Keiko Shikako : Défendre les droits des personnes en situation de handicap, du Brésil à Montréal

Un texte de notre série « À la rencontre de membres de la FMSS venus d’ailleurs » – La Faculté de médecine et des sciences de la santé (FMSS) est composée de communautés plurielles dont les membres proviennent de partout au Canada et d’ailleurs dans le monde. Cette série souligne le talent et l’expertise de personnes qui ont choisi de venir s’établir au Québec et de se joindre à l’Université McGill. Merci de votre précieuse contribution!

Keiko Shikako, erg., Ph. D., a quitté le Brésil il y a près de 20 ans pour s’établir au Canada et étudier à la maîtrise en sciences de la réadaptation. Son objectif : mettre à profit son expérience à titre d’ergothérapeute pédiatrique et d’enseignante de musique pour enfants en bas âge afin de traiter les enfants en situation de handicap. Aujourd’hui professeure agrégée à l’École de physiothérapie et d’ergothérapie de l’Université McGill, son brillant parcours l’a amenée à s’investir dans la défense des droits des personnes en situation de handicap en influençant les politiques publiques pour favoriser la mise en œuvre de la Convention des Nations Unies pour les droits des personnes handicapées. 

Les succès de la Pre Shikako dans les sphères universitaire et publique lui confirment qu’elle a pris une sage décision en choisissant McGill. « Je savais que le programme de sciences de la réadaptation de McGill était reconnu mondialement et j’avais toujours été attirée par l’environnement multiculturel et multilingue de l’Université. Et je voulais vivre à Montréal. J’ai toujours pensé que c’était un endroit au Canada où il était facile de vivre en tant qu’immigrante. J’ai suivi des cours de français avant de venir et j’ai continué après mon arrivée ici, pour pouvoir exercer l’ergothérapie et m’intégrer à la culture québécoise. » 

Mère de deux enfants, la Pre Shikako a inscrit ses enfants à l’école primaire francophone. « À la maison, nous parlons le portugais. Ils sont maintenant au secondaire et parlent les trois langues (portugais, français et anglais) couramment. Ils fonctionnent sans aucun problème dans l’une ou l’autre des langues, dit-elle. C’est la même chose pour tous leurs amis et amies. Nous sommes tous fiers de notre héritage, mais en même temps, nous faisons l’effort d’apprendre le français. » 

C’est la conviction que la musique pouvait avoir un effet thérapeutique chez les enfants handicapés qui a entraîné la Pre Shikako vers l’activisme social. « Au Brésil, j’enseignais la musique et j’animais des séances d’ergothérapie assistée par la musique auprès de groupes d’enfants atteints de plusieurs handicaps. Certaines de mes recherches démontrent l’importance des loisirs et du jeu pour le développement, le bien-être et l’inclusion des enfants dans divers aspects de la vie en société. » 

Après ses études de doctorat, dans le but d’améliorer l’accès aux loisirs et à la communauté pour les enfants en situation de handicap, la Pre Shikako a codéveloppé une application mobile appelée Jooay (jooay.com). L’appli, dont le nom se prononce comme le verbe « jouer », permet de trouver des activités de loisir adaptées et accessibles aux enfants handicapés près de chez eux. Jooay aide aussi les parents, les spécialistes en réadaptation et le personnel enseignant à échanger des renseignements pertinents sur les loisirs et l’inclusion. 

« Depuis le lancement en 2015, nous avons plus de 3 000 utilisateurs », dit la Pre Shikako. « Nous avons répertorié en tout presque 4 000 activités inclusives ou adaptées dans toutes les provinces du Canada. En ce moment, nous ajoutons des fonctionnalités ludiques à Jooay pour rendre l’application elle-même plus amusante et attrayante. Ces fonctionnalités inciteront non seulement les parents, le personnel clinique et le personnel enseignant, mais aussi les jeunes à interagir davantage avec l’appli, pour ainsi trouver davantage d’activités de loisirs près de chez eux. Nous mesurons également la façon dont les gens utilisent l’application et évaluons des moyens de créer des outils technologiques plus inclusifs pour les personnes en situation de handicap. » 

Les résultats de l’ensemble des travaux de la Pre Shikako, sur l’application Jooay et dans le cadre de ses autres projets d’application des connaissances aux politiques publiques, ont contribué à plusieurs conversations avec des représentants de municipalités, des organismes de promotion des loisirs, des gens du milieu de l’éducation et des familles aux Québec, dit-elle. « Nos recherches ont mené à l’intégration de directives liées à l’inclusion dans le programme “Ville amie des enfants”, une initiative du ministère de la Famille permettant à une municipalité d’être reconnue comme un milieu convivial pour les enfants. Nous avons partagé notre expertise sur ce qui rend une ville accessible aux enfants en situation de handicap et à leur famille et ajouté les espaces de jeu publics inclusifs, comme des parcs, dans l’application Jooay. L’objectif est de rendre les villes plus accessibles aux enfants handicapés et de renseigner les familles et les enfants sur les lieux inclusifs. » 

Membre associée du Département d’équité, d’éthique et de politiques et titulaire d’une chaire de recherche du Canada sur les handicaps infantiles, la Pre Shikako ajoute que « l’objectif ultime est de créer des communautés justes, équitables et inclusives grâce à des politiques qui tiennent compte des besoins des enfants en situation de handicap et de leur famille. » 

Pour atteindre cet objectif, il faut une connaissance détaillée de cette population. La Pre Shikako s’attaque aussi à cet aspect dans ses travaux. Dans un article intitulé Donner la voix aux droits des enfants publié par le Conseil des Canadiens avec déficiences, elle souligne le manque de données au Canada. « Depuis 2006, le Canada n’a pas recueilli de données sur les enfants en situation de handicap. L’Étude canadienne sur l’incapacité est le seul outil de collecte de données actuellement disponible. Mais les enfants en sont exclus, de la naissance jusqu’à l’âge de 14 ans. Sans ces données, on ne peut efficacement concevoir des programmes ciblant spécifiquement les enfants handicapés et visant à améliorer leur situation. » La Pre Shikako a également présenté ces informations au Comité des droits des personnes handicapées des Nations Unies dans le premier rapport du Canada au comité. Par la suite, le comité de l’ONU a recommandé que le Canada recueille davantage de données sur les enfants en situation de handicap. 

Depuis, les données s’accumulent graduellement. « Des questions sur les enfants en situation de handicap ont été ajoutées à l’Enquête canadienne sur la santé des enfants et des jeunes. De plus, mon équipe et moi réalisons un projet financé par les Instituts de recherche en santé du Canada en collaboration avec Statistique Canada pour cerner des indicateurs liés aux handicaps infantiles et alimenter le cadre de référence de l’Indice canadien du mieux-être. » 

Liens connexes : 

La force par la diversité 

https://www.chairs-chaires.gc.ca/chairholders-titulaires/profile-fra.aspx?profileId=3577 

www.jooay.com 

https://www.childhooddisability.ca/fr/  

 

 

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