Une découverte permet de diagnostiquer un syndrome de douleur chronique au moyen de l’IA et de bactéries intestinales

En collaboration avec des collègues d’Israël et d’Irlande, une équipe de recherche de l’Université McGill a développé une technologie d’IA permettant de détecter des schémas de bactéries intestinales pour diagnostiquer le syndrome de douleur régionale complexe (SDRC) avec une excellente précision, ce qui pourrait transformer la façon dont le SDRC est diagnostiqué et traité.
Le SDRC se développe généralement dans un membre à la suite d’une blessure ou d’une chirurgie et peut entraîner une invalidité de longue durée. Il cause une douleur forte et persistante – souvent bien pire que la blessure initiale –, ainsi qu’une enflure et un changement de la couleur et de la température de la peau. On estime que le SDRC touche entre 400 000 et 2,1 millions de personnes dans le monde.
« Le SDRC demeure difficile à traiter, et, souvent, les patients souffrent pendant longtemps avant de recevoir des soins appropriés », explique le docteur Amir Minerbi, auteur en chef de l’étude, directeur de l’Institute for Pain Medicine du Rambam Health Care Campus, à Haïfa, en Israël, et chargé de cours principal au Technion – Israel Institute of Technology.
La « signature » du SDRC
L’étude, publiée dans le journal Anesthesiology, a été réalisée au moyen de techniques évoluées d’apprentissage pour analyser des échantillons de microbiome intestinal de deux cohortes : une israélienne et une canadienne.
« Ce qui est remarquable, c’est que nous avons réussi à prédire le SDRC chez les patients canadiens avec un taux d’exactitude de plus de 90 % en entraînant nos algorithmes d’apprentissage machine au moyen de données de haute qualité de microbiome de patients en Israël », explique Emmanuel Gonzalez, auteur principal de l’étude et membre du Centre de recherche sur le microbiome de l’Université McGill et du Centre canadien de génomique computationnelle.
« Ces résultats sont impressionnants, parce que des facteurs comme la géographie, le climat, l’alimentation et les variations interindividuelles normales entraînent généralement d’importantes différences à l’égard du microbiome. Pourtant, notre technologie d’IA semble avoir reconnu une “signature” commune du SDRC, ce qui laisse croire que le diagnostic basé sur le microbiome pourrait être utilisé pour dépister le SDRC chez des patients de pays différents. »
L’étude a permis de cerner d’importantes différences entre les bactéries intestinales de patients atteints du SDRC et des personnes qui ne ressentent pas de douleur.
Certaines personnes seraient plus susceptibles de développer le SDRC
Étonnamment, l’équipe de recherche a également révélé que les patients dont les symptômes ont complètement disparu à la suite d’une amputation présentaient toujours le même schéma de bactéries intestinales – aussi appelé « signature » microbiomique – lié au SDRC.
« La persistance de cette signature semble indiquer que chez certaines personnes, le microbiome pourrait rehausser le risque de développer le SDRC à la suite d’une blessure ou d’un autre élément déclencheur », explique le Dr Yoram Shir professeur au Département d’anesthésie de la Faculté de médecine et des sciences de la santé de l’Université McGill. Le docteur Shir a dirigé le travail clinique mené à Montréal.
L’étude sur le microbiome intestinal en lien avec les affections douloureuses chroniques a généré des résultats basés sur l’analyse de 120 microbiomes et de plus de 100 échantillons de plasma, ce qui en fait l’une des études les plus importantes jamais menées.
L’étude
L’article « Altered gut microbiome composition and function in individuals with complex regional pain syndrome », par Emmanuel Gonzalez, Tali Sahar, May Haddad, Sylvie Toupin, Ramzi Zioud, Muhammad Zoabi, Lilach Eyal Waldman, Zohar Tal Leshinsky, Maayan Ben Sasson, Vibhu Kumar, Yosefa Marom, Ayelet Midbari, Nicholas Brereton, Yoram Shir et Amir Minerbi, a été publié dans la revue Anesthesiology.
L’étude a été financée par le Rambam Health Care Campus, la Fondation de la famille Weston, l’Unité de gestion de la douleur Alan-Edwards, le Centre universitaire de santé McGill et l’Institute for Pain Medicine de Rambam.