Les astronomes de McGill, l'Université de Montréal dévoilent les secrets d'une Saturne chaude et de son étoile tachetée
Les exoplanètes, c'est-à-dire les planètes situées au-delà de notre Système solaire, captivent à la fois les scientifiques et le public, car elles promettent de dévoiler des systèmes planétaires variés et des mondes potentiellement habitables. Bien qu'elles soient très différentes de notre Terre, les grandes planètes géantes gazeuses découvertes très près de leur étoile se sont révélées être des cibles d'essai idéales pour des télescopes comme le télescope spatial James Webb (JWST) afin d'affiner les méthodes utilisées par les astronomes pour comprendre les exoplanètes. L'une de ces planètes est HAT-P-18 b, une planète de type "Saturne chaude" située à plus de 500 années-lumière, dont la masse est similaire à celle de Saturne, mais dont la taille est plus proche de celle de Jupiter, qui est plus grande. Cette exoplanète possède donc une atmosphère gonflée qui se prête particulièrement bien à l'analyse.
« Le télescope spatial James Webb fournit des observations d'exoplanètes si précises que nous sommes limités par notre compréhension de leurs étoiles hôtes. Heureusement, ces mêmes données - en particulier avec l'instrument NIRISS fabriqué au Canada - nous permettent de mesurer ce que fait l'étoile pendant nos observations et de le corriger, afin que nous puissions déterminer exactement ce qui se trouve dans l'atmosphère de ces planètes,» a déclaré Nicolas Cowan, professeur au département des sciences de la Terre et des planètes de l'Université McGill.
Dirigée par des chercheurs de l'Institut Trottier de recherche sur les exoplanètes de l'Université de Montréal (UdeM), une équipe d'astronomes a exploité la puissance du révolutionnaire télescope Webb pour étudier HAT-P-18 b. Leurs conclusions, publiées dans la revue Monthly Notices of the Royal Astronomical Society (MNRAS), brossentdressent un portrait complet de l'atmosphère de la Saturne chaude tout en explorant le grand défi qui consiste à distinguer ses signaux atmosphériques de l'activité de son étoile.
Passage devant une étoile tachetée
Les observations du télescope Webb ont été réalisées alors que l'exoplanète HAT-P-18 b passait devant son étoile, qui est semblable au Soleil. Ce moment, appelé un "transit", est crucial pour détecter et caractériser une exoplanète à des centaines d'années-lumière de distance, avec une précision surprenante. Les astronomes n'observent pas la lumière émise directement par la planète lointaine. Ils étudient plutôt comment la lumière de l'étoile centrale est bloquée et affectée par la planète qui l’orbite.
Les chasseurs d'exoplanètes doivent donc relever le défi de démêler les signaux causés par la présence de la planète et ceux causés par les propriétés propres de l'étoile. Tout comme notre Soleil, les étoiles n'ont pas une surface uniforme. Elles peuvent présenter des taches stellaires sombres et des régions brillantes, ce qui peut créer des signaux qui imitent les attributs atmosphériques d'une planète. Une étude récente de l'exoplanète TRAPPIST-1 b et de son étoile TRAPPIST-1, menée par Olivia Lim, étudiante au doctorat à l'UdeM, a révélé une éruption à la surface de l'étoile, ce qui a affecté les observations.
La courbe de lumière indique la luminosité ou la brillance de l’étoile avec le temps. Lors du passage de l’exoplanète au-dessus de l’étoile, qu’on appelle transit, une partie de la lumière de l’étoile est bloquée par l’exoplanète. La luminosité baisse donc lors de ce transit. Lors d’une occultation d’une tache stellaire sur la surface de l’étoile, c’est-à-dire lorsque l’exoplanète passe au-dessus de la tache sombre, les astronomes peuvent voir un signal dans la courbe de lumière sous forme d’une petite bosse dans le creu du transit. Voir l’animation complète de cette infographie ici. (Crédit: B. Gougeon/Université de Montréal)
Dans le cas de la planète HAT-P-18 b, Webb a observé l'exoplanète au moment où elle passait au-dessus d'une tache sombre de son étoile, HAT-P-18. C'est ce que l'on pourrait appeler une occultation de tache stellaire, dont l'effet est évident dans les données recueillies pour l'étude. L'équipe a également signalé la présence de nombreuses autres taches stellaires à la surface de HAT-P-18, qui n'ont pas été masquées par l'exoplanète. Pour déterminer avec précision la composition atmosphérique de l'exoplanète, les chercheurs ont déterminé qu'il était nécessaire de modéliser simultanément l'atmosphère planétaire et les particularités de l'étoile. Ils affirment qu'une telle prise en compte sera cruciale pour traiter les futures observations d'exoplanètes réalisées par le JWST afin d'en exploiter pleinement le potentiel.
H2O, CO2 et nuages dans une atmosphère brûlante
Après avoir soigneusement modélisé l'exoplanète et l'étoile du système HAT-P-18, l'équipe d'astronomes a procédé à une dissection méticuleuse de la composition atmosphérique de HAT-P-18 b. En inspectant la lumière qui filtre à travers l'atmosphère de l'exoplanète lorsqu'elle transite son étoile hôte, les chercheurs ont discerné la présence de vapeur d'eau (H2O) et de dioxyde de carbone (CO2). Ils ont également détecté la présence possible de sodium. L'équipe a aussi observé des signes évidents de la présence d'une couche nuageuse dans l'atmosphère de HAT-P-18 b, ce qui semble atténuer les signaux de nombreuses molécules qui s'y trouvent. De plus, l'équipe a conclu que la surface de l'étoile était recouverte de nombreuses taches sombres susceptibles d'influencer considérablement l'interprétation des données.
Une analyse antérieure des mêmes données du JWST menée par une équipe de l'Université Johns Hopkins avait également révélé une détection claire d'eau et de CO2, mais aussi la détection de petites particules à haute altitude appelées une "brume" et des indices de méthane (CH4). Les travaux des astronomes de l'Université de Montréal, qui ont pris en compte pour la première fois les caractéristiques de la surface de l'étoile et de l'atmosphère de la planète, ont révélé une image différente. La détection de CH4 n'a pas été confirmée, et l'abondance de l'eau qu'ils ont déterminée était dix fois inférieure à celle trouvée précédemment. Les chercheurs ont également constaté que la détection de brume par l'étude précédente pouvait être due à des taches stellaires à la surface de l'étoile, ce qui souligne l'importance de considérer l'étoile dans l'analyse.
Alors que des molécules comme l'eau, le dioxyde de carbone et le méthane peuvent être interprétées comme des biosignatures ou des signes de vie, dans certaines proportions ou en combinaison avec d'autres molécules, les températures brûlantes de HAT-P-18 b, qui avoisinent les 600 degrés Celsius, ne sont pas de bon augure pour l'habitabilité de la planète.
Les données du JWST utilisées dans cette étude ont été recueillies par l'instrument canadien NIRISS (Near-Infrared Imager and Slitless Spectrograph), qui a fourni aux astronomes la capacité inégalée de différencier de nombreuses caractéristiques atmosphériques de HAT-P-18 b les unes des autres. Les résultats montrent que les observations effectuées dans le domaine du visible lointain au proche infrarouge, dans la gamme de longueurs d'onde de l'instrument NIRISS, sont essentielles pour démêler les signaux de l'atmosphère planétaire et de l'étoile. Les futures observations d'un autre instrument du JWST, le NIRSpec, permettraient d'affiner les résultats de l'équipe, comme la détection du CO2, et d'éclairer encore davantage les complexités de cette exoplanète de type Saturne chaude.
À propos de l’article
L’article “Near-Infrared Transmission Spectroscopy of HAT-P-18 b with NIRISS: Disentangling Planetary and Stellar Features in the Era of JWST” a été publié dans la revue Monthly Notices of the Royal Astronomical Society. Les auteurs principaux sont Marylou Fournier Tondreau, précédemment étudiante à la maîtrise à l'Institut Trottier de recherche sur les exoplanètes (iREx) de l'Université de Montréal (UdeM) et maintenant étudiante au doctorat à l'Université d'Oxford, Ryan J. MacDonald, chercheur à l’Université du Michigan, et Michael Radica, doctorant à l’UdeM. Les autres chercheurs de l’iREx qui ont contribué à l’article sont David Lafrenière (UdeM), Caroline Piaulet (UdeM), Louis-Philippe Coulombe (UdeM), Romain Allart (UdeM), Kim Morel (UdeM), Étienne Artigau (UdeM), Loïc Albert (UdeM), Olivia Lim (UdeM), René Doyon (UdeM), Björn Benneke (UdeM), Jason Rowe (Bishop’s U), Antoine Darveau-Bernier (UdeM), Nicolas Cowan (McGill), Neil Cook (UdeM), Frédéric Genest (UdeM), Stefan Pelletier (UdeM), Lisa Dang (UdeM) et Jake Taylor (UdeM et l’Université d’Oxford). Les autres contributeurs proviennent de l'Arizona State University, de l'Université Cornell, de l'Université de Victoria et du Centre de recherche Herzberg en astronomie et en astrophysique du Conseil national de recherches du Canada.