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Une étonnante exoplanète « barbe à papa »

Une équipe d’astronomes découvre que l’exoplanète WASP-107b a un cœur solide moins massif que ce qu’on croyait nécessaire pour former une exoplanète géante gazeuse
Image par ESA/Hubble, NASA, M. Kornmesser.
Publié: 18 January 2021

La masse du cœur solide de l'exoplanète géante WASP-107b est nettement inférieure à ce qu'on pensait nécessaire pour constituer l’épaisse enveloppe de gaz entourant des planètes géantes comme Jupiter et Saturne, a constaté une équipe d'astronomes canadiens dont la professeure Eve Lee de l'Université McGill.

Cette découverte intrigante de Caroline Piaulet, de l’Université de Montréal, sous la direction de du professeur Björn Benneke, porte à croire que les planètes géantes gazeuses se forment beaucoup plus facilement qu'on croyait. Publiée aujourd’hui dans l’Astronomical Journal, la nouvelle analyse de l’équipe d’astronomes du Canada, des États-Unis, de l'Allemagne et du Japon a de grandes implications.

« Cette étude repousse les limites de notre compréhension théorique de la formation des planètes géantes. WASP-107b est l'une des planètes les moins denses qui existent et nous avons besoin d'une solution créative pour expliquer comment ces minuscules cœurs solides peuvent construire des enveloppes de gaz aussi massives, » déclare la co-auteure Eve Lee, professeure adjointe au Département de physique et à l'Institut spatial de l’Université McGill.

Grosse comme Jupiter, mais 10 fois plus légère

L’exoplanète WASP-107b a été détectée pour la première fois en 2017 autour de WASP-107, une étoile située à environ 212 années-lumière de la Terre dans la constellation de la Vierge. La planète est très proche de son étoile ‒ plus de 16 fois plus près que la Terre l'est du Soleil. Avec une taille semblable à celle de Jupiter et une masse environ 10 fois plus légère, WASP-107b est l'une des exoplanètes les moins denses que l’on connaît. C’est un type de planètes que les astrophysiciens ont surnommées planètes « barbe à papa » ou super-puff en anglais.

Les astronomes ont d'abord utilisé des données sur WASP-107b obtenues à l'observatoire W. M. Keck à Hawaii pour évaluer la masse de la planète avec plus de précision. L’équipe a recouru à la méthode de la vitesse radiale, qui permet aux scientifiques d’établir la masse d'une planète en observant le mouvement d'oscillation de son étoile hôte dû à l'attraction gravitationnelle de la planète. C’est ainsi que les astronomes ont conclu que WASP-107b est environ 10 fois moins massive que Jupiter, soit à peu près 30 fois plus que la Terre.

En analysant la structure interne la plus probable de la planète, ils sont arrivés à une conclusion surprenante : avec une densité aussi faible, la planète doit avoir un cœur solide d’au plus quatre fois la masse de la Terre. Cela signifie que plus de 85 % de sa masse est incluse dans l'épaisse couche de gaz qui entoure le cœur. Par comparaison, cette proportion n’est que de 5 à 15 % pour Neptune, qui a une masse analogue à celle de WASP-107b.

Une géante gazeuse en formation

Les planètes naissent dans le disque de poussière et de gaz qui entoure une jeune étoile, le disque protoplanétaire. Les modèles classiques de formation de planètes géantes gazeuses sont basés sur Jupiter et Saturne. D’après ces modèles, un noyau solide au moins 10 fois plus massif que la Terre est nécessaire pour accumuler une grande quantité de gaz avant que le disque se dissipe.

Sans un cœur massif, on pensait que les planètes géantes gazeuses ne pouvaient pas franchir le seuil critique nécessaire pour accumuler et conserver de grandes enveloppes de gaz.

Comment alors expliquer l'existence de WASP-107b, qui a un noyau beaucoup moins massif? La PreLee, qui est une experte de renommée mondiale des exoplanètes comme WASP-107b, a considéré plusieurs hypothèses.

« Pour WASP-107b, a-t-elle mentionné, le scénario le plus plausible est que la planète s'est formée loin de l'étoile, où le gaz du disque est suffisamment froid pour que l’accrétion se produise très rapidement. La planète a ensuite pu migrer vers sa position actuelle par des interactions soit avec le disque, soit avec d'autres planètes du système, » dit-elle.

Découverte d'une deuxième planète

Les observations faites à Hawaii de l’étoile WASP-107 couvrent une période beaucoup plus longue que les précédentes, ce qui a permis à l'équipe de recherche de faire une découverte supplémentaire: l'existence d'une deuxième planète, WASP-107c. Cette dernière aurait une masse de plus du tiers de Jupiter, ce qui est considérablement plus massif que WASP-107b.

WASP-107c est également beaucoup plus éloignée de l'étoile centrale: il lui faut trois ans pour effectuer une orbite complète, contre seulement 5,7 jours pour WASP-107b. Autre point intéressant: l'excentricité de cette deuxième planète est élevée, ce qui signifie que sa trajectoire autour de son étoile est plus ovale que circulaire.

« À certains égards, WASP-107c a gardé la mémoire de ce qui s'est passé dans son système, dit Caroline Piaulet. Sa grande excentricité laisse entrevoir un passé assez chaotique, avec des interactions entre les planètes qui auraient pu conduire à des déplacements importants, comme celui qu'on soupçonne pour WASP-107b. »

Les chercheurs prévoient poursuivre l'étude de WASP-107b avec, espère-t-elle, le télescope spatial James-Webb, dont le lancement est prévu en 2021. Cela permettra d'avoir une idée beaucoup plus précise de la composition de l'atmosphère de la planète.

L’étude

L’article « WASP-107b's density is even lower: a case study for the physics of gas envelope accretion and orbital migration », par Caroline Piaulet, Björn Benneke, Ryan A. Rubenzahl, Andrew W. Howard, Eve J. Lee, Daniel Thorngren, Ruth Angus, Merrin Peterson, Joshua E. Schlieder, Michael Werner, Laura Kreidberg, Tareq Jaouni, Ian J. M. Crossfield, David R. Ciardi, Erik A. Petigura, John Livingston, Courtney D. Dressing, Benjamin J. Fulton, Charles Beichman, Jessie L. Christiansen, Varoujan Gorjian, Kevin K. Hardegree-Ullman, Jessica Krick, et Evan Sinukoff a été publié dans l’Astronomical Journal.

DOI: http://doi.org/10.3847/1538-3881/abcd3c

À propos de l’Université McGill

Fondée à Montréal, au Québec, en 1821, l’Université McGill est l’une des principales universités canadiennes. McGill compte deux campus, 11 facultés, 13 écoles professionnelles, 300 programmes d’études et au-delà de 40 000 étudiants, dont plus de 10 200 aux cycles supérieurs. McGill accueille des étudiants originaires d’environ 150 pays, ses 12 800 étudiants étrangers représentant 31 pour cent de sa population étudiante. Environ 19 pour cent des étudiants de McGill indiquent que leur langue maternelle est le français.

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