Détection d’un nouveau mécanisme dans la maladie d’Alzheimer
Des chercheurs de l’Université McGill ont découvert un mécanisme cellulaire qui pourrait être en cause dans la détérioration de la communication interneuronale associée à la maladie d’Alzheimer.
Avec leur étude publiée dans la revue Nature Communications, les chercheurs soulignent le rôle des molécules d’ARN engagées dans la transmission synaptique – le processus de communication entre les neurones. Ils ont notamment découvert que, dans le tissu cérébral de patients atteints de la maladie d’Alzheimer, les ARN qui codent les protéines synaptiques se dégradent plus rapidement que dans le cas de cellules cérébrales saines. En outre, les chercheurs ont constaté qu’une protéine contribuant à stabiliser ces ARN était moins abondante dans les neurones de patients atteints de la maladie d’Alzheimer.
Conjointement, ces résultats indiquent qu’un taux insuffisant de cette protéine, la RBFOX1, pourrait être un facteur à l’origine de l’altération des connexions qui caractérise la maladie d’Alzheimer, selon Hamed S. Najafabadi, l’auteur principal de l’étude et professeur adjoint au Département de génétique humaine de l’Université McGill.
Une nouvelle pièce du casse-tête
Bien que la maladie d’Alzheimer soit de loin la forme de démence la plus fréquente, ses mécanismes sous-jacents demeurent méconnus, et on ne dispose actuellement d’aucun traitement capable de stopper son évolution. L’étude de McGill dévoile une nouvelle pièce de ce casse-tête qui pourrait ouvrir la voie à de nouvelles démarches thérapeutiques.
Les cellules humaines produisent des milliers de types d’ARN porteurs de l’information génétique. Or, comme l’ARN se dégrade constamment, c’est l’équilibre entre la production et la dégradation qui établit le taux de chaque type d’ARN dans la cellule. Cela dit, les scientifiques en savent relativement peu sur la régulation de la dégradation des ARN, surtout parce que les méthodes de mesure de la dégradation sont fort coûteuses et qu’elles ne s’appliquent pas aux tissus humains.
Des recherches antérieures menées par le professeur Najafabadi avaient révélé que la dégradation de l’ARN est en cause dans différentes maladies chez l’humain. Si ces résultats sont pour la plupart tirés d’études portant sur des lignées cellulaires de certains modèles de maladies, « nous tenions à mesurer directement la dégradation de l’ARN dans les tissus humains, mais les méthodes dont nous disposions ne le permettaient pas », a expliqué le professeur Najafabadi. C’est pourquoi, en compagnie de son équipe, il a entrepris de résoudre ce problème. « Nous avons constaté que la modélisation du processus de production et de dégradation de l’ARN pouvait nous permettre d’élaborer une méthode mathématique pour calculer la dégradation de l’ARN au moyen de techniques génomiques existantes. »
Mesure de la dégradation de l’ARN
Pour tester leur nouvelle méthode, les chercheurs de McGill ont fait appel à des scientifiques de l’Université de la Californie, à San Francisco. L’équipe californienne, dirigée par Hani Goodarzi, a procédé à une culture cellulaire en laboratoire avant de mesurer le taux de dégradation de l’ARN à l’aide d’une méthode traditionnelle. Au même moment, les chercheurs de McGill ont estimé le taux de dégradation de l’ARN au moyen de leur méthode mathématique. On a ensuite comparé les résultats des deux méthodes pour valider le cadre mathématique.
Puis, le professeur Najafabadi et l’étudiant aux cycles supérieurs de McGill Rached Alkallas ont employé la méthode mathématique aux fins de l’analyse de données publiques portant sur des tissus cérébraux recueillis chez des personnes décédées de la maladie d’Alzheimer. Ils ont également analysé les tissus cérébraux de personnes n’ayant pas été atteintes de cette maladie, et la comparaison des résultats obtenus dans les deux groupes a révélé que les patients atteints de la maladie d’Alzheimer présentaient une dégradation marquée de l’ARN et un faible taux de la protéine RBFOX1.
« Il reste beaucoup de choses à apprendre sur le rôle de la dégradation de l’ARN dans l’Alzheimer et autres maladies », a ajouté le professeur Najafabadi. « Par exemple, pourquoi observe-t-on une réduction du taux de la RBFOX1 chez les patients atteints de la maladie d’Alzheimer? Le taux réduit de cette protéine est-il un facteur de risque de la maladie ou bien l’indication de son évolution à un stade avancé? Et serait-il possible de restaurer ne serait-ce qu’une partie de la fonction normale des neurones par la régulation de l’activité de la RBFOX1? »
Cette étude a été menée avec le soutien financier de la Faculté de médecine de l’Université McGill et de l’Institut national du cancer (É-U).
L’article « Inference of RNA decay rate from transcriptional profiling highlights the regulatory programs of Alzheimer’s disease », par Rached Alkallas et coll., a été publié en ligne dans la revue Nature Communications, le 13 octobre 2017.
DOI : 10.1038/s41467-017-00867-z
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