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La biodiversité agricole et la sécurité alimentaire

Les décideurs devraient valoriser l’agriculture locale à petite échelle en raison de ses avantages pour l’environnement et la santé .
Publié: 15 February 2014

Puisqu’il faudra nourrir quelque 2,4 milliards de personnes additionnelles d’ici 2050, la tendance à favoriser les monocultures à grande échelle partout dans le monde peut sembler inexorable.

Une telle tendance comporte toutefois un inconvénient important, estime Timothy Johns, professeur de nutrition humaine à l’Université McGill, à Montréal, dans un article présenté le samedi 15 février 2014 à l’assemblée annuelle de l’Association américaine pour l’avancement des sciences, à Chicago. 

La diversité biologique et nutritionnelle du régime alimentaire de la plupart des populations mondiales est de plus en plus limitée. « L’agriculture à grande échelle est plus simple et moins diversifiée que l’agriculture à petite échelle », précise le professeur Johns. « Et ceci est vrai sur les plans génétique, écologique et nutritionnel. »

En revanche, à bien des endroits, les petits exploitants agricoles continuent à cultiver diverses espèces et de multiples variétés de fruits et légumes qui constituent la base de leur régime alimentaire. La consommation d’une grande diversité de fruits, de légumes, de condiments et de médicaments, ainsi que d’aliments d’origine animale, augmente la probabilité que les agriculteurs de subsistance qui ont accès à des écosystèmes naturels puissent combler leurs besoins en matière de nutrition et de santé.

Or, les petits exploitants agricoles dans les pays en voie de développement ont souvent une faible productivité et sont peu susceptibles de générer des profits suffisants pour leur permettre de vivre au-dessus du seuil de pauvreté, affirme le professeur Johns, directeur du Programme canadien d’études sur le terrain en Afrique de l’Université McGill. Ainsi, les petites exploitations de l’Afrique subsaharienne, qui représentent plus de 90 % de la production agricole et le principal moyen de subsistance de 65 % de la population, se doivent d’être plus productives.

Toutefois, lorsqu’ils ont accès à une meilleure technologie, les petits exploitants peuvent être plus productifs et adopter des modes de production plus durables que ceux qui pratiquent une agriculture intensive à grande échelle.

Le recours aux membres de la famille pour la réalisation des travaux agricoles contribue à réduire les coûts de la main-d’œuvre et de la supervision, tandis qu’une meilleure connaissance du sol, des plantes et des animaux locaux permet aux petits exploitants de maximiser le rendement de leurs terres. Ainsi, au Brésil, les données nationales du Censo Agropecuário révèlent que les « fermes familiales » produisent 38 % de la valeur agricole de 24 % des terres agricoles. En outre, l’évaluation de 286 projets dans 57 pays a permis de constater que le recours aux technologies durables, à faible coût et qui favorisent la diversité a contribué à accroître le rendement moyen des cultures dans les petites exploitations agricoles de 79 % depuis le début des années 1990.

Selon le professeur Johns, le fait de reconnaître l’importance de certains éléments de la biodiversité agricole ayant des propriétés exceptionnelles sur les plans de la santé et de la nutrition pourrait présenter des avantages économiques pour les petits exploitants. L’accès à de tels produits comporte des avantages indéniables pour la santé, ajoute-t-il. « Les produits issus de la biodiversité au cœur de régimes alimentaires traditionnels fournissent des micronutriments essentiels et réduisent le risque de survenue de maladies chroniques liées à l’alimentation. »

Les glucides – principalement les céréales, les sucres, les pommes de terre et autres tubercules – et les huiles végétales produits de façon efficiente par l’agriculture à grande échelle et distribués par la voie du commerce international sont plus abordables pour un grand nombre de personnes que les aliments moins caloriques et plus nutritifs. Il en résulte dans bien des cas une forme de malnutrition caractérisée par une surconsommation de calories qui a contribué à l’apparition d’une épidémie mondiale d’obésité et d’affections chroniques, comme le diabète et les maladies cardiovasculaires.

Entretemps, quelque deux milliards de personnes souffrent de carences en micronutriments, principalement le fer, la vitamine A, l’iode et le zinc, car elles ne consomment pas assez d’aliments riches en vitamines et en minéraux, comme les produits d’origine animale, les fruits, les légumes et les légumineuses.

Les décisions socialement responsables en matière de politiques alimentaires doivent valoriser les avantages environnementaux, sanitaires, sociaux et culturels offerts par la biodiversité agricole, estime le professeur Johns.

« Les responsables des politiques alimentaires partout dans le monde devraient s’efforcer de concevoir des mécanismes d’indemnisation novateurs qui reflètent les avantages de l’agriculture biodiversifiée à petite échelle », affirme le professeur Johns. « Il pourrait s’agir, notamment, de subventions versées directement aux agriculteurs, mais également d’investissements dans les services de vulgarisation agricole, les infrastructures, la recherche et développement en matière de chaîne d’approvisionnement, ainsi que la réglementation progressive du marché. »

PHOTO: Women smallholder farmers in Kenya
Wikimedia Commons (McKay Savage from London, UK)

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