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Des millions de joueurs font avancer la recherche biomédicale

Le plus grand projet mondial de science citoyenne élargit nos connaissances sur le microbiome humain
drawing of an old pinball machine
Publié: 15 April 2024

Selon une étude parue aujourd’hui dans Nature Biotechnology, le monde du jeu vidéo peut donner un sérieux coup de main à la recherche scientifique.

Ils sont 4,5 millions de joueurs et joueuses, partout dans le monde, à faire progresser les sciences médicales. Comment? En participant à la reconstruction de l’histoire évolutive de micro‑organismes au moyen d’un mini-jeu intégré dans Borderlands 3, jeu vidéo acclamé tant par la critique que par le public. Leur jeu a permis d'affiner considérablement l'estimation des relations entre les microbes présents dans l'intestin humain. Les résultats de cette collaboration enrichiront considérablement nos connaissances du microbiome et permettront d’améliorer les programmes d’intelligence artificielle utilisés dans ce domaine.

Les bactéries et leurs rapports évolutionnaires

En jouant à Borderlands Science, mini-jeu intégré dans Borderlands 3, un jeu de tir à la première personne reposant sur des mécaniques de jeu de rôle, les participant(e)s ont contribué à mettre en lumière les rapports évolutionnaires de plus d’un million de types de bactéries vivant dans l’intestin, dont certains jouent un rôle essentiel pour la santé. Il s’agit d’une augmentation exponentielle par rapport aux données préalablement colligées sur le microbiome. En alignant des rangées de tuiles qui représentent les éléments constitutifs de micro‑organismes, des humains ont été en mesure de s’attaquer à des problèmes que les algorithmes informatiques connus les plus performants n’avaient pu résoudre.

Mené par une équipe de recherche de l’Université McGill et conçu en collaboration avec Gearbox Entertainment Company, société de jeux interactifs primée, ainsi qu’avec Massively Multiplayer Online Science (MMOS), entreprise d’informatique suisse qui crée des ponts entre la science et les jeux vidéo, ce projet a profité de l’expertise et du matériel génomique de la Microsetta Initiative, que dirige Rob Knight, professeur aux départements de pédiatrie, de génie biologique et d’informatique et génie de l’Université de Californie à San Diego.

Des humains jettent les bases d’algorithmes plus performante

Non seulement les joueurs(-euses) ont-ils réussi à affiner l’analyse des séquences d’ADN réalisée par les programmes mais ils ont jeté les bases d’une IA qui a le potentiel de devenir encore plus performante.

« Nous ignorions si les adeptes d’un jeu aussi populaire que Borderlands 3 seraient intéressés par ce projet ou si les données seraient suffisantes pour approfondir les connaissances actuelles sur l’évolution microbienne. Mais les résultats nous ont étonnés, raconte Jérôme Waldispühl, professeur agrégé à l’École d’informatique de l’Université McGill et auteur en chef de l’étude, parue aujourd’hui. En une demi-journée, les joueurs de Borderlands Science ont recueilli cinq fois plus de données sur les séquences d’ADN microbien que l’avaient fait ceux de notre jeu précédent, Phylo, en dix ans. »

L’idée d’intégrer l’analyse d’ADN dans un jeu vidéo commercial grand public est venue d’Attila Szantner, professeur associé à l’École d’informatique de l’Université McGill et PDG et cofondateur de MMOS. « Près de la moitié de la population mondiale joue aux jeux vidéo; il est donc primordial de trouver de nouveaux moyens de tirer profit de tout le temps et de toute l’énergie mentale qui y sont consacrés, dit-il. L’expérience de Borderlands Science nous montre ce qu’il est possible de réaliser lorsqu’on s’associe au secteur du jeu vidéo et aux communautés de joueurs pour s’attaquer aux grands défis de notre époque. »

« En créant une expérience divertissante qui s’intègre au jeu, les développeurs de Gearbox voulaient susciter l’intérêt de millions de joueurs et de joueuses de Borderlands partout dans le monde et ainsi prouver que ces personnes à l’esprit vif étaient capables de produire des données scientifiques tangibles, utiles et précieuses, à un niveau impossible à atteindre à l’aide de technologies et de moyens non interactifs, explique Randy Pitchford, fondateur et PDG de Gearbox Entertainment Company. Je suis fier de ce que Borderlands Science est devenu : une des initiatives de science citoyenne les plus vastes et les plus abouties de tous les temps. Cette collaboration redéfinit le potentiel bénéfique que peuvent avoir les jeux vidéo dans notre monde et laisse présager d’autres projets semblables menés de concert avec de futurs jeux. »

Les liens entre micro-organismes, maladie et mode de vie

Les dizaines de billions de micro‑organismes qui colonisent le corps humain jouent un rôle essentiel dans le maintien de la santé. Il arrive cependant que les communautés microbiennes changent au fil du temps, en raison de facteurs comme l’alimentation, la médication et les habitudes de vie.

Étant donné le nombre très élevé de micro‑organismes à étudier, les scientifiques commencent à peine à comprendre comment un micro‑organisme peut influencer ce qui se passe dans le corps humain, et vice versa.

D’où l’importance de cette recherche et des résultats obtenus grâce aux joueurs et aux joueuses.

« Nous pensons pouvoir utiliser ces informations pour établir des liens entre des micro‑organismes précis et l’alimentation, le vieillissement, ainsi que les nombreuses maladies dans lesquelles nous savons que des micro‑organismes sont en cause, notamment la maladie inflammatoire chronique de l’intestin et la maladie d’Alzheimer, ajoute Rob Knight, qui dirige aussi le Center for Microbiome Innovation, centre consacré au microbiome à l’Université de Californie à San Diego. L’évolution fournit des renseignements précieux sur la fonction des organismes. En dressant la généalogie de nos micro‑organismes, on peut mieux comprendre le rôle qu’ils jouent dans le corps et l’environnement. »

Une participation citoyenne qui fait progresser le savoir

« 4,5 millions de personnes ont contribué à la science. Ce résultat, nous le devons aussi à ces joueurs, qui peuvent être fiers de leur contribution, souligne Jérôme Waldispühl. On voit qu’il est possible de combattre la peur et les préjugés à l’égard de la science et de mobiliser des gens qui veulent œuvrer à l’avancement du savoir. »

« Borderlands Science nous a donné l’occasion exceptionnelle de solliciter la participation de citoyens scientifiques pour résoudre un problème nouveau et important à l’aide de données générées par un tout autre projet de science collaborative à très grand déploiement, résume Daniel McDonald, directeur scientifique de la Microsetta Initiative. Ces résultats témoignent de la valeur inestimable des données en libre accès et montrent qu’il est possible de réaliser un projet scientifique à très grande échelle grâce à des pratiques inclusives. »

L’étude

« Improving microbial phylogeny with citizen science within a mass-market video game», de Roman Sarrazin-Gendron et coll., a été publié dans la revue Nature Biotechnology.
DOI : 10.1038/s41587-024-02175-6

Bailleurs de fond

La recherche a été financée en partie par Génome Canada et Génome Québec.

L'Université McGill

Fondée en 1821, à Montréal, au Québec, l’Université McGill figure au premier rang des universités canadiennes offrant des programmes de médecine et de doctorat. Année après année, elle se classe parmi les meilleures universités au Canada et dans le monde. Établissement d’enseignement supérieur renommé partout dans le monde, l’Université McGill exerce ses activités de recherche dans trois campus, 12 facultés et 14 écoles professionnelles; elle compte 300 programmes d’études et au-delà de 39 000 étudiants, dont plus de 10 400 aux cycles supérieurs. Elle accueille des étudiants originaires de plus de 150 pays, ses 12 000 étudiants internationaux représentant 30 % de sa population étudiante. Au-delà de la moitié des étudiants de l’Université McGill ont une langue maternelle autre que l’anglais, et environ 20 % sont francophones.

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