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Empreinte azote du Canada : de grandes variations régionales

Une nouvelle méthode de calcul des émissions d’azote met en lumière l’impact de l’agriculture, du traitement des eaux usées et des combustibles fossiles à l’échelle provinciale
Publié: 19 October 2021

Les émissions d’azote réactif contribuent au phénomène d’effet de serre et à la pollution de l’air et de l’eau. Des chercheurs de l’Université McGill ont calculé pour la première fois les empreintes azote (comparables aux empreintes carbone) nationale et provinciales au Canada. Pour calculer une empreinte azote annuelle moyenne, ils ont choisi les trois secteurs qui émettent le plus d’azote dans l’environnement : le secteur agroalimentaire, le traitement des eaux usées et les combustibles fossiles. Leurs résultats sont étonnants.

« Les analyses précédemment effectuées à l’étranger montrent que le secteur agroalimentaire est à l’origine de la majeure partie des émissions d’azote dans l’environnement », explique Graham MacDonald, professeur adjoint au Département de géographie de l’Université McGill et auteur en chef de l’étude récemment publiée dans Environmental Research Letters. « Notre étude montre que, bien que la production et la consommation de nourriture soient d’importantes sources d’émission d’azote au Canada, la plupart des disparités interprovinciales sont liées aux combustibles fossiles. Ces résultats ont surpris certains de nos collègues. »

Ampleur et acteurs de l’empreinte azote : des variations régionales

L’approche descendante novatrice adoptée pour les besoins de l’étude a consisté à estimer l’empreinte azote de chaque province d’après les données nationales et provinciales de 2018 sur les émissions d’azote de divers secteurs, dont l’agriculture et l’énergie, puis à diviser ces chiffres par le nombre d’habitants de chaque province. Pour calculer les empreintes azote, on utilise généralement une approche ascendante, basée sur des données relatives aux schémas de consommation (p. ex. la consommation d’électricité, les distances parcourues en voiture ou en avion, la consommation de viande de bœuf par ménage, etc.). La nouvelle approche hybride adoptée par les chercheurs leur a permis de calculer que le Canada émettait environ 996 gigagrammes d’azote réactif dans l’environnement chaque année (soit 996 millions de kilogrammes). Ce chiffre, ramené à l’échelle individuelle, équivaut à une empreinte azote moyenne d’environ 27 kilogrammes par personne et par an au Canada. Ce résultat est loin d’être uniforme, son ampleur et les principaux acteurs des émissions varient notablement en fonction des régions.

« L’Ontario et le Québec sont les provinces dont les empreintes azote sont les plus élevées au Canada, tout simplement parce que plus des deux tiers de la population nationale s’y concentrent », précise Sibeal McCourt, doctorante en géographie à l’Université McGill et auteure principale de l’étude. « Cependant, si l’on examine les résultats par habitant, c’est en Saskatchewan que l’empreinte azote par tête est la plus élevée au Canada, soit presque le double de celle de l’Ontario. Ce résultat s’explique par le dynamisme du secteur minier et l’utilisation de charbon et de gaz naturel comme sources d’énergie dans la province. »

Vers un usage plus responsable de l’azote

« Pour réduire notre empreinte azote à l’échelle nationale, il est impératif de comprendre quels secteurs émettent le plus d’azote dans chaque province afin de remédier au problème à une échelle plus locale, poursuit la chercheuse. Notre recherche nous permettra de comprendre en profondeur quelles actions permettent de réduire les émissions d’azote et de déterminer qui en est responsable (nos habitudes de consommation, par exemple nos régimes alimentaires, font de nous des acteurs), et c’est en commençant par là que nous arriverons à faire un usage plus responsable de l’azote au Canada. »

Vu le rôle de la consommation de viande et de l’usage des combustibles fossiles dans les émissions d’azote à l’échelle provinciale, les chercheurs recommandent de modifier nos régimes alimentaires pour tendre plus largement vers le végétarisme, de promouvoir l’usage de véhicules électriques et de poursuivre la transition vers des sources d’électricité renouvelables, dans la mesure du possible. Selon eux, ce sont ces stratégies qui pourraient se montrer les plus efficaces dans la plupart des cas, à l’échelle nationale. Il est également possible de limiter le gaspillage d’azote au sein du secteur agroalimentaire dans sa globalité.

« Les scientifiques s’intéressent beaucoup à l’amélioration de l’efficacité de l’usage de l’azote en agriculture, qui peut réduire considérablement notre empreinte azote nationale, souligne Graham MacDonald. L’intérêt particulier d’une approche basée sur l’empreinte est de pouvoir comparer les potentiels des divers efforts individuels et collectifs de durabilité. »

Précisions sur les variations de l’empreinte azote en fonction des provinces

L’étude a porté sur les trois secteurs dont l’empreinte azote est la plus élevée à l’échelle provinciale : 1) le secteur agroalimentaire, 2) le traitement des eaux usées et 3) les combustibles fossiles.

Secteur agroalimentaire
• Dans toutes les provinces, 35 à 40 % des émissions d’azote sont causées par la consommation de viande bovine.
• La consommation de viande bovine représente à elle seule la première cause des émissions d’azote en Ontario, au Nouveau-Brunswick et au Québec; elle est la deuxième cause des émissions d’azote dans toutes les autres provinces, à l’exception de l’Alberta et de la Saskatchewan.
• Dans les autres provinces que l’Ontario et le Québec, le secteur agroalimentaire cause moins de 50 % des émissions d’azote.
• Les choix de cultures et de types de gestion agricoles influencent la part de l’empreinte azote provinciale liée à l’agriculture.

Traitement des eaux usées
• Le traitement des eaux usées est la troisième cause des émissions d’azote dans la plupart des provinces ainsi qu’à l’échelle nationale, le taux d’élimination de l’azote au cours du traitement des eaux usées étant relativement faible au pays.
• Seulement environ 30 % de la population canadienne est connectée à un réseau municipal de traitement des eaux dont les processus sont centrés sur l’élimination de l’azote.
• Dans les provinces côtières (Colombie-Britannique, Nouvelle-Écosse, Nouveau‑Brunswick, Île-du-Prince-Édouard, Terre-Neuve-et-Labrador), relativement peu peuplées et dont les eaux usées sont principalement évacuées dans les eaux côtières, les normes relatives aux effluents (et à l’élimination de l’azote) sont généralement moins rigoureuses que dans les provinces de l’intérieur du Canada (Ontario, Manitoba, Saskatchewan et Alberta).
• L’Alberta est la province dont la plus grande partie de la population bénéficie de traitements des eaux usées qui prévoient explicitement l’élimination de l’azote.
• En Colombie-Britannique, ce chiffre n’est que de 10 %; la province est celle dont l’empreinte azote est la plus élevée.

Combustibles fossiles
• L’utilisation de combustibles fossiles représente 40 % de l’empreinte azote moyenne au Canada, mais cette empreinte varie énormément selon les provinces.
• Les émissions d’azote liées aux transports représentent la majeure partie de l’empreinte azote provenant des combustibles fossiles.
• Les véhicules lourds à moteur diesel, souvent associés au camionnage, aux activités minières et aux autres types d’extraction de ressources, font partie des principaux acteurs des émissions d’azote dans le secteur des transports.
• En Nouvelle-Écosse, en Saskatchewan et en Alberta, la combustion de charbon est une source d’énergie relativement importante. Dans ces trois provinces, l’empreinte azote moyenne liée à l’énergie est de près de 7 kg par personne.
• Dans d’autres provinces qui utilisent des énergies renouvelables ou l’énergie nucléaire, l’empreinte moyenne liée à l’énergie est d’environ 1,5 kg par personne.
(Les trois territoires du Nord ont dû être exclus de l’étude, faute de données suffisantes.)
 

L’article

« Provincial nitrogen footprints highlight variability in drivers of reactive nitrogen emissions in Canada », par Sibeal McCourt et Graham MacDonald, a été publié dans Environmental Research Letters. DOI : https://doi.org/10.1088/1748-9326/ac1e3b

Cette étude a été financée par l’Institut de science et de politiques publiques Trottier de l’Université McGill et le Programme de subventions à la découverte du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG).

 


L'Université McGill

Fondée en 1821 à Montréal, au Québec, l’Université McGill se classe parmi les meilleures universités au Canada et dans le monde, année après année. Établissement d’enseignement supérieur renommé partout dans le monde, l’Université McGill exerce ses activités de recherche dans deux campus, 11 facultés et 13 écoles professionnelles; elle compte 300 programmes d’études et au-delà de 40 000 étudiants, dont plus de 10 200 aux cycles supérieurs. Elle accueille des étudiants originaires de plus de 150 pays, ses 12 800 étudiants internationaux représentant 31 % de sa population étudiante. Au-delà de la moitié des étudiants de l’Université McGill ont une langue maternelle autre que l’anglais, et environ 19 % sont francophones.

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