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Nouvelles

Les soins infirmiers offerts à la mère s’inscrivent dans l’ADN de son bébé

Des traces encore visibles une trentaine d’années plus tard proviennent d’expériences agréables vécues en tout début de vie
Publié: 1 May 2018

Les chercheurs savent depuis de nombreuses années que l’adversité vécue en début de vie peut modifier le fonctionnement de certains gènes. En effet, tel un gradateur d’éclairage, l’environnement peut régler l’activité génétique à la hausse ou à la baisse. La discipline qui étudie ces mécanismes est l’épigénétique. Les chercheurs n’avaient toutefois jamais démontré que les expériences agréables vécues en début de vie pouvaient avoir un effet comparable, encore perceptible au-delà de trente ans plus tard. C’est maintenant chose faite.  

Lors d’une étude publiée récemment dans la revue Translational Psychiatry, une équipe scientifique dirigée par l’Université McGill a mis au jour des effets génétiques subtils, mais durables, chez les enfants de jeunes mères vulnérables ayant pris part à un programme de visites d’infirmières à domicile à l’occasion de l’arrivée de leur premier enfant. C’est la plus longue étude du genre et la première sur l’effet épigénétique d’interventions psychosociales bénéfiques. 

Une présence bienfaisante pour des mères vulnérables
En 1977, dans une ville du nord-ouest de l’État de New York, on a divisé en deux groupes des jeunes femmes issues de familles à faible revenu et enceintes de leur premier enfant. On a offert aux femmes du premier groupe d’évaluer gratuitement le développement de leur enfant et de les transporter sans frais à la clinique pour leurs rendez-vous de suivi. Aux femmes du second groupe, on a proposé des visites à domicile d’infirmières dûment formées dans le cadre du programme Nurse Family Partnership; pendant une période maximale de deux ans, ces infirmières ont transmis aux mères de l’information pratique sur l’éducation des enfants et la planification familiale. Certaines n’ont reçu que six visites et d’autres, 30, mais les retombées de ces dernières sont encore perceptibles aujourd’hui.

Au départ, les chercheurs avaient recruté 400 femmes. L’étude de suivi réalisée aujourd’hui, soit après plus de 30 ans, a été menée chez près de la moitié de leurs enfants. Ces derniers sont répartis assez également entre le groupe « visites à domicile » (99 personnes) et le groupe témoin (89 personnes). Dans l’un des volets de cette étude, les participants devaient répondre à un questionnaire en ligne sur les maladies mentales diagnostiquées, de la dépression majeure à la toxicomanie. Sur ce plan, les chercheurs n’ont noté que des différences ténues entre la progéniture des deux groupes. (Cependant, comme la moitié seulement du groupe de départ a pris part à l’étude de suivi, les chercheurs n’excluent pas la possibilité d’un biais de sélection; en d’autres termes, les sujets ayant accepté de participer à l’étude pourraient être les plus susceptibles d’avoir vécu de la maltraitance et des troubles mentaux.)

Un effet subtil… mais qui laisse sa marque
La différence – significative, quoique subtile – entre les deux groupes est apparue lorsque les chercheurs se sont livrés à un examen génétique à partir du sang prélevé chez les participants. 

« Au début, nous nous sommes concentrés sur un petit sous-groupe de sujets et avons observé un lien entre l’intervention psychosociale d’une durée de deux ans et la présence de variations dans la méthylation de l’ADN, changements qui peuvent modifier l’expression de certains gènes », explique Kieran O’Donnell, professeur à l’Université McGill et auteur principal de l’étude. « J’ai donc croisé les doigts. Lorsque les résultats d’analyse des autres sujets de la cohorte sont arrivés, nous avons vu que notre constat initial tenait la route. »

La méthylation de l’ADN est l’ajout de groupes d’atomes (des groupements méthyles) à des molécules d’ADN. Ce changement modifie l’activité du segment d’ADN sans pour autant en modifier la séquence. L’épigénétique étant une discipline relativement jeune, les chercheurs peuvent difficilement mesurer avec exactitude les répercussions de ces modifications. Ils croient néanmoins que les progrès en épigénétique seront utiles à la médecine de précision chez l’enfant et l’adolescent.

« Il est fascinant de constater qu’en intervenant de la grossesse à l’âge de deux ans, on peut laisser des traces qui persisteront la vie durant », fait observer 
Michael Meaney, scientifique rattaché au Centre de recherche de l’Hôpital Douglas et auteur en chef de l’étude. « Cette étude montre que les programmes d’intervention précoces produisent des effets. Toutefois, on devra réaliser d’autres études longitudinales pour juger de l’utilité clinique de cette information dans la prise en charge de la santé mentale chez l’enfant et l’adolescent. Tout ce que nous pouvons affirmer pour l’instant, c’est que les programmes d’intervention familiale ont eu un effet marqué. Littéralement. »

Cette étude a été financée par la Fondation Sackler, la Fondation Brain Canada, la Fondation Azrieli-Institut canadien de recherches avancées, l’Institut de sciences cliniques de Singapour (Agence de sciences, de technologie et de recherche) et le gouvernement de la Fédération de Russie.
 
L’étude « DNA methylome variation in a perinatal nurse-visitation program that reduces child maltreatment: a 27-year follow-up », par Kieran O’Donnell et coll., a été publiée dans la revue Translational Psychiatry le 10 janvier 2018. DOI : 10.1038/s41398-017-0063-9.
 
Personnes-ressources :
Kieran O’Donnell, Centre Ludmer en neuroinformatique et santé mentale, Centre de recherche de l’Hôpital Douglas, Programme Sackler en épigénétique et psychobiologie, Université McGill, kieran.odonnell [at] mcgill.ca (entrevues en anglais seulement)

Michael Meaney, directeur scientifique, Centre Ludmer en neuroinformatique et santé mentale, Centre de recherche de l’Hôpital Douglas, Programme Sackler en épigénétique et psychobiologie, Université McGill, michael.meaney [at] mcgill.ca (entrevues en français et en anglais)

Katherine Gombay, Relations publiques et relations avec les médias, Université McGill
katherine.gombay [at] mcgill.ca, 514 398-2189

https://www.mcgill.ca/newsroom/fr

 

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