souvenir des choses, à devoir faire des listes (ce qui ne leur arrivait jamais auparavant) et obtenaient des résultats inférieurs aux tests de mémoire verbale», souligne le docteur Sherwin. «Par contre, les scores des femmes à qui lon a administré des strogènes en post-opératoire aux mêmes tests de mémoire nont pas changé. Les strogènes semblent donc prévenir une partie du déclin de laptitude à apprendre et à mémoriser de nouvelles données après la ménopause.
Ce printemps, les Instituts canadiens de recherche en santé (anciennement Conseil de recherches médicales du Canada) ont octroyé une Bourse de scientifique émérite dans la catégorie Recherche en santé à Barbara Sherwin pour ses études sur les hormones stéroïdiennes et les fonctions cognitives des femmes âgées. Elle entend maintenant étudier le rôle possible de la testostérone, autre hormone secrétée par les ovaires, sur différents aspects de la cognition chez les femmes.
Même si les résultats de ses recherches ont démontré que les strogènes constituaient une protection contre lémoussement de la mémoire explicite chez les femmes âgées en bonne santé, le docteur Sherwin précise que cela ne signifie pas pour autant que les strogènes permettent de traiter la maladie dAlzheimer. «Rien ne permet à lheure actuelle de prouver que les strogènes peuvent inverser les pertes de mémoire que provoque la maladie dAlzheimer, sans doute parce que les femmes concernées ont déjà perdu trop de cellules cérébrales au moment où le diagnostic est posé. Toutefois, plusieurs études ont démontré que lstrogénothérapie substitutive réduisait lincidence de la maladie dAlzheimer chez les femmes âgées », précise le docteur Sherwin.
Le docteur Sherwin fait partie du Conseil consultatif externe de la Womens Health Initiative Memory Study, une importante étude longitudinale subventionnée par les National Institutes of Health des États-Unis, auxquels prennent part 26 établissements américains. En 1995-1996, 10 000 femmes de plus de 69 ans ont été affectées par randomisation à un traitement avec strogènes ou à un traitement avec placebo pendant neuf ans pour déterminer si les strogènes réduisaient bel et bien lincidence de la maladie dAlzheimer. «En 2005, nous saurons si lstrogénothérapie substitutive peut effectivement différer linstallation de la maladie dAlzheimer chez les femmes âgées», conclut le docteur Sherwin.