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L’incapacité de mesurer avec précision l’évolution de la biodiversité, un frein à l’atteinte des objectifs mondiaux?

Des scientifiques constatent qu’il peut être difficile de détecter les améliorations de la biodiversité résultant des mesures de protection de la nature et proposent des solutions pratiques
Publié: 16 February 2024

On est plus conscient que jamais de l’importance d’investir des ressources pour stopper la perte de biodiversité, comme en témoigne le Cadre mondial de la biodiversité de Kunming à Montréal adopté lors de la 15e Conférence des Parties (COP15), en décembre 2022. Ce cadre a été défini dans le but de mieux comprendre les causes de la détérioration de la biodiversité et les mesures requises pour inverser cette tendance. Or, des chercheurs de l’Université McGill souligne aujourd’hui la difficulté que pose la mise en œuvre du Cadre. En effet, les données sur l’évolution de la biodiversité varient d’une région à l’autre et sont bien souvent peu fiables.

Dès lors, les scientifiques et les décideurs sont-ils véritablement en mesure de savoir si l’on progresse vers l’atteinte des cibles mondiales de biodiversité, voire si les efforts déployés sont utiles? D’après l’étude, il est difficile d’évaluer l’effet des plans nationaux définis dans le Cadre sans savoir plus précisément pourquoi et comment la biodiversité change dans la majorité des pays.

« Nous démontrons mathématiquement qu’il sera difficile de détecter avec une grande certitude les améliorations intervenues chez différentes espèces et dans de nombreux pays (48 pays et groupes d’espèces sur 62), et ce, même si les politiques stoppent effectivement le déclin des populations animales », explique Brian Leung, professeur à l’École de l’environnement Bieler et au Département de biologie de l’Université McGill, et auteur principal de l’étude. « En effet, la détection des progrès est limitée par le niveau d’incertitude des données (trop rares ou trop variables) sur les tendances des populations animales. »

Le professeur Andrew Gonzalez, coauteur de l’étude, fait un parallèle avec le suivi du rétablissement après une maladie cardiaque : « Faute d’un bon historique de la santé cardiovasculaire de la personne, le médecin pourra difficilement déterminer si c’est le traitement qui est à l’origine du rétablissement. Imaginez maintenant que l’on doive déterminer si la santé cardiovasculaire de la population canadienne dans son ensemble s’améliore (à la suite de l’application d’une recommandation gouvernementale en matière d’alimentation, par exemple), alors qu’on n’a jamais recueilli pareilles données dans cette population par le passé et que l’on ne compte pas en recueillir dans l’avenir. »

« Cela étant dit, nous n’évaluons pas ici la santé cardiovasculaire humaine, mais bien la santé des populations animales – c’est-à-dire le rythme de leur déclin ou de leur rétablissement – pour déterminer si la tendance mondiale est à la hausse, poursuit le Pr Gonzalez. Or, pour évaluer les progrès réalisés vers l’atteinte des objectifs de biodiversité, on doit avoir un portrait juste et complet de la situation, et il faut aussi atténuer l’incertitude qui freine notre capacité à déterminer si la situation s’améliore. »

Une mesure globale

À la lumière de ces conclusions, comment les scientifiques et les décideurs peuvent-ils évaluer les résultats des efforts déployés pour atteindre des objectifs aussi ambitieux que la protection de 30 % des terres et des océans d’ici 2030 et le ralentissement de la vitesse d’extinction des espèces causée par l’homme? L’équipe de recherche propose diverses pistes de solution, notamment l’établissement d’un cadre de gestion du risque qui définirait des seuils inacceptables de déclin de la biodiversité – le changement d’état le plus facile à déceler. Les auteurs suggèrent également d’investir dans des systèmes nationaux et internationaux de surveillance de la biodiversité, qui permettraient de suivre de plus près les tendances mondiales.

« Nos résultats indiquent qu’il faut structurer la collecte des données sur la biodiversité pour pouvoir déterminer si les ressources mondiales investies dans la protection de la nature nous permettent d’atteindre nos objectifs, ou si nous devrions plutôt rajuster le tir », conclut le Pr Leung.

En résumé, ces recommandations mettent de l’avant l’importance d’adopter une approche plus rigoureuse pour bien interpréter les tendances de la biodiversité, à savoir : introduire la gestion du risque dans l’équation, investir davantage dans la surveillance, fixer des seuils de réussite explicites et se fonder sur des points de repère bien définis pour prendre des décisions éclairées. Compte tenu de la portée internationale du Cadre mondial de la biodiversité, de nombreux pays bénéficieraient de l’implantation de telles mesures.

L'étude

L’article « Global monitoring for biodiversity: uncertainty, risk and power analyses to support trend change detection », par Brian Leung et Andrew Gonzalez, a été publié dans Sciences Advances.

L'Université McGill

Fondée en 1821 à Montréal, au Québec, l’Université McGill figure au premier rang des universités canadiennes offrant des programmes de médecine et de doctorat. Année après année, elle se classe parmi les meilleures universités au Canada et dans le monde. Établissement d’enseignement supérieur renommé à l’international, l’Université McGill exerce ses activités de recherche dans trois campus, 11 facultés et 13 écoles professionnelles; elle compte 300 programmes d’études et au-delà de 39 000 étudiant(e)s, dont plus de 10 400 aux cycles supérieurs. Elle accueille des étudiant(e)s originaires de plus de 150 pays, ses 12 000 étudiant(e)s internationaux(-ales) représentant 30 % de sa population étudiante. Plus de la moitié des étudiant(e)s de l’Université McGill ont une langue maternelle autre que l’anglais, et environ 20 % sont francophones.

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