Une simple plateforme de messagerie texte aide les agriculteurs à adopter des méthodes plus écologiques

Une étude dirigée par l’Université McGill a montré que des agriculteurs qui échangeaient des messages textes avec leurs pairs étaient nettement plus enclins à adopter des pratiques agricoles durables. Cette découverte met en évidence la force de l’apprentissage entre pairs dans les formats numériques.
Aurélie Harou, professeure à l’Université McGill, est coauteure de cette étude, publiée dans le Journal of Development Economics. L’équipe s’est demandé si des groupes de discussion par messagerie texte pouvaient inciter des producteurs de maïs tanzaniens à adopter des pratiques agricoles bénéfiques pour la santé des sols, telles que la culture intercalaire de légumineuses ou la production de compost à partir de déchets agricoles.
« Les agriculteurs qui pouvaient communiquer par texto avec leurs pairs étaient de 15 à 18 % plus enclins à adopter les pratiques évoquées dans leurs échanges », précise Aurélie Harou, professeure adjointe à la Faculté des sciences de l’agriculture et de l’environnement. « Ainsi, on constate que les avantages de l’apprentissage entre pairs s’étendent au cadre numérique. »
En collaboration avec des partenaires de la Sokoine University of Agriculture, en Tanzanie, et de l’entreprise de technologie mobile Telerivet, les scientifiques ont créé une plateforme à faible coût appelée « ShambaChat » fonctionnant sur des téléphones cellulaires de base. L’équipe a mené un essai comparatif à répartition aléatoire auprès de 257 producteurs de maïs. Tous les participants ont reçu des messages textes sur les méthodes agricoles durables, mais seuls certains d’entre eux ont été placés dans des groupes de discussion de cinq personnes leur permettant de parler du contenu entre eux.
L’étude montre que les agriculteurs qui participaient à des discussions de groupe étaient nettement plus susceptibles d’adopter les pratiques recommandées que ceux qui recevaient seulement des textos. Parmi celles-ci figurait l’interculture du maïs avec des légumineuses, qui peut améliorer la fertilité des sols et limiter le recours aux engrais synthétiques. Les participants étaient également plus susceptibles de produire du compost à partir de matériaux agricoles.
Cependant, la participation aux groupes de discussion a diminué avec le temps.
« Notre étude souligne également l’importance de concevoir des plateformes axées sur les besoins, les habitudes et les capacités des agriculteurs, et permettant ainsi de maintenir leur intérêt », dit Aurélie Harou.
Selon les scientifiques, ces résultats offrent des pistes précieuses pour les organisations qui cherchent à améliorer la productivité agricole dans des contextes où les ressources sont limitées. Comme les téléphones cellulaires sont de plus en plus présents en milieu rural, les chercheurs estiment que les échanges numériques entre pairs pourraient être une solution économique pour le partage de connaissances agricoles, pourvu que l’on conçoive ces plateformes de manière à encourager la participation des agriculteurs.
Les chercheurs et chercheuses notent qu’il faudrait maintenant se demander comment maintenir la participation et élargir la portée de tels programmes. Pour l’instant, l’étude donne à penser que de simples outils d’échange de messages entre pairs peuvent jouer un rôle important pour aider les agriculteurs à adopter des pratiques régénératrices contribuant à la sécurité alimentaire à long terme et à la santé des sols.
L’étude
L’article « Peer learning and technology adoption in a digital farmer-to-farmer network », par Violet Lasdun, Aurélie Harou, Christopher Magomba et David Guerena, a été publié dans Journal of Development Economics.
La recherche a été financée par la subvention de développement Savoir 430-2018-1121 du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada.