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Structure en double hélice de l’ARN poly (rA)

La confirmation d’une hypothèse soulevée il y a 50 ans présente des résultats intéressants pour la recherche sur les nanomatériaux biologiques
Publié: 26 August 2013

Lorsque Francis Crick et James Watson ont découvert la structure en double hélice de l’acide désoxyribonucléique (ADN) en 1953, ils ont déclenché une révolution qui a permis les scientifiques de cartographier, d’étudier et de séquencer le support du patrimoine génétique de tous les organismes vivants.
 
L’ADN code le matériel génétique transmis d’une génération à l’autre. Afin que l’information génétique contenue dans l’ADN puisse être utilisée par la cellule pour fabriquer les protéines et les enzymes essentiels à la vie, l’acide ribonucléique (ARN) – matériel génétique à simple brin qui se trouve dans les ribosomes – doit servir d’intermédiaire. Si la plupart des séquences d’ARN présentent une structure simple brin, certaines d’entre elles se trouvent sous forme d'une double hélice, à la manière de l’ADN.
 
En 1961, Alexander Rich, David Davies, James Watson et Francis Crick ont émis l’hypothèse selon laquelle l’ARN connu sous le nom de poly (rA) pouvait former une double hélice constituée de brins parallèles.
 
Cinquante ans plus tard, des scientifiques de l’Université McGill ont cristallisé avec succès une courte séquence d’ARN, la poly (rA)11, et ont eu recours à des données recueillies au Centre canadien de rayonnement synchrotron (CCRS) et au Centre de haute énergie synchrotron de l’Université Cornell afin de confirmer cette hypothèse.
 
La structure détaillée en trois dimensions de la séquence poly (rA)11 a été publiée par le laboratoire de Kalle Gehring, professeur au Département de biochimie de McGill, en collaboration avec George Sheldrick, de l’Université de Göttingen, et Christopher Wilds, de l’Université Concordia. Les professeurs Wilds et Gehring sont membres du Groupe de recherche axé sur la structure des protéines (GRASP), une association québécoise spécialisée en biologie structurale. Leur étude a fait l’objet d’un article intitulé Structure of the Parallel Duplex of Poly (A) RNA: Evaluation of a 50 year-Old Prediction, publié dans la revue spécialisée Angewandte Chemie International Edition.
 
« Après des travaux échelonnés sur cinquante ans, la détermination de la structure d’une nouvelle conformation d'un acide nucléique est très rare. C’est pourquoi nous avons saisi l’occasion lorsque nous avons découvert les cristaux inhabituels composés de la séquence poly (rA) », affirme le professeur Gehring. Le professeur Gehring dirige le programme de formation sur les bionanomachines à McGill.
 
Selon le professeur Gehring, la détermination de la structure en double hélice de l’ARN se traduira par des applications intéressantes pour la recherche sur les nanomatériaux biologiques et la chimie supramoléculaire. Les acides nucléiques sont dotés de propriétés d’autoreconnaissance remarquables et leur utilisation comme « matériaux de construction » offre de nouvelles possibilités pour la fabrication de bionanomachines – des dispositifs à l’échelle nanométrique issus de la biologie de synthèse.
 
« Du fait de leur très petite taille, de leur faible coût de production et de notre capacité à les modifier, les bionanomachines offrent des avantages inestimables », affirme le professeur Gehring. « De nombreuses bionanomachines font déjà partie intégrante de notre vie quotidienne, qu’il s’agisse d’enzymes, de capteurs, de biomatériaux ou de médicaments biosynthétiques. »
 
Le spécialiste estime également que la confirmation de la structure en double hélice de l’ARN aura également, à terme, une incidence positive sur la mise au point de traitements médicaux et de remèdes pour des affections telles que le sida et pourrait même contribuer à la régénération des tissus biologiques.
 
« La détermination de la structure de la séquence poly (rA) souligne l’importance de la recherche fondamentale. Nous tentions de déterminer la façon dont les cellules transforment l’ARNm en protéines, mais nous avons finalement élucidé une vieille question relevant de la chimie supramoléculaire. »
 
Pour les besoins de leurs travaux ayant permis de déterminer la structure de la séquence poly (rA)11 de l’ARN, le professeur Gehring et un groupe de chercheurs ont eu recours aux données recueillies par l’Institut canadien de cristallographie moléculaire (ICCM) du Centre canadien de rayonnement synchrotron.
 
Selon Michel Fodje, spécialiste des faisceaux à l’ICCM, les travaux des chercheurs ont permis de préciser avec succès la structure de l’ADN et pourraient influer sur la façon dont l’information génétique est stockée dans les cellules.
 
« Même si l’ADN et l’ARN sont tous deux porteurs de l’information génétique, il existe de nombreuses différences entre eux », affirme le professeur Fodje. « Les molécules d’ARNm comportent une queue poly (rA), chimiquement identique aux molécules du cristal. La structure de la séquence poly (rA) pourrait se révéler importante sur le plan physiologique, particulièrement en présence de fortes concentrations locales d’ARNm, notamment lorsque les cellules sont soumises à un stress et que l’ARNm est alors concentré dans des granules au sein de ces dernières. »
 
À l’aide de cette information, les chercheurs continueront de cartographier les diverses structures de l’ARN et d’étudier leur rôle dans la conception de bionanomachines novatrices et dans les cellules en période de stress.
 
Les travaux de recherche sur la structure de la séquence poly (rA) ont été subventionnés par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, avec le soutien de la Fondation canadienne pour l’innovation, du gouvernement du Québec, de l’Université Concordia et de l’Université McGill.
 
Situé sur le campus de l’Université de la Saskatchewan, à Saskatoon, le Centre canadien de rayonnement synchrotron est l’installation nationale du Canada pour la recherche sur la lumière synchrotron. Ses activités sont financées par la Fondation canadienne pour l’innovation, le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, Diversification de l’économie de l’Ouest du Canada, le Conseil national de recherches du Canada, les Instituts de recherche en santé du Canada, le gouvernement de la Saskatchewan et l’Université de la Saskatchewan.
 
 
Version intégrale de l’article :
http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/anie.201303461/pdf
 
Image: Structure of poly (rA) duplex showing the two strands in orange/yellow and green/blue. Ammonium ions that stabilize the structure are shown as black balls. Credit: Kathryn Janzen, Canadian Light Source


 
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