Olivia Ruge a récemment obtenu son baccalauréat en neurosciences, une expérience qui a éveillé en elle une passion pour la recherche scientifique et le souhait d’une carrière dans le milieu universitaire. Inspirée par son passage à l’Université McGill et le mentorat dont elle y a bénéficié, elle se lance vers un avenir prometteur. Cet automne, elle entamera un doctorat en neurosciences à l’Université de Californie à San Francisco. Dans cette entrevue, nous en apprenons davantage sur ses recherches ainsi que sur son parcours qui lui a permis d’obtenir une place dans une université de premier plan, en tirant parti des possibilités offertes par l’Université McGill.
Pouvez-vous me parler de votre expérience de recherche de premier cycle à l’Université McGill?
J’ai eu la chance de travailler dans trois formidables laboratoires. J’ai fait mes premiers pas dans le domaine de la recherche au laboratoire Ruthazer, où j’ai étudié les interactions entre les neurones et les cellules gliales chez les têtards de xénopes, à l’aide de la microscopie à deux photons. J’ai aussi étudié les transitoires calciques dans les cellules gliales et leur rôle dans la plasticité homéostatique. J’ai adoré mettre au point ma propre expérience pour tester au mieux ma question de recherche, déterminer les outils et les techniques à ma disposition et analyser mes données. J’ai également collaboré à un projet visant à étudier l’efficacité des techniques de transfection non virale aux fins de ciblage des cellules de la glie radiale. Je présenterai ces résultats lors de la réunion de la Société des neurosciences cet automne.
Je me suis ensuite jointe au laboratoire de neurosciences des systèmes Sakata, qui étudie les mécanismes sous-jacents à la plasticité et à la survenue de la période critique pendant le développement moteur chez les diamants mandarins. J’y ai examiné les effets de différentes manipulations pharmacologiques sur la période critique pendant laquelle l’apprentissage du chant a lieu. J’ai aussi appris à analyser des données comportementales à l’aide d’outils automatisés, ce qui m’a permis d’aller au-delà de l’évaluation vidéo et du codage manuel des comportements.
Enfin, après avoir suivi un cours sur les hormones et le comportement dispensé par l’un des étudiants aux cycles supérieurs de la Dre Patricia Pelufo Silveira, je me suis jointe au laboratoire Silveira. Cette expérience a été déterminante : pour la première fois, j’ai pu constater le lien concret entre les neurosciences et la santé des femmes. J’ai travaillé sur un article de synthèse explorant la relation entre un faible poids à la naissance pour l’âge gestationnel et l’impulsivité et la prise de décision à risque plus tard dans la vie. Bien que le projet ne portait pas directement sur les interventions maternelles, il s’agit d’une recherche fondamentale qui pourrait éclairer les politiques publiques en matière de santé et de bien-être chez la mère. J’ai pu facilement établir un lien entre la recherche et les répercussions sociétales, et c’est ce que j’ai le plus apprécié de mon passage au sein du laboratoire de la Dre Silveira.
Vous êtes l’auteure principale d’une revue de littérature, effectuée aux côtés de la Dre Patricia Pelufo Silveira, Ph. D. Pouvez-vous me parler de cet article?
L’objectif de cette revue était de synthétiser les données relatives à l’incidence sur le cortex orbitofrontal de différentes formes d’adversité précoce prénatale et postnatale, telles que le harcèlement, un faible poids à la naissance pour l’âge gestationnel, la malnutrition et la privation affective. Cet article de synthèse n’impliquait aucune collecte ni analyse de données primaires. Ma tâche consistait plutôt à déterminer les lacunes en matière de connaissances dans ce domaine et à trouver une réponse à partir des preuves scientifiques existantes dans la littérature. Ce fut un excellent exercice de réflexion critique. Il est également important de souligner qu’il s’agissait d’une revue assez large et que les données sont encore limitées pour certains types d’adversité précoce. Par exemple, une grande partie de ce que nous savons sur la privation affective provient de données émanant d’orphelinats roumains, qui constituent un contexte très précis. Il est donc difficile de les extrapoler. La prochaine étape consiste à approfondir les recherches primaires sur ce sujet afin de constituer une base de données plus solide et, éventuellement, effectuer une autre revue dans quelques années.
Félicitations pour votre admission au programme de doctorat en neurosciences de l’Université de Californie à San Francisco! Qu’est-ce qui vous a attirée dans ce programme?
Ce qui m’a attirée à l’Université de Californie à San Francisco, c’est la structure du programme d’études supérieures en neurosciences. Tout comme le programme intégré en neurosciences de l’Université McGill, la première année est constituée de stages dans différents laboratoires. Je n’ai pas de maîtrise et mon expérience en recherche se limite à mes études de premier cycle et à une année en tant que technicienne de laboratoire. Même si je pense être en mesure de prendre une décision éclairée sur ce que je veux faire, le fait d’effectuer des stages dans plusieurs laboratoires me permettra d’essayer différentes techniques, de découvrir plusieurs cultures de laboratoire et même de changer d’avis sur le sujet que je souhaite étudier. Ce format m’a vraiment séduite; j’ai donc postulé exclusivement à des programmes qui le proposaient.
En quoi votre passage à l’Université McGill vous a-t-il préparée à vos études supérieures?
Le programme de neurosciences de McGill est extraordinaire, car la recherche est intégrée au programme d’études. Dès le début, nos lectures ne comptaient pas seulement des manuels; nous avons aussi lu des articles de recherche fondamentale et actuelle, allant de projets pivots en neurosciences aux recherches menées par nos professeurs dans leurs propres laboratoires. Les examens nous incitaient souvent à réfléchir comme des chercheurs. Il existe une forte culture d’accueil et de formation des étudiants de premier cycle dans les laboratoires, ce qui m’a permis de faire mes premiers pas en recherche dès le début du programme. J’ai pu fréquenter différents laboratoires, essayer diverses techniques et découvrir ce que j’aimais et comment je voulais approfondir mes compétences pendant mes études supérieures. J’ai eu des mentors incroyables, tant parmi les professeurs que les étudiants aux cycles supérieurs, qui ont pris le temps, malgré leur horaire chargé, de me transmettre leur savoir et de m’épauler, tout en me laissant commettre mes propres erreurs. Même si chaque laboratoire était très différent, toutes les personnes que j’y ai rencontrées m’ont énormément inspirée et encouragée. Je ne pense pas que je serais ici aujourd’hui et que j’aurais cette passion pour la recherche si mes expériences dans ces laboratoires n’avaient pas été aussi positives. J’espère devenir un jour ce genre de mentore.
Comment s’est passée votre demande d’admission, en tant qu’étudiante canadienne, dans des établissements d’études supérieures aux États-Unis, en particulier pendant une période d’instabilité politique et de coupes budgétaires?
Cette année, la concurrence était féroce, car de nombreux programmes ont réduit leurs effectifs de 50 à 70 %. Comme c’est souvent le cas, les quotas d’étudiants internationaux ont été les premiers à être visés. J’ai été acceptée cette année, sans toutefois l’être l’année dernière. Avec le recul, je me rends compte de certaines de mes lacunes par rapport aux autres candidats que j’ai rencontrés lors des week-ends d’entretien. L’Université McGill est un établissement de recherche reconnu et un chef de file mondial en neurosciences, mais certaines ressources ne sont tout simplement pas accessibles aux étudiants de premier cycle. Les candidats américains venaient d’établissements qui investissent davantage dans l’expérience des étudiants de premier cycle; ils connaissaient donc mieux les attentes de ces programmes ainsi que leur évolution au fil des ans. Par exemple, au cours des années précédentes, les candidats n’avaient pas besoin d’avoir publié ou présenté des travaux lors de conférences pour être acceptés à un programme. Aujourd’hui, certains candidats ont jusqu’à trois publications à leur actif et ont participé à des conférences internationales. Je ne le savais pas avant de postuler. Afin de mieux préparer mon portfolio l’année dernière, j’ai saisi toutes les occasions qui se présentaient : conférences locales, bourses de recherche d’été, tout ce qui pouvait m’aider à acquérir de l’expérience et à enrichir mon portfolio. Lorsque j’ai finalement été acceptée, j’avais l’impression de rêver, mais j’avais aussi le sentiment d’avoir été reconnue à ma juste valeur. Ils ont vu quelque chose en moi, et j’aurai bientôt l’occasion de leur prouver qu’ils avaient raison!
À tous ceux qui sont actuellement dans la même situation, je leur dirais de ne pas se décourager s’ils ne sont pas acceptés du premier coup. Continuez à acquérir de l’expérience, cherchez des mentors et saisissez toutes les occasions qui se présentent. La recherche est une question de curiosité et de persévérance. Si vous aimez cette discipline, ça en vaut la peine.