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Nouvelles

Développement de médicaments : trop d'info perdue

Les essais de médicaments interrompus fournissent des données qui doivent être divulguées
Publié: 9 March 2015
Les médicaments dont le développement a été interrompu sont ceux qui ne peuvent parvenir à l’étape de la commercialisation en raison de problèmes d’efficacité ou d’innocuité. Puisque seulement un médicament sur dix soumis à des essais cliniques sur des humains obtient une homologation, la plupart des données recueillies pendant la phase de développement de ces produits sont tout simplement perdues, et ce, en dépit du fait que cette information est cruciale pour la prestation de soins efficaces, la protection des patients et la mise au point de meilleurs produits.

« Nous nous sommes particulièrement intéressés aux essais dans ces trois domaines thérapeutiques, car ils constituent des axes de recherche privilégiés en matière de mise au point de médicaments », affirme Jonathan Kimmelman, professeur agrégé d’éthique biomédicale à l’Université McGill et auteur principal de l’étude publiée aujourd’hui dans le British Medical Journal. « Nous nous attendions à ce que les résultats d’un grand nombre de ces essais n’aient jamais été publiés. Ce qui nous a surpris fut la quantité de données non divulguées. »

Ainsi, entre 2005 et 2009, période étudiée par les chercheurs, les résultats de 37 pour cent seulement des essais de médicaments « interrompus » ont été publiés. Pour la même période, les résultats de 75 pour cent des essais ayant mené à l’homologation d’un médicament ont été publiés.

Selon les chercheurs, la diffusion de l’information ‒ même dans le cas des médicaments dont le développement a été interrompu ‒ fournit des indications sur la prestation de soins ou la mise au point plus efficace de médicaments. Les données recueillies au cours d’essais cliniques interrompus :

  1. permettent aux concepteurs de médicaments de découvrir ce qui n’a pas fonctionné et d’apporter ensuite les changements nécessaires au composé ou au mode de libération, de sorte que le produit pourrait se révéler efficace pour le traitement d’autres affections. Ainsi, le médicament Viagra s’était d’abord révélé inefficace comme antiangineux. Nous savons maintenant qu’il est très efficace pour le traitement du dysfonctionnement érectile;
  2. nous en apprennent davantage sur l’innocuité d’autres médicaments homologués. Les essais cliniques portant sur des médicaments expérimentaux permettent souvent de recueillir d’importantes données probantes sur l’innocuité des médicaments homologués, particulièrement si ces derniers appartiennent à la même famille chimique;
  3. permettent aux concepteurs de médicaments d’en savoir davantage sur les limites des modèles animaux et d’autres méthodes expérimentales. «  Si un médicament fonctionne pour un modèle animal, mais pas pour un patient, c’est l’occasion de nous demander si ce n’est pas le modèle qui est en cause et de l’améliorer », affirme Amanda Hakala, étudiante à la maîtrise et auteure en chef de l’étude;
  4. permettent d’obtenir des renseignements sur l’innocuité et l’efficacité du médicament qui pourraient se révéler utiles dans d’autres parties du monde. En effet, certains médicaments ne répondent pas aux normes d’innocuité et d’efficacité en vigueur dans un pays, mais sont homologués ailleurs dans le monde. « La non-publication des résultats de ces essais prive les patients de ces autres pays de nouvelles données probantes sur l’innocuité et l’efficacité du produit », affirme le professeur Kimmelman.

Le fait que de nombreux participants à ces essais reçoivent un placebo ou un médicament inefficace ou dont l’innocuité n’a pas été démontrée constitue un argument de plus en faveur de la divulgation de données sur les médicaments dont le développement a été interrompu. « La décision des concepteurs de médicaments de ne pas divulguer les résultats de leurs travaux va à l’encontre des dispositions de la Déclaration d’Helsinki qui établit des lignes directrices claires pour la recherche médicale sur des sujets humains », précise le professeur Kimmelman. « Dans le cadre de notre étude, nous avons découvert que plus de 20 000 patients avaient participé à des essais interrompus dont les résultats n’ont jamais été divulgués. Cela représente un nombre élevé de personnes dont l’altruisme n’a pas été honoré. »

« Il existe de nombreuses raisons pour lesquelles les concepteurs de médicaments ne divulguent pas les résultats d’essais interrompus. L’une d’entre elles est leur réticence à partager de l’information avec des concurrents », affirme Amanda Hakala. « Toutefois, la valeur de cette information commence à être reconnue. » Ainsi, le Parlement européen a récemment adopté une loi obligeant les promoteurs à présenter des rapports sur les essais cliniques interrompus. Les États-Unis envisagent également d’adopter des politiques visant à encourager une transparence limitée à l’égard des essais cliniques interrompus. « De telles politiques ne sauraient se substituer à la divulgation complète des résultats, mais elles contribuent dans une large mesure à honorer les sacrifices des sujets de recherche et à faire avancer diverses causes, dont la prestation de soins de santé plus efficaces et un meilleur encadrement des activités de développement des médicaments. »

Cette étude a été financée par les Instituts de recherche en santé du Canada.

Version intégrale de l’article publié dans le British Medical Journal : http://www.bmj.com/content/350/bmj.h1116.full

Pour communiquer avec les chercheurs :

jonathan.kimmelman [at] mcgill.ca (en anglais seulement)

amanda.hakala [at] mail.mcgill.ca (en anglais et en français)

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