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La biodiversité s’autocatalyse, mais pas à l’infini

Une étude révèle les mécanismes qui pourraient concourir au rétablissement des microbiomes après une perte de biodiversité
Publié: 3 February 2021

Depuis plusieurs décennies, les théories scientifiques foisonnent quant à la façon dont les interactions entre les espèces, dont la concurrence, influencent la biodiversité. Des chercheurs de l’Université McGill ont étudié l’évolution de la vie microbienne aux quatre coins de la planète, et ont démontré que la biodiversité favorisait effectivement une plus grande diversité au sein des microbiomes initialement plus pauvres. Ils ont toutefois observé que le nombre de microorganismes présents dans les microbiomes plus diversifiés se stabilisait dès lors qu’apparaissaient des conflits territoriaux et une lutte pour la survie.

Publiée dans la revue eLife, la découverte pourrait aider les scientifiques à élucider les mécanismes qui permettent aux microbiomes – ensemble des microorganismes d’un environnement donné, comme les êtres humains, les animaux et les plantes, ou les sols et les océans – de se régénérer après une perte de biodiversité.

« Nous savons que la biodiversité joue un rôle important dans la stabilité et les fonctions des écosystèmes, et que de nombreux facteurs physiques, chimiques et biologiques peuvent l’influencer. Notre étude démontre que les interactions écologiques contribuent probablement de façon importante à la diversité, et ce, tous écosystèmes confondus », indique Jesse Shapiro, coauteur de l’étude et professeur agrégé au Département de microbiologie et d’immunologie de l’Université McGill.

Des perturbations, telles que l’augmentation de la quantité d’antibiotiques dans la chaîne alimentaire ou de pesticides dans le sol, ont de profondes répercussions sur le microbiome humain et sur l’écosystème microbien de la planète. Selon les chercheurs, pour rétablir un microbiome appauvri, il faut comprendre la cause du problème ainsi que les façons de le résoudre. Pour cela, on doit mieux comprendre le fonctionnement du microbiome.

Au-delà des laboratoires : les observations se confirment-elles dans la nature?

Depuis plusieurs années, la question de savoir si « la diversité promeut la diversité » a fait l’objet d’un débat dans plusieurs études portant sur des populations de plantes et d’animaux évoluant dans leur milieu naturel et sur des bactéries cultivées en laboratoire. Certains scientifiques soutiennent que la croissance de la biodiversité peut être limitée dès lors que les espèces qui la constituent doivent se disputer l’espace et se battre pour survivre. D’autres, au contraire, affirment que la biodiversité peut favoriser la richesse des espèces et la coexistence interespèces.

Pour vérifier la façon dont la théorie écologique s’exprime dans la nature, les chercheurs ont eu recours à une vaste collecte d’échantillons participative et ont analysé la séquence d’ADN de populations microbiennes provenant des quatre coins du globe. Dans le cadre de cette étude de la biodiversité planétaire – la plus vaste jamais réalisée –, ils ont découvert que la diversité des microbiomes favorisait un accroissement de la diversité au sein de populations microbiennes plus pauvres, comme le microbiote intestinal humain. Néanmoins, cette diversification ralentirait à mesure que le nombre d’espèces augmente dans les niches écologiques comme les sols.

La difficile cohabitation interespèces au sein d’une même niche

Les niches écologiques représentent le rôle que joue une espèce au sein d’un groupe, notamment les comportements qu’elle adopte face aux ressources et aux concurrents d’un habitat donné. Il est difficile pour deux espèces d’occuper longtemps la même niche, au sein d’un même habitat. Lorsque les conditions sont idéales, une espèce prospère, joue un rôle unique, et n’a aucun enjeu de survie ni conflit territorial. Ceci explique pourquoi le niveau de diversité plafonne dès lors que la densité des populations et la diversité des espèces explosent au sein d’une même niche écologique.

« Nous comprenons désormais mieux comment la théorie de la biodiversité s’applique à une portion beaucoup plus importante de la diversité génétique sur Terre », indique le professeur Shapiro.

L’étude porte sur l’accumulation de la diversité résultant de la migration bactérienne, c’est-à-dire l’arrivée de nouvelles espèces dans un nouvel environnement. À l’avenir, les chercheurs souhaitent étendre la portée de leur étude à la diversification évolutionnaire, notamment aux mutations et à l’enrichissement ou à l’appauvrissement génétique, ainsi qu’à la façon dont elle est influencée par la biodiversité locale.

 À propos de l'étude

« Does diversity beget diversity in microbiomes? », par Naïma Madi, Michiel Vos, Carmen Lia Murall, Pierre Legendre et B. Jesse Shapiro, a été publié dans la revue scientifique eLife.

DOI : http://doi.org/10.7554/eLife.58999


L’Université McGill

Fondée en 1821 à Montréal, au Québec, l’Université McGill figure au premier rang des universités canadiennes offrant des programmes de médecine et de doctorat. Année après année, elle se classe parmi les meilleures universités au Canada et dans le monde. Établissement d’enseignement supérieur renommé partout dans le monde, l’Université McGill exerce ses activités de recherche dans deux campus, 11 facultés et 13 écoles professionnelles; elle compte 300 programmes d’études et au-delà de 40 000 étudiants, dont plus de 10 200 aux cycles supérieurs. Elle accueille des étudiants originaires de plus de 150 pays, ses 12 800 étudiants internationaux représentant 31 % de sa population étudiante. Au-delà de la moitié des étudiants de l’Université McGill ont une langue maternelle autre que l’anglais, et environ 19 % sont francophones.

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