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Traitements et vaccins contre la COVID-19 : éloge de la rigueur

Selon des éthiciens, les crises ne justifient en rien le manque de rigueur en recherche clinique
Publié: 23 April 2020

Des éthiciens des universités Carnegie-Mellon et McGill exhortent les chercheurs du monde entier à résister à l’envie de déroger exceptionnellement aux normes rigoureuses régissant la recherche sous prétexte que l’on doit de toute urgence trouver des traitements et des vaccins contre la COVID-19. Dans leur article, publié en ligne récemment dans Science, les auteurs formulent des recommandations sur la conduite d’essais cliniques en temps de crise.

« Bon nombre des études parues depuis le début de la pandémie sont mal conçues ou mal étayées, ou alors leurs résultats sont biaisés. Le déluge d’études enregistrées fait craindre le double emploi et la concentration des ressources sur des stratégies qui ont fait l’objet d’une attention médiatique démesurée. Dans ces circonstances, le risque que les résultats favorables soient le simple fruit du hasard est plus grand », préviennent les auteurs, Alex John London et Jonathan Kimmelman.

« En temps de crise, les enjeux logistiques et pratiques sont grands, mais le devoir moral et la mission du chercheur demeurent les mêmes : réduire l’incertitude et donner aux soignants, aux réseaux de soins de santé de même qu’aux décideurs les moyens de veiller sur la santé individuelle et collective. »

La pandémie ne fait qu’amplifier les lacunes

Devant la grande quantité d’essais cliniques enregistrés sur ClinicalTrials.gov. – ils se comptent actuellement par centaines – Alex John London, professeur titulaire de la Chaire Clara‑L.‑West en éthique et en philosophie et directeur du Centre d’éthique et de politiques à l’Université Carnegie‑Mellon, et Jonathan Kimmelman, professeur titulaire d’une chaire James‑McGill et directeur de l’Unité d’éthique biomédicale à l’Université McGill, y vont d’une mise en garde : l’urgence ne justifie pas le relâchement des normes scientifiques. La pandémie semble amplifier de nombreuses lacunes déjà présentes dans la conduite de la recherche médicale, avancent-ils.

« Toutes les crises sont exceptionnelles dans la mesure où chacune amène son lot d’enjeux pour la santé et le bien-être des populations. Mais lorsqu’on invoque ces exceptions pour justifier une entorse aux normes d’évaluation des médicaments et des vaccins, on fait fausse route. Loin de légitimer la médiocrité en recherche, l’urgence pandémique et les pénuries qu’elle engendre font reposer une responsabilité encore plus lourde sur les épaules des grands acteurs de la recherche, qui doivent se concerter pour être à la hauteur de leur mission. »

Recommandations sur la conduite d’essais cliniques

Dans leur article, les éthiciens formulent des recommandations à l’intention de ces divers acteurs de la recherche clinique.

  • Les commanditaires, les consortiums de recherche et les organismes sanitaires doivent prioriser les protocoles d’essai prévoyant l’évaluation simultanée de multiples traitements à l’intérieur d’un même cadre statistique.
     
  • Les cliniciens doivent se joindre à de vastes études bien orchestrées et résister à l’envie de mener des essais à petite échelle, sans groupe témoin. En outre, ils doivent se garder de recourir à des interventions non validées et non conformes, car ils risquent ainsi de nuire au recrutement de sujets pour la réalisation d’essais cliniques.
     
  • Les organismes de réglementation et la santé publique doivent prendre les choses en main en répertoriant les études rigoureuses et en favorisant la collaboration entre un nombre suffisant d’établissements pour faciliter le recrutement et l’obtention rapide de résultats. Par ailleurs, au lieu de recommander au grand public des interventions dont le bien-fondé clinique n’a pas été établi, les autorités sanitaires peuvent diriger les parties intéressées vers des essais pertinents et fixer des niveaux de recrutement afin de favoriser la progression d’essais de grande qualité.

 

« Il y aura toujours une part d’incertitude en médecine, soulignent les auteurs, mais la rigueur en recherche reste sans doute la meilleure façon d’élucider les liens de cause à effet qui guident les cliniciens dans la prise de décisions lourdes de conséquences pour leurs patients et les réseaux de soins de santé. »

 

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DOI: 10.1126/science.abc1731

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