Découverte pour la cartographie cérébrale et la mémoire
« Lorsqu’un tigre se dirige vers vous, vous devez savoir s’il s’agit d’une situation réelle ou d’une scène dont vous vous souvenez ou que vous avez imaginée », affirme le professeur Julio Martinez-Trujillo, du Département de physiologie de l’Université McGill. Ce chercheur et les membres de son équipe ont découvert qu’il existe une frontière bien définie entre la région du cerveau qui code l’information relative aux événements qui se déroulent sous nos yeux et celle qui code les représentations abstraites qui résultent de la mémoire à court terme ou de l’imagination. Il s’agit d’une percée importante dans le domaine de la cartographie cérébrale et ouvre la voie à de nouveaux travaux de recherche sur la mémoire à court terme.
Cette découverte, qui a fait l’objet d’un article publié récemment dans la revue scientifique Nature Neuroscience, permet de répondre à une question qui intéressait les neuroscientifiques depuis de nombreuses années. Ces derniers tentaient de déterminer avec exactitude à quel endroit du cerveau et de quelle manière l’information captée par les yeux est d’abord transformée en mémoire à court terme. « Nous avons découvert qu’une région du cerveau traite l’information sur les faits qui se produisent immédiatement sous nos yeux, tandis qu’une autre région située juste à côté stocke l’information dans la mémoire à court terme », explique Diego Mendoza-Halliday, doctorant à McGill et auteur principal de l’étude. « Cette découverte est particulièrement importante, car jusqu’à maintenant, les scientifiques ignoraient à quel endroit du cerveau l’information visuelle est d’abord transformée en mémoire à court terme. »
Les chercheurs en sont arrivés à cette conclusion en mesurant l’activité neuronale dans ces deux régions du cerveau chez des macaques lorsqu’ils regardaient une séquence aléatoire de points traversant un écran d’ordinateur, à la manière d’une pluie, puis lorsqu’ils se rappelaient ce qu’ils avaient vu après un court moment (de 1,2 à 2 secondes). Julio Martinez-Trujillo et ses collaborateurs ont constaté avec surprise l’existence d’une nette démarcation entre les activités et les fonctions des deux régions cérébrales, et ce, en dépit du fait qu’elles se trouvent l’une à côté de l’autre.
« Il est rare d’observer une frontière aussi nette au sein de systèmes biologiques, quelle qu’en soit la nature », affirme le professeur Martinez-Trujillo. « La plupart du temps, il existe une zone de transition plus floue entre les fonctions des diverses régions du cerveau. Sur le plan de l’évolution, je crois que cette frontière bien délimitée nous a aidés à survivre à des situations dangereuses. »
Les travaux du professeur Martinez-Trujillo et de son équipe se sont étalés sur cinq ans. Il a fallu important soutien technologique pour permettre de capter un signal qui se déplace pendant 3 millisecondes et active des synapses dans des neurones situés côte à côte.
Julio Martinez-Trujillo et ses collaborateurs poursuivent leurs recherches visant à cartographier les récepteurs et la connectivité entre ces deux régions du cerveau. Ce qui importe le plus pour le chercheur est de tenter d’établir des liens entre cette découverte et la schizophrénie, ainsi qu’avec d’autres maladies caractérisées par des hallucinations. Pour ce faire, il travaille en collaboration avec un psychiatre de l’Institut universitaire en santé mentale Douglas, à Montréal.
Cette étude a été financée par les Instituts de recherche en santé du Canada, le Programme des chaires de recherche du Canada et la Fondation EJLB.
Version intégrale de l’article intitulé Sharp emergence of feature-selective sustained activity along the dorsal visual pathway, par Diego Mendoza-Halliday et coll., publié dans la revue scientifique Nature Neuroscience
Pour communiquer directement avec le chercheur :
Julio Martinez-Trujillo
Julio.Martinez [at] mcgill.ca
(514) 398-6024