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Vaccin antituberculeux à 80 ans

Publié: 27 May 1999

[Les journalistes qui désirent en savoir plus sur la résistance des êtres humains à la tuberculose sont invités à s’adresser au Dr Emil Skamene, directeur scientifique du Centre universitaire de santé de McGill : (514) 934-8038; email: md88 [at] musica.mcgill.ca et ceux qui voudraient se renseigner sur les aspects génétiques des maladies peuvent s’adresser au Dr Thomas Hudson (qui parle français) directeur adjoint du Center for Genome Research de l’Institut Whitehead du MIT, directeur du Centre génomique de Montréal et professeur adjoint aux départements de médecine et de génétique humaine de l’Université McGill; (514) 937-6011, poste 2456; email: thudson [at] genome.wi.mit.edu. Enfin les journalistes qui désirent une copie de l’article de Science sont priés de s’adresser à Anne-Marie Bourdouxhe, relationniste principale, Université McGill.]

Le vaccin anti-tuberculeux a presque 80 ans et commence à donner des signes de vieillesse. L’efficacité de ce pilier de la campagne mondiale contre la tuberculose a en effet beaucoup diminué et des chercheurs des universités McGill et Stanford ont découvert une explication possible à ce phénomène: les bactéries utilisées pour fabriquer le vaccin se seraient délestées d’une partie de leurs gènes. Cette découverte pourrait être utile à la conception d’un vaccin amélioré et d’un test de diagnostic plus précis.

Le vaccin anti-tuberculeux, connu sous le nom de BCG, est l’un des vaccins les plus largement administrés dans le monde. Près de un milliard de personnes ont déjà été vaccinées par le BCG et 100 millions le sont chaque année. «Le vaccin est administré à tous les nouveau-nés des pays en développement» , précise Marcel A. Behr, médecin et principal auteur de l’étude dont les résultats sont publiés dans le numéro du 28 mai de Science. «Nous savons au moins que ce vaccin est sûr. L’ennui, c’est que nous ignorons s’il est vraiment efficace.» Le docteur Marcel Behr, professeur adjoint, spécialiste des maladies infectieuses et de microbiologie médicale à l’Université McGill de Montréal, était chercheur post-doctoral à Stanford lorsqu’il a mené ces recherches.

Le BCG ou bacille de Calmette-Guérin, contient des bactéries vivantes qui, une fois inoculées dans l’organisme, secrètent des antigènes protecteurs sans avoir d’effets pathologiques. Les chercheurs de l’Institut Pasteur de Paris ont conçu ce vaccin au début du siècle à partir d’une souche virulente de Mycobacterium bovis, responsable de la tuberculose des bovidés, et très comparable à celle de la tuberculose humaine Mycobacterium tuberculosis. Les chercheurs français ont entretenu cette souche de M. bovis par passages successifs sur des milieux de culture, jusqu’à ce que la virulence de la bactérie soit atténuée et devienne non pathogène, sans pour autant lui faire perdre sa ressemblance avec Mycobacterium tuberculosis.

«Mycobacterium bovis est, pour le système immunitaire, le sosie de Mycobacterium tuberculosis. Les premières versions du vaccin devaient vraisemblablement stimuler adéquatement le système immunitaire pour l’amener à sécréter des antigènes protecteurs contre la tuberculose» souligne Peter M. Small, médecin et professeur adjoint de médecine à la faculté de médecine de l’Université de Stanford, l’un des collaborateurs du docteur Behr. «Le vaccin a toutefois diminué d’efficacité au fil des ans,» précise-t-il.

Small, Behr et leurs collègues ont donc pensé que des changements génétiques dans la bactérie utilisée pour la fabrication du BCG étaient à l’origine de cet affaiblissement. Pour vérifier leur hypothèse, Suite p. 2 la disparition de certains gènes est peut-être à l’origine d’une diminution de l’efficacité du vaccin anti-tuberculeux. p. 2 ils ont employé une nouvelle technique, celle des micro-filtres à haute densité d’ADN, qui autorisent l’analyse rapide du génome d’un organisme donné.

Les chercheurs ont ainsi découvert que la bactérie utilisée pour la fabrication du BCG comptait 38 gènes de moins que les souches sauvages de Mycobacterium bovis. Ces gènes avaient selon toute vraisemblance disparu à l’issue de mutations naturelles depuis que Mycobacterium bovis avait été utilisé pour la première fois en laboratoire pour la fabrication du vaccin.

«Privée d’un si grand nombre de gènes, cette bactérie ne peut probablement pas survivre en dehors d’un laboratoire,» souligne le docteur Small. « Par contre, rien ne l’empêche de croître en laboratoire» , précise-t-il. «Tous ses besoins étant satisfaits, elle peut survivre sans les gènes qui lui étaient autrefois indispensables.»

Dès lors qu’une certaine douceur de vivre prive la bactérie de son aptitude à survivre dans le corps humain, elle ne peut plus stimuler le système immunitaire. «Nous avons donc pris les mutants qui avaient été en laboratoire pour les injecter dans l’organisme d’êtres humains» , poursuit le docteur Small. «Je pense que la bactérie meurt tellement vite qu’il lui est impossible de déclencher la moindre réponse immunitaire.»

Le docteur Small pense que l’affaiblissement progressif du vaccin remonte à son lancement au début des années 1920. Avant l’invention des techniques de dessiccation des bactéries au début des années 1960, le seul moyen de continuer de produire le vaccin consistait à conserver la bactérie en laboratoire. Le vaccin a connu tant de passages successifs qu’il s’est considérablement affaibli. «En gros, disons que le BCG est un vaccin qui a été atténué au point de devenir complètement impuissant» , déclare le docteur Small.

« En sachant ce qu’il manque au BCG, les chercheurs pourront concevoir un meilleur vaccin contre la tuberculose. La première application des résultats de cette recherche se traduira vraisemblablement par la mise au point d’un test plus précis de diagnostic de la tuberculose» , souligne le docteur Small. Le BCG stimule une réaction positive dans la plupart des tests communément employés pour diagnostiquer la tuberculose, ou test PPD. D’où la difficulté de faire la différence entre les personnes infectées par la tuberculose et celles qui ont tout simplement été vaccinées contre cette maladie.

Lorsque les chercheurs ont comparé les gènes de Mycobacterium tuberculosis à ceux de Mycobacterium bovis, ils se sont toutefois aperçus que Mycobacterium tuberculosis comptait 91 gènes qui n’existaient pas chez son homologue animal. Les produits de ces gènes peuvent être synthétisés et incorporés à un test diagnostique capable de ne reconnaître que l’infection par la tuberculose.

Pourquoi des millions de personnes sont-elles donc vaccinées avec un vaccin vraisemblablement inutile? « Certaines études ont démontré que ce vaccin était utile, aussi est-il toujours délicat de supprimer quelque chose de bénéfique» , précise le docteur Behr. Il ajoute que le vaccin semble protéger les enfants contre certaines formes de tuberculose infantile (tuberculose à méningite et tuberculose miliaire). Il ne semble pas agir contre la forme adulte de la maladie, qui s’attaque essentiellement aux poumons. «Le BCG n’est pas administré aux États-Unis et ne l’est qu’aux populations à haut risque au Canada» , précise Marcel Behr.

Les co-auteurs de l’article des docteurs Behr et Small, tous en poste à Stanford, sont les personnes suivantes : Gary K. Schoolnik, médecin et professeur de médecine, Hugh Salamon, Ph.D. et chercheur post-doctoral, Wendy P. Gill, étudiante de médecine, Michael A. Wilson, étudiant de 2e/3e cycle et Sangita Rane, technicienne.

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