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La dépendance au tabac serait génétique chez certains adolescents

Publié: 24 November 2004

Montréal — Une simple variation génétique pourrait accroître les probabilités qu'un adolescent devienne dépendant de la nicotine, selon une nouvelle recherche subventionnée par la Société canadienne du cancer. Les résultats de cette étude, la première du genre, sont publiés en ligne dans l'édition d'aujourd'hui de Tobacco Control.

« Ces nouvelles données viennent étayer la thèse selon laquelle la génétique jouerait un rôle dans la dépendance à la nicotine », déclare la Dre Jennifer O'Loughlin, chercheuse affiliée à la Société canadienne du cancer. « Nous avons observé que les adolescents présentant une certaine variation génétique étaient plus susceptibles de devenir dépendants de la nicotine même en ne fumant que très peu — ne serait-ce que deux ou trois cigarettes par jour. »

Dans le cadre de ses travaux auprès d'adolescents montréalais, la Dre O'Loughlin a constaté l'existence d'un lien entre la dépendance à la nicotine et une variation observable sur un gène particulier, appelé CYP2A6, qui contrôle la rapidité avec laquelle la nicotine est métabolisée. Une certaine variation du gène CYP2A6 ralentit le métabolisme de la nicotine, entraînant vraisemblablement une exposition prolongée du cerveau à la substance.

Les adolescents de l'étude qui présentaient la variation génétique en question se sont montrés davantage sujets à une dépendance à la nicotine; ils consommaient toutefois moins de cigarettes par semaine que les adolescents dont le gène CYP2A6 était normal. Les auteurs de l'étude pensent que des génotypes métaboliseurs plus lents ont pour effet de maintenir plus longtemps des concentrations élevées de nicotine dans le sang et que, par conséquent, ces individus n'éprouveraient pas le besoin de fumer autant de cigarettes que les autres.

« Nous savons que les tout premiers signes de la dépendance à la nicotine constituent un facteur clé dans la persistance du tabagisme chez les nouveaux fumeurs, qui deviendront par la suite des fumeurs invétérés », explique la Dre O'Loughlin, professeure au département d'épidémiologie, de biostatistique et de santé au travail de l'Université McGill. « Cela explique pourquoi une brève exposition aux produits du tabac à l'adolescence peut engendrer une dépendance à long terme chez certains jeunes. »

La Dre O'Loughlin suit un groupe de 1 200 adolescents montréalais depuis 1999 dans le cadre d'une étude échelonnée sur six ans afin d'étudier les facteurs de risque génétiques et environnementaux de la dépendance à la nicotine chez les jeunes.

Pour ce volet de l'étude, le gène CYP2A6 a été analysé à partir de l'ADN de prélèvements sanguins provenant de 281 participants. Tous les étudiants ayant fourni un échantillon de sang avaient déjà fumé la cigarette ou étaient des fumeurs. Les participants à l'étude devaient également remplir des questionnaires trimestriels mesurant leurs habitudes de consommation de cigarettes ainsi que leur degré de dépendance à la nicotine, incluant les symptômes de sevrage et l'état de manque. Dix-neuf pour cent des jeunes présentaient une version altérée du gène CYP2A6. Parmi les étudiants dont le métabolisme de la nicotine était le plus lent, le risque de développer une tabacomanie était trois fois plus élevé que chez ceux dont le métabolisme était normal.

L'an dernier, la Dre O'Loughlin avait publié des résultats montrant que des adolescents sous étude n'ayant fumé qu'une ou deux fois seulement faisaient déjà état de symptômes de dépendance à la nicotine.

« Cette nouvelle étude s'ajoute à ce que nous savons déjà des motivations sociales et psychologiques qui poussent les jeunes à fumer », déclare Cheryl Moyer, directrice des programmes de lutte contre le cancer de la Société canadienne du cancer. « Elle met en lumière l'importance de la prévention à la source, c'est-à-dire avant même l'expérimentation de la première cigarette, pour la réussite de notre combat contre le tabagisme. Elle ouvre en outre de nouvelles perspectives pour la mise en œuvre de programmes de cessation plus efficaces, adaptés aux besoins et au degré de dépendance de chaque personne. »

Au Canada, le tabagisme est la plus importante cause de maladie, d'invalidité et de mortalité évitables. À lui seul, le tabagisme entraîne plus de 47 500 décès chaque année au pays. La cigarette est responsable d'environ 30 % de tous les cas de cancer au Canada et de plus de 85 % des cas de cancer du poumon.

Selon les plus récentes données de l'Enquête de surveillance de l'usage du tabac au Canada, 12 % des jeunes âgés de 15 à 19 ans se décrivent comme étant des fumeurs quotidiens et 17 % disent fumer à l'occasion. On constate un taux de prévalence du tabagisme légèrement plus élevé chez les filles que chez les garçons (20 % contre 17 %); toutefois, chez les fumeurs quotidiens, les garçons consomment un peu plus de cigarettes par jour (13) que les filles (11,7).

La Société canadienne du cancer est un organisme bénévole national, à caractère communautaire, dont la mission est l'éradication du cancer et l'amélioration de la qualité de vie des personnes touchées par le cancer. Pour en savoir plus sur le cancer, visitez le site web ou appelez le Service d'information sur le cancer, un service gratuit et bilingue, au 1 888 939-3333.

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