L’apport des recherches d’Elif Bilgic à la formation en chirurgie laparoscopique

Elif Bilgic ne le savait pas à l’époque, mais quand elle a répondu à une petite annonce de McGill en 2012 visant à recruter des participants à une étude sur l’acquisition de compétences dirigée par la docteure Melina Vassiliou, elle a entamé une longue relation avec le Centre Steinberg-Bernstein de chirurgie à effraction minimale (Labo CEM) de l’Hôpital général de Montréal. Elle étudiait l’anatomie et la biologie cellulaire à l’Université McGill, s’intéressait à la médecine depuis longtemps et cherchait à participer à des recherches qui ne se limitaient pas aux sciences fondamentales. À la fin de l’étude, elle a pris contact avec les Dres Melina Vassiliou et Liane Feldman afin de leur exprimer le souhait de faire de la recherche au Labo CEM. « Elles se sont montrées très ouvertes et m’ont encouragée à en découvrir davantage sur leur travail. Je pense que je suis tombée en amour avec les recherches que je réalisais et les personnes qui m’entouraient. Ça avait une grande importance pour moi. »

Au cours des années suivantes, Elif a continué de participer à de nombreux projets de recherche sur la formation au Labo CEM et au Centre d'education Henry K.M. de Kuyper. Elle a terminé son baccalauréat, puis a fait un doctorat en chirurgie expérimentale, au cours duquel elle a consacré sa recherche à l’évaluation des compétences à faire des sutures en laparoscopie.

Elle explique : « Les étudiants en médecine commencent par apprendre à suturer des plaies ouvertes, qui permettent d’utiliser une bonne amplitude de mouvements, puisque les mains et les poignets sont mobiles à 360°. Les mouvements sont toutefois limités en chirurgie laparoscopique, qui fait appel à de longs instruments et à une image par caméra affichée à l’écran. On travaille dans un milieu tridimensionnel à partir d’un écran bidimensionnel, qui fausse la perception de profondeur. Il faut plus d’expérience et y être plus exposé pour parvenir à une dextérité optimale. »

L’une des tâches de sutures laparoscopiques avancées créées au Labo CEM.

Divers outils et modèles de simulation sont utilisés pour s’exercer à effectuer des sutures laparoscopiques, y compris les tissus animaux ex vivo, la réalité virtuelle augmentée avec haptique ajoutée, les animaux cadavériques ou vivants et anesthésiés, mais les modèles inanimés présentent souvent les meilleurs rapports coût-efficacité. « Il n’est pas toujours nécessaire de disposer d’un modèle haute-fidélité pour enseigner les compétences recherchées, souligne Elif. La formation par simulation s’ajoute à l’exposition des apprenants. Elle vise à les aider plutôt qu’à remplacer leur exposition clinique. Si on peut les exposer à des techniques de chirurgie laparoscopique avancée dans le cadre des simulations, on peut les aider à apprendre quand changer l’angle de l’aiguille, comment bien pénétrer dans un tissu et comment procéder à la suture d’un tissu sous tension. S’ils connaissent déjà ces techniques à leur arrivée en salle d’opération, ils pourront se concentrer sur d’autres aspects de l’opération, plus difficiles à enseigner par simulation. »

L’évaluation, le moteur de l’apprentissage

« Nous accordons beaucoup d’importance aux sutures parce qu’elles sont considérées comme l’une des principales compétences requises en salle d’opération à bénéficier de la formation par simulation. Notre équipe de McGill a mis au point des tâches de suture avancées pour mieux refléter la complexité des opérations actuelles. Nous cherchons à utiliser ces plateformes pour des besoins d’évaluation et de formation. Les tâches représentent un aspect, un outil pour l’enseignement et l’apprentissage, mais si on ne sait comment procéder à l’évaluation ou ce qu’il faut rechercher pendant l’exécution, il est difficile de s’améliorer, insiste Elif. L’évaluation est un volet essentiel de tout travail de simulation. Plus on peut démontrer qu’une stratégie est efficace, plus les gens en comprendront l’importance. C’est là que la recherche entre en jeu, et il faut des années pour construire de tels modèles. »

L’actualisation des méthodes de formation prescrite par l’évolution des besoins

Elif fait actuellement un postdoctorat au Centre de simulation et d’apprentissage interactif Steinberg de l’Université McGill, sous la supervision du Dr Gerald Fried, pionnier de la CEM, professeur titulaire de la chaire Edward W. Archibald, directeur du département de chirurgie de l’Université McGill et chirurgien en chef du Centre universitaire de santé McGill. Le Dr Fried a mis sur pied le programme clinique et universitaire de chirurgie à effraction minimale à l’Université McGill en 1990. Au fil des ans, ses collègues et lui ont réalisé des progrès importants dans la formation des chirurgiens et l’intégration des processus d’innovation en pratique clinique.

Le Dr Fried l’explique bien : « Pendant plus d’un siècle, la chirurgie reposait sur le modèle de l’apprenti, c’est-à-dire que les chirurgiens apprenaient en s’exerçant sur les patients. L’apparition de la chirurgie à effraction minimale a non seulement transformé les soins cliniques, mais elle nous a également permis de revoir le paradigme de l’enseignement. La formation par simulation et la possibilité de vérifier si l’apprenant a bel et bien réalisé les objectifs d’apprentissage à l’aide de mesures de rendement fiables et légitimes ont accru l’efficacité de l’apprentissage et amélioré la sécurité des patients. Elif a constaté un besoin d’apprentissage non satisfait, les sutures laparoscopiques avancées, et a conçu un programme de simulation et des mesures de rendement pour y répondre. Son travail sera inestimable, car il garantira que tous les chirurgiens soient en mesure d’effectuer des sutures à l’aide d’outils laparoscopiques et d’appliquer leurs compétences dans des situations difficiles. »

Il faut du temps pour la recherche

Elif veut dire à tous ceux qui souhaitent mener une carrière en recherche qu’il faut du temps pour la recherche : « Il faut du temps pour apprendre, déterminer ses objectifs et le domaine sur lequel se pencher, établir sa méthodologie, parler aux bonnes personnes, réaliser l’étude. Les résidents, les professeurs et les étudiants ont tous d’énormes contraintes de temps. Il n’est pas facile de les inciter à participer. Il faut établir une relation avec eux pour favoriser leur participation. Il faut beaucoup de temps et de travail avant de pouvoir publier. Certaines personnes se découragent parce que c’est long, mais c’est normal. Ça va finir par aboutir. Il suffit d’être patient. C’est ce que j’ai appris. Je pense aussi qu’il faut aimer ce qu’on fait, le domaine dans lequel on travaille. On travaille avec une plus grande passion et on fait un meilleur travail quand on aime ce qu’on fait. »

 

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