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Un médicament contre la schizophrénie inhibe le cancer du pancréas

Une étude chez la souris montre un ralentissement de la croissance et de la propagation des tumeurs
Publié: 7 September 2016

Un récepteur de la dopamine – un neurotransmetteur – favorise la croissance et la propagation du cancer du pancréas. Or, des médicaments contre la schizophrénie bloquant ce récepteur ont ralenti la croissance des tumeurs et la propagation métastatique chez des souris, ont constaté des chercheurs de l’Université McGill et du Centre allemand de recherche sur le cancer.

Le cancer du pancréas est une maladie évoluant extrêmement rapidement et dont le pronostic est très sombre. « Alors que le taux de survie à cinq ans de l’ensemble des patients atteints de cancer est de 63 %, celui des patients atteints de cancer du pancréas n’est que de 5 % environ et est demeuré à peu près inchangé au cours des trois dernières décennies », indique Yasser Riazalhosseini, professeur de génétique humaine à l’Université McGill et auteur-ressource de la nouvelle étude publiée dans la revue Gastroenterology.

« Les tumeurs ne causent pas de signes ou de symptômes pendant une longue période et sont donc diagnostiquées tardivement », affirme Jörg Hoheisel, du Centre allemand de recherche sur le cancer (Deutsches Krebsforschungszentrum, ou DKFZ) situé à Heidelberg, qui a codirigé l’étude avec le Pr Riazalhosseini. « De plus, la tumeur étant biologiquement très agressive, le cancer commence tôt à produire des métastases. De surcroît, le cancer du pancréas devient vite résistant aux médicaments existants employés en chimiothérapie. »

Avec leurs collègues de Heidelberg, de Tübingen, de Liverpool et de Vérone, les chercheurs de McGill et du DKFZ ont réalisé une analyse à grande échelle des activités géniques observables dans 195 cas de cancer du pancréas. « Nous avons utilisé des approches de bioinformatique et de biologie quantitative que nous avons mises au point afin de trouver les gènes qui pourraient jouer un rôle central dans plusieurs voies de signalisation liées au cancer du pancréas. Nous avons ainsi constaté que le gène codant pour le récepteur DRD2 de la dopamine était significativement plus actif dans les cellules cancéreuses que dans les cellules pancréatiques saines », a expliqué le Pr Riazalhosseini, qui est aussi chef de la génomique des cancers au Centre d’innovation Génome Québec – Université McGill. « De plus, le taux de protéine DRD2 était quatre fois plus élevé dans les cellules cancéreuses que dans les cellules saines. »

Le blocage du récepteur de la dopamine inhibe la croissance tumorale

Le récepteur de la dopamine assure la médiation des effets de la dopamine, substance chimique du cerveau qui accroît la motivation et l’énergie. Comment une protéine réceptrice, connue essentiellement des cliniciens pour son implication dans la schizophrénie et les troubles psychotiques, peut-elle influer sur les caractéristiques malignes des cellules cancéreuses? Les chercheurs se sont employés à répondre à cette question au moyen de lignées de cellules pancréatiques cancéreuses dans lesquelles ils avaient inactivé le gène DRD2 . Ils ont observé que ces cellules croissaient, en effet, plus lentement et qu’elles formaient des tumeurs plus petites après leur transfert à des souris.

DRD2, molécule importante dans la schizophrénie, est la cible de nombreux agents psychopharmaceutiques. Des médicaments qui la bloquent (appelés antagonistes de la dopamine) sont offerts sur le marché depuis les années 1950. Parmi eux, on trouve le pimozide et l’halopéridol, deux antipsychotiques souvent prescrits pour traiter la schizophrénie. Au moyen de ces agents, les chercheurs sont parvenus à ralentir la croissance et à diminuer la mobilité de lignées de cellules pancréatiques cancéreuses, et ce, de manière considérable.

Les chercheurs ont transféré les cellules pancréatiques cancéreuses humaines à des souris et ont attendu qu’elles forment des tumeurs. Après avoir traité les animaux au moyen d’halopéridol, ils ont observé que les tumeurs étaient plus petites et, surtout, que les métastases étaient moins nombreuses chez les animaux traités que chez les animaux non traités.

Cette étude est le fruit d’un effort international et multidisciplinaire appuyé par des experts en oncologie, en génomique, en bioinformatique ainsi qu’en biologie cellulaire, moléculaire et animale. « Le fait que nous ayons obtenu des résultats prometteurs pour le traitement du cancer pancréatique avec des médicaments inhibant DRD2 déjà établis se traduira par un passage plus rapide de la recherche à la clinique grâce à une stratégie de repositionnement de ces médicaments », a indiqué le Pr Riazalhosseini. « La première étape de cette stratégie consiste à examiner l’efficacité de différentes doses d’inhibiteurs de DRD2 dans différents modèles animaux, après quoi nous pourrons passer aux patients. »  

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Les travaux ont été financés par le ministère fédéral allemand de l'Éducation et de la Recherche, la Fondation de Heidelberg pour la chirurgie, la Plateforme européenne intégrée de recherche sur le cancer du pancréas, les Instituts de recherche en santé du Canada, le ministère de l’Économie, de l’Innovation et de l’Exportation du Québec, le Programme des chaires de recherche du Canada, l’Association italienne de la recherche sur le cancer, le Projet italien sur la génomique du cancer et le Fonds de recherche du Québec – Santé (FRQS).

L’article « Expression of DRD2 is Increased in Human Pancreatic Ductal Adenocarcinoma and Inhibitors Slow Tumor Growth in Mice », par Pouria Jandaghi, Hamed S. Najafabadi, Andrea S. Bauer, Andreas I. Papadakis, Matteo Fassan, Anita Hall, Anie Monast, Magnus von Knebel Doeberitz, John P. Neoptolemos, Eithne Costello, William Greenhalf, Aldo Scarpa, Bence Sipos, Daniel Auld, Mark Lathrop, Morag Park, Markus W. Büchler, Oliver Strobel, Thilo Hackert, Nathalia A. Giese, George Zogopoulos, Veena Sangwan, Sidong Huang, Yasser Riazalhosseini et Jörg D. Hoheisel, a été publié en ligne dans la revue Gastroenterology le 28 août 2016.
DOI: 10.1053/j.gastro.2016.08.040
http://www.gastrojournal.org/article/S0016-5085(16)34982-4/abstract

 [JF1]Chris, the use of italics here is not a mistake. The names of genes should always be italicized in French. And from what I can see here http://www.biosciencewriters.com/Guidelines-for-Formatting-Gene-and-Prot..., this rule applies in English as well.

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