Un nouveau cadre économique pour protéger l'environnement
Il ne suffit pas de créer des réserves écotouristiques, de dépolluer des bassins hydrographiques et dadopter des règlements sur les émissions de gaz déchappement. Si les Nord-Américains tiennent à léguer une planète en bonne santé aux générations futures, il leur faudra repenser leur façon de faire des affaires. Dans son nouveau livre intitulé Ethics, Economics and International Relations: Transparent Sovereignty in the Commonwealth of Life (Edinburgh University Press), Peter G. Brown, professeur à lUniversité McGill, propose la mise en place dun système économique plus global où la protection de lenvironnement figure au rang des résultats essentiels des entreprises.
Peter Brown donne à ce système le nom de Stewardship Economics (Économie responsable). Dans son livre, il soutient que les pays capitalistes comme le Canada et les États-Unis doivent reconstruire leur économie afin de restaurer, de protéger et de mettre en valeur toutes les espèces, et non seulement lespèce humaine.
"Lhomme est un instrument de changement, de léchelle microscopique à léchelle planétaire, et son activité affecte tout autant le sang qui circule dans ses veines, que la forme des montagnes et le cours des rivières", précise le directeur de lÉcole denvironnement de McGill. "Nous nous déchargeons actuellement dune foule de problèmes environnementaux sur dautres pays, dautres espèces et dautres générations. Des forêts tropicales sont abattues pour faire place à des bovins parce que nous mangeons des hamburgers. Nos autoroutes engorgées de véhicules loisir-travail nuisent à la santé et à la reproduction des ours polaires du Grand Nord et au bien-être des futures générations dêtres humains."
Le modèle déconomie responsable de Peter Brown repose sur cinq principes directeurs :
1. QUELLE FIN LÉCONOMIE DOIT-ELLE SERVIR? Le but de léconomie est de restaurer, de protéger et de mettre en valeur ce que Peter Brown appelle "le commonwealth de la vie". La recherche du plein emploi et de la stabilité des prix ne doit pas être le seul but de léconomie, qui doit également respecter le vivant. À cet égard, Brown propose des indicateurs plus globaux de lactivité économique que le produit national brut. Selon lui, le PNB a pour défaut de mesurer la croissance, sans en mesurer limpact. Dans son modèle économique, les nouveaux indicateurs tiennent compte de la quantité de vie quil faut échanger pour créer et vendre un produit.
2. QUELLE DOIT ÊTRE LIMPORTANCE DE LÉCONOMIE? Les Nord-Américains doivent se rendre compte que léconomie a ses limites et que la quantité de gaz carbonique qui peut être rejetée dans latmosphère sans déstabiliser le climat nest pas infinie.
3. DE COMBIEN DE RICHESSES DOIT-ON SE CONTENTER? Peter Brown évoque le concept de richesse légitime et illégitime et soutient que la richesse globale dune société doit être considérée comme "illégitimement insuffisante" lorsquelle ne permet pas de pourvoir aux besoins essentiels de tous les citoyens, et "illégitimement excessive" lorsquelle affecte la capacité des espèces non humaines de sépanouir.
4. QUEN EST-IL DES DÉCHETS? Brown croit que les procédés industriels doivent être évalués à la lumière de leurs effets sur le commonwealth de la vie. Il faut empêcher laccumulation des sous-produits de lactivité industrielle dans les tissus dorganismes vivants, à moins quil ne soit établi que ces substances sont inoffensives.
5. LÉCONOMIE EST-ELLE TROP IMPORTANTE POUR ÊTRE CONFIÉE AUX SEULS ÉCONOMISTES? Peter Brown soutient que nous ne parvenons pas à nous doter des institutions dont nous avons besoin pour stabiliser les monnaies, promouvoir lemploi, protéger les autres espèces et mettre en place les infrastructures publiques capables de préserver la santé de notre société et de notre planète. "Les principales théories économiques mettent laccent sur les échanges, plutôt que sur les institutions nécessaires à la santé de la planète", affirme-t-il.
Notre incapacité à répondre efficacement à ce genre de questions, affirme Peter Brown, sest soldée par "léchec général de nos politiques et un état de perplexité morale".
Peter G. Brown a été nommé directeur de lÉcole denvironnement de McGill en 1998. LÉcole denvironnement a été créée par les facultés des sciences de lagriculture et de lenvironnement, des arts et des sciences pour dispenser une formation de premier cycle fondée sur une approche originale. Comme le précise Peter Brown, les problèmes environnementaux peuvent rarement être résolus par les spécialistes dune seule discipline. Le programme de McGill prépare les étudiants à envisager les problèmes environnementaux et les moyens de les résoudre à la lumière de toutes les disciplines pertinentes. "À leur arrivée, les étudiants sont animés par un désir; nous leur inculquons la volonté de travailler en vue dun changement fondamental", précise Peter Brown.
Peter Brown a auparavant créé lInstitut de philosophie et de politique gouvernementale, les programmes de politique environnementale et lÉcole daffaires publiques de lUniversité du Maryland. Il a enseigné à lUniversité Princeton, à lUniversité de Washington et au St. Johns College dAnnapolis (Maryland). Il est titulaire dun doctorat en philosophie de lUniversité Columbia, dune maîtrise du Union Theological Seminary et de lUniversité Columbia et dun BA du Collège dHaverford.
