Une technique novatrice lève le voile sur la formation des cristaux de glace dans les nuages

Des chercheurs ont mis au point une méthode pour détecter et étudier la formation de la glace dans les nuages mixtes et ont ainsi amélioré considérablement la capacité des scientifiques à prévoir le temps et à modéliser les changements climatiques.
« Les nuages sont essentiels au climat et au cycle de l’eau sur Terre, car ils influencent à la fois les précipitations et l’équilibre énergétique de la planète », explique Devendra Pal, chercheur postdoctoral et chargé de cours saisonnier au Département des sciences atmosphériques et océaniques de l’Université McGill. « Toutefois, les nuages mixtes sont difficiles à comprendre et à modéliser, en partie parce que les chercheurs ne savent pas encore exactement comment les petits cristaux de glace se forment dans ces nuages ni comment ils évoluent au fil du temps. »
« En sachant comment ces nanocristaux se forment, grossissent et diffusent la lumière du soleil, nous pouvons améliorer la précision des prévisions météorologiques et des modèles climatiques », précise le chercheur, qui a codirigé l’étude avec Parisa Ariya, professeure James McGill de chimie et de sciences atmosphériques et océaniques.
« Cette avancée est importante pour toutes les personnes touchées par les changements climatiques : agriculteurs, urbanistes, équipes d’intervention en cas de catastrophe et responsables politiques en matière de climat ».
Trop petits pour être observés directement
Les nuages mixtes contiennent à la fois des cristaux de glace et des gouttelettes liquides surfondues, gouttelettes d’eau qui restent liquides à des températures inférieures à 0 °C.
La formation de glace dans les nuages commence par des noyaux glaçogènes (ice-nucleating particles ou INP), de minuscules particules en suspension dans l’air, souvent à l’échelle nanométrique, qui agissent comme des semences de congélation. Ces INP déclenchent la formation de cristaux de glace dont la taille peut passer de quelques nanomètres à quelques millimètres.
Jusqu’à présent, ces cristaux de glace nanométriques étaient trop petits pour être observés directement ou distingués de leurs homologues liquides en temps réel. Les scientifiques devaient donc se contenter de déduire si une particule était de la glace en fonction de sa taille limite ou d’utiliser une méthode appelée « rapport de polarisation » pour analyser la diffusion de la lumière par la particule.
Un nouvel instrument pour observer la formation de la glace en temps réel
Pour remédier à la situation, l’équipe a mis au point la chambre de nucléation de la glace en temps réel de McGill (McGill Real-Time Ice Nucleation Chamber ou MRINC), qui simule des conditions nuageuses en laboratoire grâce à un contrôle précis de la température et de l’humidité.
« Dans cette chambre, nous avons placé des particules d’iodure d’argent (AgI), qui déclenchent la formation de la glace, et avons soigneusement réglé les conditions ambiantes pour reproduire les caractéristiques d’un nuage », explique Devendra Pal.
Les chercheurs ont ensuite utilisé une technique d’imagerie laser appelée « microscopie holographique numérique » pour observer la formation des cristaux de glace en temps réel, ce qui était auparavant impossible à cette échelle. Les images holographiques obtenues ont été analysées à l’aide d’un logiciel alimenté par l’IA, qui a pu déterminer instantanément si chaque particule était un cristal de glace ou une gouttelette liquide, et évaluer sa taille, sa forme et la texture de sa surface.
« C’est la première fois que des informations microphysiques aussi détaillées sont capturées à cette échelle et avec une telle précision », ajoute le chercheur.
« La technologie disponible ne permettait à aucun des modèles de changement climatique de prédire avec précision la formation de ces cristaux de glace plus petits, précise Parisa Ariya. La MRINC nous permet d’approfondir notre compréhension des processus d’interaction entre la nucléation de la glace, le rayonnement et les changements climatiques. »
Prochaine étape : les nuages naturels
Ces résultats ouvrent une nouvelle fenêtre sur les premières étapes de la formation de la glace dans les nuages et ont une incidence sur l’observation des nuages par satellite, l’étude des précipitations et même l’ensemencement des nuages, forme de modification manuelle du temps.
Les membres de l’équipe adaptent actuellement le système MRINC en vue d’études sur le terrain à bord d’avions de recherche et dans des observatoires situés au sommet de montagnes. Ils perfectionnent également l’instrument afin de le rendre encore plus précis et adaptable à différentes conditions atmosphériques. Ainsi, les chercheurs pourront effectuer des suivis pour déterminer comment diverses particules, telles que la pollution, la poussière ou la fumée des feux de forêt, influencent la formation de la glace.
« Notre objectif ultime est de fournir des données en temps réel pour la science du climat et les prévisions météorologiques opérationnelles », conclut Devendra Pal.
L’étude
L’article « Microphysical Detection of Nano-Ice Nuclei to Ice Crystals: A Platform for Ice Nucleation Research la nucléation de la glace », par Devendra Pal, Parisa Ariya, Ryan Hall, Yevgen Nazarenko et Leonard Barrie, a été publié dans npj Climate and Atmospheric Science, revue partenaire de Nature.
Cette étude a été financée par la Fondation canadienne pour l’innovation, la bourse Tomlinson de l’Université McGill , l’Agence spatiale européenne, le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada et le Conseil national de recherches du Canada.