Aux quatre coins du monde, les peuples autochtones beaucoup plus touchés par la pollution
Les peuples autochtones du monde entier subissent de manière disproportionnée les conséquences de la pollution. Une équipe de recherche dirigée par l’Université d’Helsinki à laquelle l’Université McGill a participé, a fait l’étude de près de 700 articles portant sur différentes disciplines et régions du monde, laquelle lui a permis de dégager les principaux facteurs à l’origine du problème. Au nombre des causes relevées figurent la dépendance des peuples autochtones aux pratiques traditionnelles de chasse, de pêche et de cueillette de baies dans les zones où le sol, l’eau, la faune et flore sont pollués; la présence disproportionnée d’infrastructures polluantes – telles que des mines et des pipelines – dans leurs communautés; la qualité médiocre de l’eau à laquelle ils ont accès; et le faible soutien gouvernemental dont ils bénéficient. L’étude suggère néanmoins que les peuples autochtones contribuent également à limiter la pollution de différentes manières, notamment en surveillant l’environnement, en réclamant la mise en œuvre de politiques mondiales, ainsi que par l’entremise des batailles juridiques qu’ils intentent et de la résistance locale qu’ils mènent face aux activités polluantes.
« Dans le fond, il s’agit d’une question de droits de la personne. Nous avons tous le droit de respirer de l’air pur et de boire de l’eau propre et de manger des aliments sains. Malheureusement, aux quatre coins du monde, des millions d’Autochtones sont privés de ce droit, indique Niladri Basu du Département des sciences des ressources naturelles et de l’École de nutrition humaine, l’un des auteurs de l’étude qui a été récemment publiée dans la revue Integrated Environmental Assessment and Management. En impliquant davantage les peuples autochtones dans les décisions liées à l’environnement, nous pourrions tenir compte de leurs valeurs sociales, spirituelles et coutumières dans l’évaluation de la qualité de l’environnement et de la santé des écosystèmes. »
« La littérature étudiée démontre clairement que la plupart des peuples autochtones sont lourdement impactés par les activités polluantes en raison de leur exposition et de leur vulnérabilité, et qu’une part importante de cette pollution s’inscrit dans le cadre de comportements colonialistes, explique le Pr Álvaro Fernández‑Llamazares, de la Faculté des sciences biologiques et de l’environnement de l’Université d’Helsinki, qui a dirigé l’étude. Toutefois, nous observons également un peu partout dans le monde que les Autochtones mettent au point des stratégies innovantes afin de limiter, de réduire ou d’arrêter la pollution et s’opposent en amont de nouveaux projets pollueurs. Les exemples de collaboration réussie entre Autochtones et scientifiques pour mobiliser la communauté internationale au nom de la défense de la justice environnementale foisonnent et me laissent admiratif. »
Données clés :
- À l’échelle mondiale, le nombre d’Autochtones atteints de problèmes de santé liés à la pollution – tels que certains cancers, des maladies respiratoires, un taux élevé de fausses couches, des maladies rénales – est en augmentation.
- De nombreuses infrastructures polluantes, notamment des mines, des pipelines ou des incinérateurs de déchets, se trouvaient auparavant sur des territoires autochtones. Dans l’ensemble, en raison de la contamination de l’eau, les Autochtones d’Amérique ont été plus exposés aux déchets miniers que le reste de la population. Plus de 600 000 Autochtones de l’ouest des États-Unis vivraient à moins de dix kilomètres d’une mine abandonnée, et seraient donc plus à risque d’être exposés à plusieurs polluants.
- La qualité et le niveau d’assainissement de l’eau sur les territoires autochtones sont généralement bien inférieurs à ceux des autres régions, et ce, même lorsque les communautés ont accès à de l’eau traitée ou courante. De fait, 20 % des avis concernant l’eau potable émis au Canada concernent les communautés autochtones, qui ne représentent que 5 % de la population du pays.
- Pour certains peuples autochtones, les bienfaits culturels de la consommation d’aliments potentiellement contaminés issus de la pêche, de la chasse ou de la cueillette et de l’attachement aux terres ancestrales seraient tels qu’ils sont prêts à prendre des risques pour leur santé. Par exemple, de nombreux membres de la Première nation Aamjiwnaang de l’Ontario, dont le territoire est situé au cœur du plus grand complexe d’usines pétrochimiques du Canada, ont affirmé à plusieurs reprises qu’ils ne quitteraient jamais leurs terres ancestrales, malgré les préoccupations liées au taux élevé de cancer et de maladie respiratoire dont ils sont atteints.
- La marginalisation des peuples autochtones et leur éloignement des instances décisionnelles ainsi que des organismes de gestion de l’environnement réduisent souvent leur capacité à défendre leurs intérêts en matière de protection de l’environnement et à bénéficier de la protection offerte par les lois nationales de lutte contre la pollution.
- Les peuples autochtones du monde entier mettent au point des stratégies innovantes afin de limiter la pollution ou de la brider dès le départ, et participent à des actions de résistance, qui prennent la forme de manifestations, de campements de résistance culturelle, d’appels à l’action politique, d’occupations d’infrastructures liées aux ressources (telles que des pipelines ou des sites d’enfouissement) et de procès à l’encontre des pollueurs pour obtenir des dédommagements.
- Dans certains cas, les activités des peuples autochtones ont empêché certaines industries polluantes de s’installer sur leurs territoires. Cependant, ces campagnes n’ont pas toujours comme seul objet la lutte contre la pollution, mais également la revendication de droits fonciers, de souveraineté et de justice.
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L’article « A State-of-the-Art Review of Indigenous Peoples and Environmental Pollution », de Á. Fernández‑Llamazares, M. Garteizgoeascoa, N. Basu, E. S. Brondizio, M. Cabeza, J. M. Martínez‑Alier, P. McElwee, V. Reyes‑García (2020), a été publié dans la revue Integrated Environmental Assessment and Management. doi : https://doi.org/10.1002/ieam.4239
L’étude a été financée par l’Académie de Finlande, la Fondation Kone et la Fondation BBVA.
L’Université McGill
Fondée en 1821 à Montréal, au Québec, l’Université McGill figure au premier rang des universités canadiennes offrant des programmes de médecine et de doctorat. Année après année, elle se classe parmi les meilleures universités au Canada et dans le monde. Établissement d’enseignement supérieur renommé partout dans le monde, l’Université McGill exerce ses activités de recherche dans deux campus, 11 facultés et 13 écoles professionnelles; elle compte 300 programmes d’études et au-delà de 40 000 étudiants, dont plus de 10 200 aux cycles supérieurs. Elle accueille des étudiants originaires de plus de 150 pays, ses 12 800 étudiants internationaux représentant 31 % de sa population étudiante. Au-delà de la moitié des étudiants de l’Université McGill ont une langue maternelle autre que l’anglais, et environ 19 % sont francophones.