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Les médicaments antituberculeux peuvent accroître le risque de réinfection

Le traitement entraîne la modification des bactéries intestinales, ce qui compromet l’immunité
Publié: 22 March 2019

Les traitements actuels pour la tuberculose (TB) sont très efficaces pour ce qui est de maîtriser l’infection tuberculeuse attribuable à la bactérie Mycobacterium tuberculosis (Mtb). Toutefois, ces traitements ne préviennent pas toujours la réinfection. La raison pour laquelle il en est ainsi est l’une des questions que l’on se pose depuis longtemps dans le domaine de la recherche sur la TB.

Alors, pourquoi notre organisme est-il incapable de conférer une immunité permanente contre la TB – la principale maladie infectieuse mortelle à l’échelle mondiale ? Une équipe de chercheurs de l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (IR-CUSM) et de l’Université McGill pourrait avoir trouvé la réponse à cette question… dans l’intestin. Dans une étude publiée récemment dans Mucosal Immunology, ces chercheurs ont démontré que les médicaments antituberculeux entraînent des modifications du microbiote intestinal — la colonie de bactéries qui vit dans nos intestins — et augmentent la susceptibilité à l’infection tuberculeuse.

Le microbiote intestinal joue un rôle crucial pour ce qui est de nous maintenir en santé; il aide à digérer les aliments, à combattre les microbes pathogènes et à renforcer notre système immunitaire. Des recherches récentes ont démontré que la prise chronique d’antibiotiques entraîne une perturbation de cette colonie, situation qui peut à son tour entraîner un dérèglement du système immunitaire. Toutefois, on ne peut affirmer avec certitude si les modifications dans la composition des microbes vivant dans nos intestins ont une incidence sur l’infection tuberculeuse.

Incidence des médicaments antituberculeux sur le microbiote

Pour savoir si les modifications dans la composition des microbes vivant dans nos intestins ont une incidence sur l’infection tuberculeuse, les Drs Irah King et Maziar Divangahi, des Laboratoires Meakins-Christie de l’IR-CUSM, en collaboration avec des collègues du campus Macdonald de l’Université McGill, ont traité des souris pendant huit semaines avec les médicaments antituberculeux les plus couramment utilisés — l’isoniazide, la rifampicine et la pyrazinamide. Leurs travaux ont démontré que les trois médicaments modifiaient nettement la composition du microbiome intestinal des souris, mais celles traitées avec de l’isoniazide combinée avec de la pyrazinamide affichaient une plus grande susceptibilité à l’infection tuberculeuse.

Afin de s’assurer que la vulnérabilité à l’hôte de l’infection tuberculeuse était bien attribuable à une altération du microbiote intestinal, les chercheurs se sont intéressés aux… selles. En transplantant les selles de souris en santé dans des souris traitées avec des médicaments antituberculeux, ils ont pu démontrer pour la première fois que la greffe fécale était suffisante pour restaurer l’immunité contre la Mtb. »

Relation existant entre le microbiote intestinal et les poumons

Le Dr King et ses collègues voulaient également mieux comprendre le fonctionnement de l’axe intestins-poumons — un système de communication bidirectionnel entre les micro-organismes vivant dans le tube digestif et les poumons — afin de savoir quel rôle ce système pourrait jouer dans l’infection tuberculeuse et l’immunité.

Pour ce faire, ils ont évalué un certain nombre de cellules pulmonaires reconnues pour jouer un rôle important dans la résistance à l’infection tuberculeuse. Après un traitement antituberculeux, la capacité des macrophages alvéolaires (type de cellules immunitaires situées dans les voies aériennes des souris et des humains) à tuer l’infection tuberculeuse était compromise.

« Nous devons poursuivre nos recherches afin de comprendre l’incidence du microbiome sur les macrophages alvéolaires, car ces cellules jouent un rôle crucial dans la maîtrise de l’infection tuberculeuse pendant les étapes préliminaires de cette maladie. Nous devons aussi identifier les mécanismes moléculaires qui interviennent dans l’axe intestins-poumons », explique le Dr King.

« Les traitements antituberculeux se sont avérés incroyablement efficaces pour maîtriser l’épidémie de TB; ils ont fait baisser les taux de morbidité et de mortalité associés à cette maladie, ajoute-t-il. Les travaux que nous venons de réaliser fournissent maintenant un fondement pour l’élaboration de nouvelles stratégies thérapeutiques exploitant l’axe intestins-poumons dans l’infection tuberculeuse. »

Les chercheurs songent déjà à suivre de près des patients traités avec des médicaments antituberculeux afin de vérifier comment leur microbiote intestinal se modifie au fil du temps et une fois que le traitement a cessé. L’idée sera de contrôler les modifications du microbiome en combinaison avec les médicaments efficaces pour tuer la bactérie Mtb.


À propos de l’étude

Les coauteurs de l’étude intitulée Intestinal dysbiosis compromises alveolar macrophage immunity to Mycobacterium tuberculosis sont Nargis Khan, Laura Mendonca, Achal Dhariwal, Ghislaine Fontes, Dick Menzies, Jianguo Xia, Maziar Divangahi et Irah L. King.

L’étude susmentionnée a bénéficié du soutien des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC).

À propos de l’Institut de recherche du CUSM:

L’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (IR-CUSM) est un centre de recherche de réputation mondiale dans le domaine des sciences biomédicales et de la santé. Établi à Montréal, au Canada, l’Institut, qui est affilié à la faculté de médecine de l’Université McGill, est l’organe de recherche du Centre universitaire de santé McGill (CUSM) – dont le mandat consiste à se concentrer sur les soins complexes au sein de sa communauté. L’IR-CUSM compte plus de 420 chercheurs et près de 1 200 étudiants et stagiaires qui se consacrent à divers secteurs de la recherche fondamentale, de la recherche clinique et de la recherche en santé évaluative aux sites Glen et à l’Hôpital général de Montréal du CUSM. Ses installations de recherche offrent un environnement multidisciplinaire dynamique qui favorise la collaboration entre chercheurs et tire profit des découvertes destinées à améliorer la santé des patients tout au long de leur vie. L’IR-CUSM est soutenu en partie par le Fonds de recherche du Québec – Santé (FRQS).

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