Nouvelles œuvres d’art autochtones à l’ÉÉP : l’importance de la représentation

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Nouvelles œuvres d’art autochtones à l’ÉÉP : l’importance de la représentation

Owisokon Lahache, artiste visuelle et enseignante iroquoise vivant à Kahnawake, ne se rappelle pas avoir vécu « une période vide de toute création ».

Cette créativité innée a poussé Owisokon à s’exprimer et à exprimer sa culture par une foule de formes artistiques différentes tout au long de sa vie, de la peinture à la poterie et à la sculpture, en passant par les médias et la création numériques.

En 2021, l’École d’éducation permanente de McGill lui a commandé deux œuvres d’art, afin de mieux représenter la symbolique et la culture autochtones dans ses espaces physique et virtuel. Les tableaux ont été produits dans le cadre de l’Initiative de relations avec les Autochtones, récemment officialisée, et de son plan stratégique sur cinq ans.

Owisokon s’est récemment entretenue avec Carmen Sicilia, professeure agrégée et directrice de l’Initiative. Elles ont parlé de ces toiles, de l’importance de représenter et de respecter les cultures autochtones, et de celle de continuer à apprendre toute la vie.

Parcours autochtones et allochtones

La première toile dont parle Owisokon s’intitule Navigating Our Paths (nous suivons nos routes); on y voit de nombreux bateaux, navires et canoës qui s’éloignent du rivage de l’île Turtle. Ils représentent aussi bien l’arrivée des Européens dans l’île que les relations qui se tissèrent entre les peuples autochtones et les colons. Parmi les navires européens, on distingue la Santa María (un navire espagnol qui faisait partie de la traversée transatlantique de Christophe Colomb). Dans son sillage voguent des navires battant pavillon britannique, français et hollandais. Plus bas sur la toile, on voit des canoës et des bateaux représentant de nombreuses nations autochtones.

D’après Owisokon, la toile s’intitule ainsi parce que « nous suivons toujours cette route, travaillant côte à côte, mais sans jamais vraiment nous rencontrer ».

Le ciel et les eaux présentent des tons subtils qui véhiculent le sens profond de l’œuvre.

« Les deux sillons d’eaux sombres représentent les chemins suivis par nos nations – notre gouvernance, ainsi que notre façon de travailler ensemble ou séparément, explique Owisokon. Ainsi, à l’arrivée des Hollandais, nos ancêtres se sont dit qu’il valait mieux avoir quelque traité. »

Il en est ressorti une entente entre les Iroquois et les nouveaux arrivants européens (des Hollandais à l’origine), entente symbolisée par la ceinture de wampum à deux rangs. Cette ceinture est faite de deux rangs de wampum mauves sur fond blanc; elle représente un canoë et un navire européen. Pour Owisokon, l’entente « était très claire : voici vos règles, vos lois et vos façons de faire; nous avons les nôtres ».

Par ailleurs, le ciel et les sillons d’eau plus clairs représentent la paix, la puissance et la droiture morale. Owisokon explique la droiture en ces termes : « C’est la faculté de garantir le respect de nos lois et de nos ententes – entre nous, Autochtones, mais aussi avec les autres peuples. » Elle ajoute que les Autochtones ont toujours adhéré à ces ententes, et ce malgré le système « abusif » des pensionnats.

Owisokon aimerait que ses tableaux inspirent aux personnes non autochtones l’envie « d’essayer d’arranger les choses » et « de travailler avec nous dans le plus grand respect et la reconnaissance de certains événements ».

Célébrer la diversité des nombreuses communautés autochtones de l’île Turtle

Le second tableau d’Owisokon s’intitule Dancing Across Turtle Island (danse sur l’île Turtle). On y voit femmes, hommes et enfants portant les tenues traditionnelles de différentes communautés autochtones, tenues qui représentent la diversité.

« C’est essentiellement une représentation du nombre vertigineux de différentes nations qui vivent sur l’île Turtle », commente-t-elle.

Les hommes, femmes et enfants sur ce tableau représentent entre autres les Innus, les Iroquois, les Lakotas, les Métis, les Mi’kmaqs, les Cris des plaines et les Tlingits.

Pour l’artiste elle-même, Dancing Across Turtle Island célèbre la diversité des peuples autochtones de l’île Turtle en même temps qu’elle illustre l’importance de transmettre les savoirs à la génération suivante.

L’importance de ne jamais cesser d’apprendre

Outre sa carrière de création artistique, Owisokon a enseigné l’art pendant plus de trente ans à l’école secondaire de Kahnawake. Elle a aussi enseigné au Bureau de la formation des maîtres inuits et des Premières nations à McGill (OFNIE) et travaillé comme mentor aux laboratoires Obx de l’Université Concordia, lesquels sont consacrés aux médias expérimentaux. C’est dire qu’elle croit fermement qu’il ne faut jamais cesser d’apprendre.

Une grande partie des connaissances traditionnelles que ses aînées lui ont transmises durant son enfance au sein de la communauté demeurent d’actualité, surtout en ce qui concerne l’environnement.

« Il y a dans mon jardin des plantes encore en fleurs, chose très inhabituelle à cette période de l’année », fait-elle observer, avant d’ajouter qu’il ne s’agit là que d’un des « signaux » visibles du changement climatique qu’elle a appris à reconnaître enfant.

Pour Owisokon, apprendre toute la vie, ça commence par la transmission aux enfants des connaissances traditionnelles sur la protection de la planète et la lutte contre la pollution.

Ces jours-ci, Owisokon apprend la langue maternelle de ses parents, le kanien’kéha, qu’il était interdit de parler du temps de sa jeunesse.

« Je ne parle pas la langue mohawk, déplore-t-elle. Je suis le résultat du système des pensionnats. C’est pour cela que je l’apprends encore et toujours. Ça fait des décennies, et je ne la parle même pas encore. »

En revanche, elle a veillé à ce que ses enfants apprennent le kanien’kéha à l’école. Aujourd’hui, ses petits-enfants l’apprennent eux aussi.

« L’importance d’apprendre toute la vie saute aux yeux dans Dancing Across Turtle Island », dit-elle avant de poursuivre :

« On y voit les divers peuples de l’île Turtle qui se rassemblent, apprenant toute leur vie durant, et faisant en sorte que la génération nouvelle – les enfants qui reçoivent les savoirs des aînés et ont accès aux études supérieures – les aide dans leur périple sur l’île Turtle. »

La version intégrale de l’entrevue se trouve sur la chaîne YouTube de l’École d’éducation permanente de McGill.

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