Peser les risques : confidentialité des données et lutte contre le virus

En pleine pandémie de COVID-19, et pour la première fois dans l’histoire, des applications de traçage et des passeports d’immunité sont utilisés pour endiguer la propagation d’un virus. Les épidémiologistes voient en ces nouvelles méthodes basées sur des données un moyen de lutter contre la propagation du virus. Mais quelles sont les implications pour la protection de la confidentialité? Quels risques les décideurs doivent-ils prendre en compte lorsqu’ils choisissent d’utiliser des applications ou non? Et quelle incidence ces choix ont-ils sur les inégalités déjà existantes?

Dans un article publié récemment, « Immunity Passports and Contact Tracing Surveillance », Ignacio Cofone, professeur de droit à McGill, se penche sur l’utilisation d’applications Web et de passeports d’immunité pour lutter contre la COVID-19. Le Pr Cofone parle des conséquences réelles de ces applications, ainsi que de l’existence d’un compromis entre la protection de la confidentialité et une lutte plus efficace contre la propagation du virus. 

« La recherche vise d’abord à dresser un portrait complet des applications afin que les décideurs aient toutes les cartes en main pour choisir de les adopter ou non, puis à guider ces décideurs dans la prise de mesure d’atténuation des risques s’ils choisissent d’utiliser les applications », explique le Pr Cofone. 

Les décideurs devront faire d’autres choix, comme celui d’avoir recours à une base de données centralisée ou locale, par exemple, ou encore à une application GPS ou Bluetooth. 

« Ces options ont des conséquences énormes du point de vue de la confidentialité des données, mais aussi de la discrimination et des inégalités », dit le Pr Cofone, qui précise s’être abstenu de recommander des solutions concrètes dans son article. Il a plutôt voulu présenter toute l’information pertinente afin que les décideurs puissent tirer des conclusions en fonction de leur contexte particulier. 

Le Québec a envisagé d’utiliser un passeport d’immunité électronique, mais ne l’a jamais fait. Il a toutefois adopté l’application Alerte COVID pour le traçage des contacts. 

« Je crois qu’il ne faut pas voir les choses du point de vue du sacrifice de la confidentialité au profit d’une lutte efficace contre la pandémie, avoue le Pr Cofone. Il faut plutôt évaluer les risques pour les droits de la personne découlant de la collecte de données personnelles – y compris les risques pour la confidentialité et l’accentuation des inégalités – par rapport à l’effet des mesures de lutte contre la propagation qui seraient prises à la place », soutient-il. 

Au-delà de la pandémie

Le Pr Cofone affirme que les implications de recherches telles que les siennes vont au-delà de la pandémie et qu’elles fournissent un cadre de réflexion sur les risques que poserait la surveillance par le biais d’applications de suivi de contacts lors de futures crises sanitaires. 

« C’est la première fois dans l’histoire que nous avons la capacité d’utiliser la surveillance comme moyen de freiner la propagation d’une pandémie », explique-t-il. 

« Cela pose un autre risque, ajoute le Pr Cofone, car l’histoire nous montre que les mesures de surveillance ont tendance à rester en place une fois la crise résorbée. Ces applications ne devraient pas être conservées une fois la pandémie maîtrisée. Non seulement les applications elles-mêmes, mais aussi l’énorme quantité d’informations recueillies. Ces données ne devraient pas être utilisées à d’autres fins. » 

Étant donné que ces applications sont utilisées pour lutter contre la pandémie actuelle, l’occasion est belle d’analyser les cadres en place en prévision de la prochaine crise sanitaire mondiale. 

« Nous espérons que si la fonte des calottes polaires entraîne l’apparition de nouvelles maladies, nous pourrons, grâce à l’expérience de la COVID-19, intervenir plus rapidement et plus efficacement, tant sur le plan juridique qu’au-delà de ce cadre », conclut le professeur Cofone. 

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