Lutte contre l’extrémisme violent au Québec

Plus de deux tiers des personnes radicalisées sont aux prises avec des troubles anxieux ou liés au stress, mais bien souvent, elles n’arrivent pas à recevoir des services en santé mentale

Au Canada, l’extrémisme violent est considéré comme un problème de santé publique pour lequel des programmes de prévention s’imposent, et la montée de la violence attribuable aux mouvements d’extrême droite est devenue un enjeu de sécurité nationale. C’est dans ce contexte qu’Ottawa s’efforce de ramener au pays et de réinsérer dans la société des femmes détenues en Syrie parce qu’elles s’étaient jointes à l’État islamique. Une étude met en lumière la nécessité de créer des services spécialisés axés sur l’évaluation et le traitement des personnes radicalisées atteintes de troubles de santé mentale et dont la détresse risquerait de s’exprimer par un comportement violent.

L’étude a été menée par une équipe de recherche de Montréal, dont fait partie Cécile Rousseau, professeure à l’Université McGill et membre de l’Équipe clinique de polarisation du Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux du Centre-Ouest-de-l’Île-de-Montréal, qui s’intéresse aux moyens de combattre l’extrémisme violent. Menée auprès de plus de 150 personnes radicalisées dirigées vers l’Équipe de polarisation, l’étude a révélé que la majorité d’entre elles avaient besoin de services de santé mentale, mais que, souvent, elles n’en obtenaient pas à cause d’un manque de confiance dans le système ou parce que les fournisseurs de soins de première ligne estimaient ne pas avoir les outils nécessaires pour les aider.

Les équipes de recherche considèrent que la combinaison de l’extrémisme violent et des troubles de santé mentale pose des défis particuliers aux organismes de sécurité et aux services cliniques. Toutefois, les chercheuses font une mise en garde : il ne faut pas déduire de ces résultats que les personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale sont plus susceptibles de verser dans l’extrémisme violent. « Cette supposition, potentiellement stigmatisante pour les patients atteints d’un trouble mental, n’est aucunement étayée par les résultats. Nos conclusions ne font qu’indiquer qu’un nombre important de personnes ayant des opinions extrémistes ont besoin de services et de programmes de réinsertion sociale », prévient Rousseau qui est professeure au département de psychiatrie de l'Université McGill.

Une combinaison de facteurs

D’après l’équipe, les résultats laissent entendre que les idées extrémistes véhiculées dans notre société pourraient entraîner de la détresse et des comportements inappropriés chez des personnes aux prises avec des troubles de santé mentale et susceptibles de se radicaliser. Il s’agit d’un problème auquel les fournisseurs de soins de première ligne devront s’attaquer.

Environ un tiers des personnes radicalisées présentaient un extrémisme violent associé à l’extrême droite et un autre tiers présentait un comportement violent sans lien avec une idéologie. En outre, plus d’un quart des membres de ce groupe entretenaient des idées extrémistes liées au genre, et la plupart avaient déjà eu recours à des services de santé mentale. Autre constatation : plus d’un tiers de ces personnes étaient aux prises avec un trouble anxieux (36,9 %), plus d’un tiers étaient atteintes de troubles de l’humeur ou de troubles liés au stress (35,7 %) et près d’un tiers avaient reçu un diagnostic de trouble du spectre de l’autisme (28 %).

Pour les auteures de l’étude, il faut pouvoir compter sur des services spécialisés tels que l’Équipe de polarisation, qui mettront au point un savoir et des pratiques à déployer à grande échelle pour les services de santé mentale offerts aux jeunes et aux adultes, et qui pourront guider d’autres fournisseurs de soins de première ligne et de santé mentale qui œuvrent auprès de personnes radicalisées.

L’étude

L’article « Clinical Services Addressing Violent Extremism: The Quebec Model », par Cécile Rousseau, Rochelle Frounfelker, Cindy Ngov et Anne Crocker, a été publié dans l’International Journal of Forensic Mental Health.

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