Le mot de la doyenne : L’héritage de W. E. B. Du Bois et de l’éducation antiraciste

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Une réflexion sur l’antiracisme dans le milieu de l’enseignement supérieur et au-delà.

« Enseigner aux penseurs à penser – voilà une notion essentielle à une époque qui échappe à la logique; ce sont les personnes promises au plus grand destin qu’il faudra former le plus rigoureusement à la pensée juste. » En 1903, dans son recueil d’essais Les âmes du peuple noir, l’universitaire et militant pour les droits civiques W. E. B. Du Bois cherche à trouver sa place – la sienne et celles des autres Afro-américains – dans une société toujours plus discriminatoire et ségrégationniste. Ses paroles trouvent encore un écho aujourd’hui, alors que nous soulignons le Mois de l’histoire des Noirs ainsi que le Nouvel An lunaire, célébré dans la culture chinoise et de nombreuses autres cultures asiatiques. 

À plusieurs égards, W. E. B Du Bois a préparé le terrain pour l’antiracisme et l’empathie radicale auxquels nous aspirons aujourd’hui. Des penseurs contemporains comme Ibram X. Kendi, Terri Givens ou Isabel Wilkerson visent à transcender de manière proactive les divisions socioéconomiques et politiques perpétrées par les structures, le racisme systémique et le système de castes moderne. 

Comment pouvons-nous – en enseignement supérieur – combattre le racisme et l’oppression vécus sur toute une vie humaine? Du Bois nous répondrait que « l’université n’a pas pour seule fonction la préparation au marché du travail […]; elle doit, avant tout, être au service du fin réglage entre la vraie vie et l’approfondissement des connaissances de la vie ». Il plaide également qu’« une telle formation nous condamnerait à encourager les préjugés qui protègent la société […] ». Du Bois réclame un enseignement supérieur qui s’érige au-delà de l’acquisition de compétences pour préparer l’humanité à une pensée plus globale dans le but d’éradiquer les iniquités sociales, économiques et politiques, sans toutefois négliger l’importance et la valeur de la différence culturelle. Comme ma collègue de McGill, la Pre Terri Givens, et d’autres l’ont remarqué, de nos jours, les « relations sociales sont brisées » (Givens, 2020, p. 35) et nécessiteraient ce que Du Bois appelle une « chirurgie sociale » : un travail délicat, difficile, mais non moins gratifiant. Et ce travail implique un apprentissage continue. 

Il ne faut pas oublier que les concepts de « race et de racisme sont des construits modernes du pouvoir » (Kendi, 2019, p. 238). Ce n’est que relativement récemment que les humains ont pris conscience de ces idées apparues il y a quelques centaines d’années seulement. Ainsi nous pouvons et devons aussi les désapprendre. Kendi et Wilkerson ont fait des analogies entre racisme et classisme, et maladies; que ce soit le cancer (Kendi) ou une manifestation de la pandémie de coronavirus actuelle (Wilkerson), qui, aux États-Unis, a frappé de manière disproportionnée les personnes de descendance africaine, asiatique et latino-américaine, par exemple. En règle générale, une maladie peut être endiguée, jugulée et même éradiquée. 

W. E. B. Du Bois doit sa notoriété à sa rigueur, à son sens aigu de l’observation et à son argumentation fondée sur des données probantes. Il a documenté rigoureusement ce qu’il a vu et entendu, et a formé d’autres personnes à faire la même chose. Il a questionné les idées reçues sur ce que cela veut dire d’être Noir ou Blanc, et a continué d’apprendre et d’affiner sa compréhension de ses observations et expériences tout au long de sa vie. Dynamisme, formation fondée sur les données probantes, analyse critique et mentorat : son exemple nous illustre les éléments clés d’une formation continue couronnée de succès. 

Nous nous heurtons aujourd’hui à des milliers de situations qui échappent à la logique – qu’elle concerne le virus, les institutions démocratiques, la paix et la sécurité ou cet étrange concept que nous appelons la race. Je nous mets au défi de cultiver notre rigueur et notre pensée critique en classe comme à l’extérieur, et à agir pour combattre les inégalités, qui autrement sont aisément perpétuées et propagées par des comportements non réfléchis et des institutions sans cœur. 

En ce début d’année du tigre d’eau, selon le zodiaque chinois, inspirons-nous du courage et de la force de cet animal pour combattre le mal, mais également pour paver la voie à l’espoir et à la conscience de soi. 

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