Aux membres de la communauté mcgilloise,
Le vendredi 8 décembre, l’Université McGill a demandé l’autorisation d’en appeler du jugement rendu par la Cour supérieure du Québec le 20 novembre au sujet des conditions dans lesquelles les fouilles archéologiques doivent être réalisées sur le site de l’ancien Hôpital Royal Victoria (HRV). Notre décision d’interjeter appel n’a pas été prise à la légère et s’appuie sur notre conviction que le jugement renferme des erreurs de droit manifestes.
À ce jour, plus de cinq mois après le début de fouilles minutieuses, nous n’avons trouvé aucun signe de sépultures et les experts considèrent comme « possible mais peu probable », « peu probable » ou « impossible » la découverte de sépultures dans les zones visées par les recherches sur le site de l’ancien HRV.
Notre priorité demeure de veiller à ce que toutes les mesures nécessaires soient prises pour s’assurer qu'il n'y ait pas de tombes anonymes sur le site du projet Nouveau Vic (PNV).
Nous n’écartons toutefois pas la possibilité d’une telle découverte. Si des restes humains venaient à être découverts, les travaux seraient interrompus sur-le-champ et la zone en question serait traitée avec un soin et un respect extrêmes, en consultation avec les responsables autochtones et les autorités compétentes. Conformément à l’Entente de règlement conclue en avril (l’« Entente »), les parties demanderaient également conseil à un panel d’experts indépendant (le « Panel ») pour la suite des choses.
Clarification des faits
Au cours des deux dernières années, les médias et différentes campagnes d’information ont souvent brossé un portrait erroné du PNV. Les informations véhiculées sont en grande partie incomplètes ou trompeuses. Le moment est venu de remettre les pendules à l’heure.
En mars 2022, le groupe Kanien’keha:ka Kahnistensera (Mères mohawks) a intenté une poursuite contre l’Université McGill, la Société québécoise des infrastructures (SQI; organisme gouvernemental propriétaire du site de l’ancien HRV) et d’autres parties. Le groupe a notamment demandé une injonction interdisant la démolition ou la transformation des immeubles situés sur le site de l’ancien HRV, ainsi que tous travaux de construction ou d’excavation sur les lieux. La poursuite allègue la présence possible de sépultures anonymes d’Autochtones, incluant des personnes soumises aux expériences MK-Ultra menées dans les années 1950 et 1960 à l’Institut Allan Memorial voisin.
En octobre 2022, la Cour supérieure du Québec a accordé une injonction temporaire pour les travaux d’excavation sur le site de l’ancien HRV et a invité les parties à mettre au point un plan archéologique pour l’ensemble du site. En avril 2023, les parties sont parvenues à une Entente qui établit les conditions du déroulement des fouilles archéologiques sur les lieux.
L’Entente de règlement prévoyait la formation d’un Panel de trois archéologues chargé de déterminer les techniques archéologiques à utiliser pour la détection d’éventuelles sépultures anonymes dans différentes zones du site. Le Panel a également été appelé à recommander des spécialistes pour la mise en œuvre de ces techniques. L’Entente autorisait également la présence de moniteurs culturels pendant l’exécution des techniques archéologiques. Le Panel a présenté son rapport final le 17 juillet 2023. Conformément aux modalités expresses de l'Entente, McGill a adopté le point de vue que le Panel serait de nouveau consulté advenant une découverte inattendue à une date ultérieure.
Selon l’Entente de règlement, des travaux d’excavation peuvent être menés dans une zone donnée du site de l’ancien HRV tant que les techniques archéologiques recommandées aient été dûment complétées et qu’aucune sépulture anonyme n’y ait été découverte. L’Entente stipule également que ces travaux d’excavation doivent être « réalisées de façon respectueuse et faire l’objet d’une surveillance adéquate ». Ces conditions ont été respectées en tout temps et avec diligence. Il est essentiel de mentionner que l’Entente n’exige pas l’obtention du consentement de l’une ou l’autre des parties avant le début des travaux d’excavation, pourvu que ces conditions soient respectées.
Le PNV est construit dans la portion sud-est du site de l’ancien HRV, qui représente environ 15 % de l’ensemble du site. Dans son rapport final, le Panel d’archéologues a découpé le site du PNV en cinq (5) zones, deux d’entre elles ne nécessitant aucun recours à des techniques archéologiques, et trois d'entre elles n'exigeant qu'une surveillance archéologique pendant les travaux d'excavation en raison de la présence peu probable ou impossible de sépultures anonymes.
Vers la fin du mois d’août 2023, les demanderesses ont réclamé une intervention de la cour, alléguant que McGill et d’autres parties avaient contrevenu à l’esprit de l’Entente de règlement. Les demanderesses ont demandé l'arrêt des travaux dans certaines zones du site. Le 14 septembre, une audience d’urgence a été tenue quant à cette demande. Celle-ci a été rejetée par la cour le 18 septembre.
Le 27 octobre, la cour a de nouveau entendu toutes les parties au sujet de la violation présumée de l’Entente. Le juge a rendu sa décision le 20 novembre. Les conditions de la décision du 20 novembre resteront en vigueur jusqu’en mars 2024 mais leur application pourrait être prolongée. Le jugement ne comporte aucune nouvelle restriction au sujet des travaux d’excavation, de rénovation ou de construction sur le site de l’ancien HRV. Le jugement n'exige donc pas l'arrêt des travaux sur le site. Par ailleurs, le jugement a prolongé la participation et le rôle de surveillance du Panel. À la suite de cette décision, McGill et la SQI ont été en contact avec les demanderesses et les membres du Panel. Enfin, le jugement indique clairement que les conditions de l’Entente d’avril 2023 doivent rester en vigueur.
Dans ce contexte particulier, il est aisé de constater que le PNV comporte de nombreux aspects complexes et techniques qu’il faut bien comprendre, et certains malentendus et informations erronées ont circulé à son sujet. Il incombe à l’Université McGill de veiller dans la mesure du possible à ce que tout le monde comprenne bien les tenants et aboutissants du PNV. C’est pourquoi je tiens à clarifier quelques-uns de ces malentendus.
1. L’Université McGill et la Société québécoise des infrastructures auraient « congédié » le panel d’archéologues chargé de fournir des conseils sur les travaux d’excavation.
Le Panel avait pour mandat d’évaluer et de déterminer les techniques archéologiques à utiliser dans différentes zones du site au cours de la recherche de potentielles sépultures anonymes. Les recommandations du Panel quant à la détermination des techniques archéologiques devant être utilisées étaient exécutoires pour les parties. Le Panel devait également recommander des spécialistes pour la mise en œuvre de ces techniques archéologiques. L’Université McGill a collaboré avec le Panel dans le respect total des exigences stipulées à l’Entente.
Le mandat du Panel a pris fin le 17 juillet 2023, à la remise du rapport final renfermant la liste détaillée des techniques archéologiques à mettre en œuvre dans les différentes zones du site. L’Entente stipule également que les parties doivent consulter le Panel en cas de découverte inattendue en cours d’exécution des travaux.
2. L’Université McGill et la SQI chercheraient à devancer l’obtention de permis d’excavation.
Il est d’usage de demander à l’avance des permis d’excavation. Avant d’entreprendre des travaux d’excavation sur le site de l’ancien HRV, nous nous assurons toujours que le secteur visé est exempt de sépultures anonymes, conformément à l’Entente de règlement.
La firme responsable des travaux archéologiques a, elle aussi, demandé des permis pour l’exécution de tous les travaux recommandés par le panel d’experts, tel que requis par la Loi sur le patrimoine culturel du Québec. La délivrance de ces permis exige la consultation des élus autochtones et l’approbation du ministère de la Culture et des Communications.
3. Des chiens renifleurs auraient détecté la présence de restes humains.
Le 9 juin 2023, les maîtres-chiens ont fait état d’une alerte sur le site. Le Panel a alors recommandé le retrait mécanique de la couche de terre superficielle, puis le nettoyage manuel de la zone située dans un rayon de dix mètres du lieu ayant attiré l’attention des chiens. Ces travaux ont été dûment exécutés, et aucuns restes humains n’ont été mis au jour. L’archéologue a établi que les travaux de construction pouvaient débuter sous surveillance archéologique, conformément aux modalités de l’Entente.
De plus, les chiens renifleurs ont de nouveau sonné l’alerte le 5 novembre 2023 dans une nouvelle zone; un examen de la zone visée sera donc effectué au printemps 2024, en conformité avec les recommandations du Panel, lorsque les conditions météorologiques s’y prêteront.
Les experts s’accordent à dire qu’il importe de faire preuve de prudence en ce qui a trait aux résultats de l’utilisation de chiens détecteurs de restes humains sur des sites historiques. Comme l’a souligné le Panel lui-même, il existe un risque de faux positifs avec cette technique, et une étude a d’ailleurs enregistré des taux de faux positifs allant de 20 à 70 %.
4. En excavant le sol et en déplaçant des monticules de terre d’une zone vers une autre, puis en tamisant la terre au moyen de machines lourdes non adaptées à ce type de travail, l’Université McGill aurait détruit des preuves.
La firme chargée des fouilles archéologiques sur le site possède plus de quarante ans d’expérience dans ce type de travaux. Or, ses archéologues estiment que ces fouilles archéologiques n’exigent pas de passer le sol au crible manuellement. Malgré tout, soucieuses de ne négliger aucune précaution, l’Université McGill et la SQI ont décidé de faire tamiser le sol excavé dans la zone de l’alerte des chiens de juin 2023 au moyen d’un appareil conçu expressément pour le type de terre recouvrant le site. À notre connaissance, rien ne permet de croire que cette façon de faire nuit à la recherche de restes humains.
Au cours de ces travaux de tamisage, on a retrouvé plusieurs fragments d’os dans un secteur. Ces fragments d’os sont conservés dans les locaux sécurisés des spécialistes qui réalisent les techniques archéologiques sur le site. Ces spécialistes ont déterminé qu’il s’agissait de fragments d’os d’animaux et qu’il n’y avait aucune trace d’enterrement clandestin. Précisons que la découverte de fragments osseux d’origine animale est très fréquente lors de travaux d’excavation à visée archéologique. Les archéologues chargés de ces techniques estiment que la présence d'ossements d'animaux sur le site est compatible avec les activités historiques qui s'y sont déroulées. En particulier, les archéologues estiment que les fragments d’os sont le résultat de déchets de cuisine sur le site à une époque où il n'y avait pas de ramassage des ordures. Il est important de noter que le pavillon Hersey était le site d'une école de sciences infirmières où résidaient des personnes étudiantes. Maintenant terminé, le tamisage n’a permis la mise au jour d’aucun élément archéologique d’intérêt.
5. L’Entente de règlement stipulerait que les fouilles archéologiques doivent se dérouler sous direction autochtone.
L’Entente de règlement n’exige pas que les fouilles archéologiques se déroulent sous direction autochtone. Cela dit, une présence autochtone a été assurée tout au long des travaux, notamment pour permettre l'accès au site des moniteurs culturels pour la tenue des cérémonies appropriées.
L’Entente stipule que les travaux archéologiques doivent être réalisés par des professionnels qualifiés, nommés par l’Université McGill et la SQI. Deux des trois spécialistes ayant mené à bien les travaux archéologiques avaient été recommandés par le Panel, et le troisième possédait les compétences recommandées par le Panel.
6. L’Université McGill aurait financé la procédure judiciaire à même les sommes reçues de son effectif étudiant.
L’Université finance ses activités à même des revenus de sources diverses, notamment les droits de scolarité et les subventions du gouvernement du Québec. La demande en justice n’a pas été initiée par l’Université McGill. Cette dernière est plutôt la défenderesse. En participant comme il se doit à la procédure judiciaire, et en cherchant à en appeler de la décision, elle prend ses responsabilités et agit dans l’intérêt tant de l’Université que de l’effectif étudiant.
Un investissement porteur
Le PNV est le projet d’infrastructures le plus important entrepris à l’Université McGill depuis sa fondation, il y a plus de 200 ans. Ce projet viendra ajouter au campus du centre-ville 22 800 m2 (nets) d’espace d’enseignement et de recherche à la fine pointe de la technologie, dont l’Université a grand besoin. Le projet prévoit la rénovation d’édifices patrimoniaux situés au pied du mont Royal, qui faisaient autrefois partie de l’Hôpital Royal Victoria, et la construction de nouveaux immeubles. Nous pourrons ainsi combler une bonne partie de notre déficit d’espace qui, selon le ministère de l’Enseignement supérieur, totalise 55 396 m2 (nets).
Grâce à notre investissement dans le PNV, soutenu par le gouvernement du Québec à raison de plus de 620 millions de dollars, l’Université McGill disposera de lieux propices à la recherche et à l’enseignement concertés et novateurs, menés au carrefour de multiples disciplines. Elle pourra dès lors bonifier son apport à deux domaines dans lesquels elle se distingue à l’échelle mondiale : les sciences du développement durable et les politiques publiques. Ce n’est donc pas uniquement dans l’Université McGill que nous investissons, mais aussi dans notre avenir à tous et à toutes. Judicieusement fidèle à ces engagements, la conception primée des lieux repose sur des principes de construction durable, allie élégance et adaptabilité, et reflète la présence de longue date et l’influence actuelle des peuples autochtones, particulièrement les Haudenosaunee, sur ce territoire.
La conception du PNV répond aux engagements liés aux 52 appels à l’action de l’Université McGill, en particulier ceux qui visent à augmenter le nombre d’espaces d’enseignement adaptés aux cultures autochtones et d’espaces publics qui reflètent la culture visuelle et matérielle autochtone, certains de ses éléments reflétant la présence de longue date des peuples autochtones sur l’île de Montréal et l’influence qu’ils y exercent encore à ce jour. C’est d’ailleurs dans cet esprit que l’Université s’est engagée à nouer, dans des contextes divers, des partenariats respectueux avec les communautés autochtones de la région par l’entremise de leurs instances dirigeantes et de leurs membres.
Pour en apprendre davantage sur le Nouveau Vic, veuillez consulter le site Web du projet. Par ailleurs, vous trouverez ici une foire aux questions exhaustive au sujet des fouilles archéologiques.
Cordialement,
Christopher Manfredi
Provost et vice-recteur principal aux études