Moderna : la filière mcgilloise

Noubar Afeyan, cofondateur de Moderna, et Hamilton Bennett, une haute gestionnaire chez Moderna, sont tous deux diplômés de McGill. Et ils sont aujourd’hui des chefs de file dans la lutte mondiale contre la COVID-19.

Lorsque la nouvelle tant attendue est arrivée, Noubar Afeyan s’est d’abord dit qu’elle était probablement mauvaise.

« C’était un dimanche matin et j’étais à la maison avec ma femme » se remémore Noubar Afeyan (B. Ing. 1983), cofondateur et président de Moderna. Les résultats des essais cliniques de phase III sur le vaccin de Moderna contre la COVID-19 avaient été soumis à un comité indépendant de surveillance des données et de la sécurité. En raison de la méthode à double insu, ni Noubar Afeyan ni ses collègues de Moderna ne savaient à quoi s’attendre. Il allait bientôt en avoir le cœur net.

« Je m’attendais à avoir des nouvelles en fin d’après-midi, mais le verdict est tombé un peu plus tôt que prévu et ça m’a pris par surprise. J’avais toujours cru que les mauvaises nouvelles arrivaient plus vite que les bonnes. »

Or, il se trouve que les nouvelles étaient plutôt bonnes. En fait, c’était exactement ce que Noubar Afeyan espérait entendre. Et c’était exactement ce que des millions de personnes de par le monde espéraient entendre. Le vaccin de Moderna était efficace. Et son taux d’efficacité dépassait 94 pour cent.

« Dès ce moment, nous savions que nous allions entrer dans une nouvelle phase du processus, nous confie-t-il. Nous allions fabriquer des centaines de millions de doses de notre vaccin. » Le monde était sur le point de vivre une grande première grâce à ce vaccin et aux autres vaccins contre la COVID-19.

« Jamais un produit issu de la biotechnologie ne s’est retrouvé dans autant d’êtres humains » en si peu de temps, fait observer Noubar Afeyan. Même un médicament aussi commun que l’aspirine ne s’est probablement jamais retrouvé dans des milliards d’êtres humains simultanément. C’est complètement inédit dans le monde pharmaceutique. Avec un peu de chance, 95 %, voire 100 %, des habitants de la planète profiteront de cette nouvelle technologie. »

La mise sur pied d’entreprises novatrices, c’est la spécialité de Noubar Afeyan. En effet, il est fondateur et directeur général de Flagship Pioneering, entreprise à l’origine de Moderna et dont la mission est, justement, de créer des entreprises en appliquant une formule savamment mise au point. Et on parle ici d’un type d’entreprise bien particulier.

L’audace, toujours l’audace

Plus tôt cette année, lors d’une causerie organisée conjointement par le Centre McGill Engine et le Centre Dobson pour l’entrepreneuriat de l’Université McGill, Noubar Afeyan a décrit le type d’entreprise que ses collègues de Flagship et lui-même cherchent à créer. Ce sont des entreprises qui « nous permettent de réaliser de grandes percées, plutôt que d’avancer peu à peu sur la voie du possible. »

En gros, voilà comment ça fonctionne : on prend une idée novatrice, quelque chose qui sort de l’ordinaire, et on la met rigoureusement à l’épreuve pour voir si elle est réalisable. Sur le site de Flagship, on peut lire que chaque année, l’entreprise évalue soigneusement 80 à 100 de ces idées qui sortent des sentiers battus. Les plus prometteuses, celles qui semblent réalisables, forment le socle d’une nouvelle entreprise que Flagship propulsera sur la voie de la réussite en la dotant d’une équipe de direction et d’un conseil d’administration, et en l’aidant à trouver du financement.

Selon Noubar Afeyan, ces entreprises reposent sur un heureux mélange d’audace (une démarche ou une technologie résolument avant-gardiste) et de rigueur (des dirigeants compétents qui ont, dès le départ, toutes les ressources dont ils ont besoin pour réussir). Flagship s’est vu octroyer au-delà de 2 500 brevets dans le monde et a lancé plus de 100 entreprises. Trente-trois sont actuellement en activité, dont Moderna.

Sur son site Web, Flagship présente chacune de ses entreprises au moyen d’une question « Et si…? » qui expose le germe à l’origine de sa création. Pour Moderna, la question était la suivante : « Et si… nous pouvions ordonner aux cellules d’un patient de produire des protéines capables de prévenir ou de traiter des maladies? »

Pour transmettre cette instruction, Moderna compte sur l’ARN messager (ARNm). En gros, l’ARNm est un genre de cadre intermédiaire d’importance cruciale : il transmet les instructions de l’ADN aux cellules qui fabriquent les protéines en jeu dans tous les processus se déroulant dans l’organisme. Ainsi, le vaccin à ARNm contre la COVID-19 ordonne aux cellules de synthétiser les protéines qui mobiliseront nos défenses immunitaires si le coronavirus s’immisce dans notre organisme, ce qui nous mettra à l’abri des symptômes graves de la maladie.

« Selon moi, la technologie de l’ARN messager pourrait servir à la mise au point de dizaines de vaccins et de médicaments, dit Noubar Afeyan. Nous peaufinions notre plateforme depuis des années, et sa mise en service a eu lieu au moment même où la pandémie a frappé. »

En classe en quatre minutes

Dans une entrevue accordée récemment à la chaîne MSNBC, Noubar Afeyan a souligné que lors de l’arrivée de la pandémie, Moderna collaborait déjà avec les National Institutes of Health des États-Unis à un vaccin contre le syndrome respiratoire du Moyen-Orient, le SRMO, causé lui aussi par un coronavirus. « Ça nous a permis de nous lancer très rapidement », précise-t-il.

Noubar Afeyan a passé une bonne partie de son enfance à Montréal, sa famille ayant quitté le Liban en 1975, pendant la guerre civile. D’ailleurs, cette famille a côtoyé le danger plus souvent qu’à son tour. Ainsi, son père s’est installé au Liban après avoir fui le communisme en Bulgarie, et son grand-père était un survivant du génocide arménien.

Le jeune Noubar a étudié en génie chimique à l’Université McGill. Pendant son baccalauréat, les déplacements entre le domicile et l’Université étaient assez rapides : sa famille habitait Le Cartier, immeuble d’appartements situé à l’angle des rues Peel et Sherbrooke. « La Bibliothèque [McLennan] était littéralement de l’autre côté de la rue. Notre appartement était plus près de l’Université que les résidences étudiantes. Je pouvais être en classe à peu près quatre minutes après m’être tiré du lit. »

Il pratiquait alors de nombreux sports : ballon sur glace, football drapeau, football et basketball. « En génie, la compétition entre les départements était forte dans ces sports-là, et tous s’arrachaient les victoires [lors des divers championnats], se rappelle-t-il. Je m’occupais aussi du bulletin des étudiants en génie chimique. Comme j’habitais à deux pas du campus, je participais à un tas d’activités. »

« Une des choses qui me plaisait beaucoup à la Faculté de génie de McGill, c’est la présence de nombreux praticiens dans le corps professoral, et non seulement de théoriciens. Ces gens-là étaient dans la réalité des choses, et le génie appliqué, ça m’intéressait au plus haut point. J’ai eu Michael Avedesian comme professeur. À l’époque, il était chef de la R et D chez Domtar. »

Pendant ses études, Noubar a décroché des emplois d’été en génie, dont un chez Dow, multinationale de la chimie.

« Ça m’a permis de voir de mes propres yeux ce que faisaient les véritables ingénieurs, mais ça m’a également convaincu que je ne voulais pas travailler dans un domaine qui accusait déjà un retard de 50 à 60 ans en innovation, nous confie-t-il. « Ça m’a forcé à me demander où était, justement, cette innovation à l’époque. » Pour ses études supérieures, son choix s’est porté sur une discipline encore toute jeune, le génie biochimique, et il a fait une demande au MIT.

Le MIT est d’ailleurs la seule université où il a envoyé une demande d’admission.

« En y repensant, je me demande où j’avais la tête. Je n’ai fait qu’une seule demande, et c’est au MIT; c’était de la pure folie, mais je ne m’en rendais pas compte à ce moment-là. Le fait est que lorsqu’on est un immigrant – et ça, les gens ne le savent pas – il y a des tas de choses qu’on ignore, tout simplement ». Ses références culturelles n’étaient pas les mêmes que celles de ses compagnes et compagnons d’études. « Moi, je ne connaissais pas les expressions de Yogi Bear, et je ne savais pas que c’était difficile d’être accepté au MIT. »

Rencontre fortuite

Néanmoins, Noubar Afeyan a eu de la chance : le MIT a accepté sa demande d’admission. Et il y a fait un doctorat. Pendant ses études là-bas, il a représenté l’établissement lors d’une réunion de la National Science Foundation, à Washington, D.C. Pendant le dîner, il a lié conversation avec un inconnu, pour découvrir par la suite qu’il discutait avec David Packard, cofondateur de Hewlett-Packard. Ce dernier lui a parlé de la naissance de son entreprise.

En janvier dernier, lors de son passage à l’Université McGill, Noubar Afeyan a souligné l’importance que cette rencontre fortuite avait eue dans sa vie. « C’est à ce moment-là que j’ai pris conscience qu’un simple mortel pouvait fonder une entreprise, dit-il. Pendant deux heures, je lui ai posé toutes les questions qui me venaient à l’esprit sur la marche à suivre. »

Après l’obtention de son diplôme du MIT, Noubar Afeyan était bien décidé à lancer sa propre entreprise.

« Je suis arrivé au bon moment, puisque j’ai commencé à discuter avec des investisseurs tout de suite après le krach boursier de 1987. Je voyais de gros bateaux couler et je savais que des années difficiles nous attendaient avant la remise à flot de l’économie. » Noubar Afeyan a alors jugé que, loin de lui être défavorable, la situation se prêtait fort bien à la recherche de financement pour sa nouvelle entreprise.

« J’avais le sentiment que c’était peut-être le bon moment pour entreprendre quelque chose de nouveau, puisque, me suis-je dit, [tous ces investisseurs] avaient tout leur temps pour étudier ma proposition. Alors que quand les choses roulaient rondement, les propositions devaient affluer de toutes part. »

Et c’est ainsi qu’en 1987, il a lancé PerSeptive Biosystems. L’entreprise allait devenir un acteur de premier plan dans le secteur de la bioinstrumentation, affichant un chiffre d’affaires annuel de 100 millions de dollars. Elle a été vendue 10 ans après sa fondation.

Par la suite, Noubar Afeyan a été premier vice-président et chef de l’exploitation d’Applera, multinationale de la biotechnologie. À ce titre, il a joué un rôle clé dans la création de Celera Genomics.

Dès lors, Noubar Afeyan savait comment mettre sur pied une entreprise et la propulser sur la voie de la réussite. Il a donc décidé de relever un nouveau défi : fonder une entreprise spécialisée dans la fondation d’entreprises. Flagship Pioneering a vu le jour en 2000.

L’immigration, une expérience formatrice

« Je me disais que [cette] forme d’entrepreneuriat, que j’appelais alors l’“entrepreneuriat parallèle”, serait pour moi, à 37 ans, à peu près aussi intimidante que l’avait été la fondation d’une entreprise quand j’en avais 24, explique l’entrepreneur. Je voulais vraiment me mettre en danger, dans une situation où il était tout à fait possible que je manque mon coup. Je suis convaincu que pour progresser, il faut être prêt à quitter ses pantoufles. »

Selon lui, sa situation d’immigrant n’est pas étrangère à cette vision des choses.

« Cette idée de migrer, de quitter un endroit dans le but d’améliorer son sort, je pense que c’est le moteur de tout entrepreneur et innovateur, parce que tu n’essaies pas quelque chose de nouveau si tu te satisfais de ce qui existe déjà. »

« Le saut dans l’inconnu, c’est quelque chose que les gens tentent d’éviter, fait-il remarquer. Il faut être prêt à prendre le risque et, bon, si c’était facile, tout le monde le ferait. Ce n’est pas si facile à faire; ça prend du cran. »

Avant même la pandémie, dit Noubar Afeyan, il remettait en question la conception des soins de santé dans notre société.

« Nous sommes presque résignés à voir notre santé se détériorer sérieusement avant que soient déployés la chirurgie et les traitements coûteux, déplore-t-il. Souvent, la médecine s’emploie à chercher des solutions pour régler des problèmes très graves au lieu de nous aider à régler les problèmes avant qu’ils s’aggravent.

« Nous devons plutôt investir en amont, dans la prévention. Il faut prévenir ou différer la maladie, ou alors lui faire échec, plutôt que d’essayer de la traiter une fois qu’elle est installée. C’est là-dessus que je fais porter mes efforts par les temps qui courent. »

Selon toute vraisemblance, il y aura d’autres Moderna. Parce que l’équipe de Flagship Pioneering n’a pas fini de mettre à l’épreuve des idées qui décoiffent.

De Macdonald à Moderna

Hamilton Bennett, B. Sc. (Sc. A.) 2007, directrice principale, Accès aux vaccins et partenariats, chez Moderna a supervisé la mise au point du vaccin contre la COVID-19. Moderna s’est engagée à en produire au moins 600 millions de doses d’ici à la fin de l’année, lesquelles seront distribuées dans le monde entier.

Hamilton n’est pas près d’oublier l’année 2020. Moderna et d’autres sociétés de biotechnologie et entreprises pharmaceutiques ont trimé dur pour mettre au point et tester, en un temps record, des vaccins contre la COVID-19. Y a-t-il un moment dans cette année frénétique qui l’a particulièrement marquée? Oui, absolument : c’était en novembre dernier, lors d’une réunion entre les représentants de Moderna et les membres du comité indépendant de surveillance des données et de la sécurité, qui passaient au peigne fin les résultats des essais cliniques de phase III sur le vaccin anti-COVID-19 de Moderna.

« Les données étaient à double insu; c’est-à-dire que ni Moderna ni nos collaborateurs ne savaient si les sujets avaient reçu le vaccin ou le placebo, explique-t-elle. Mais pour les membres du comité, l’insu est levé. Ils ont examiné les données à huis clos, puis nous ont fait revenir pour l’annonce du verdict. Après 11 mois de labeur, entendre le comité nous dire “nous avons le plaisir de vous informer que votre produit a un taux d’efficacité de plus de 94 pour cent”, c’était quelque chose pour nous tous. Je me suis mise à pleurer. J’ai dû désactiver la caméra de mon ordinateur à quelques reprises. Parce que ça, c’était l’aboutissement de notre travail : j’avais peine à croire que nous venions de mettre au point un vaccin dont le monde avait tellement besoin. »

Native du Kentucky, Hamilton a déménagé au New Hampshire à l’adolescence. « J’avais déjà commencé à me rapprocher de McGill », lance-t-elle à la blague. Son passage à l’Université McGill l’a marquée... au sens propre. Devinez quel est son premier tatouage? Je vous le donne en mille : une merlette (la fameuse martlet). Hamilton nous a parlé récemment de ses études à McGill et de l’année la plus difficile, épuisante et gratifiante de sa vie.

Pourquoi avez-vous choisi les programmes de science des aliments et d’agrochimie de McGill?

Oh là! là! (rires). Vous n’aimerez peut-être pas ma réponse! C’est un pur hasard, un truc de formalités d’inscription.

En tant qu’étudiante internationale qui se dirigeait en sciences, je devais suivre certains cours pendant ma première année, mon année « U0 », pour être au même niveau que les étudiants du Québec. Quand j’ai reçu ma lettre d’acceptation de McGill, j’ai constaté qu’elle venait du campus Macdonald et du Département des sciences des aliments et d’agrochimie. Je leur ai téléphoné pour leur dire : « Mais qu’est-ce c’est que ça? Je n’ai pas fait de demande dans ce programme-là. » J’avais choisi biochimie, anatomie, physiologie, soit tout ce qui pouvait me préparer à entrer en médecine.

Mon interlocuteur m’a répondu : « Eh bien, pour la première année, ce sont les mêmes cours. Peu importe où vous êtes, vous devrez suivre les huit mêmes cours. Alors, pourquoi ne pas venir au campus Macdonald? Après la première année, vous pourrez toujours changer de place si vous le souhaitez. »

Or, pendant cette première année, j’ai eu un professeur extraordinaire en science des aliments : Ashraf Ismail. Il m’a prise sous son aile et m’a offert un emploi dans son laboratoire. « D’après moi, vous allez rester ici à la fin de votre première année », avait-il prédit. Il avait vu juste.

Au campus Macdonald, les professeurs sont proches de leurs étudiants. La communauté est petite et incroyablement diversifiée.

Quand on est jeune et qu’on étudie à l’université, on est très idéaliste. On veut sauver le monde. Cet idéal, je ne l’ai jamais vraiment perdu, parce que j’étais entourée de gens qui y croyaient tellement. En diététique et nutrition, beaucoup d’étudiants s’intéressaient de près aux questions autochtones en matière de santé et d’équité. Ceux qui étudiaient en sciences végétales et en agriculture avaient de fortes préoccupations environnementales. On passait nos journées avec des gens qui nous tiraient vers le haut.

J’ai fini par obtenir un diplôme en science des aliments, alors que je n’y connaissais rien au départ. Et si c’était à refaire, je referais exactement la même chose.

Aviez-vous des activités extrascolaires?

Je siégeais au conseil étudiant du campus Macdonald, puis j’ai représenté les étudiants de Macdonald au Conseil des gouverneurs de l’Université.

À l’époque, le président était Dick Pound; les gouverneurs – tous, sans exception – étaient tellement gentils. Ils s’intéressaient à la vie étudiante et ils voulaient tous en savoir davantage sur mes études. À un moment donné, ils m’ont nommée au sous-comité des finances, et je me souviens d’avoir pensé : OK, ma grande, là, tu n’es vraiment pas dans ton élément (rires). J’ai eu le privilège de jouer dans la cour des grands. Et me voici aujourd’hui, des années plus tard, responsable d’un programme de plusieurs milliards de dollars.

Comment vous êtes-vous retrouvée chez Moderna?

Je travaillais dans une autre entreprise lorsque j’ai appris que les États-Unis avaient mandaté Moderna pour la mise au point d’un vaccin contre le virus Zika. Je rêvais depuis toujours de travailler dans le domaine des vaccins; en santé publique, notre cheval de bataille, c’est la prévention des maladies. J’ai envoyé des courriels à tout le monde [chez Moderna], à tous ceux qui avaient une adresse de courriel, en leur disant « C’est moi qu’il vous faut! »

J’ai frappé à tellement de portes qu’ils ont fini par me convoquer en entrevue, puis ils m’ont confié la direction du programme Zika. J’ai géré ce programme pendant quelques années. Puis quand le programme COVID a explosé, j’ai dû confier le projet Zika à quelqu’un d’autre pour me consacrer à temps plein au vaccin contre la COVID-19.

Lorsque je me suis jointe à Moderna en 2016, c’était pour le programme Zika, mais c’était aussi parce que je savais qu’une technologie comme l’ARNm avait le pouvoir de transformer du tout au tout notre stratégie face aux maladies infectieuses qui refont surface, tout comme notre préparation aux pandémies. La technologie est tellement facile à adapter. On ne repart pas de zéro chaque fois.

Nous avons su dès l’apparition de ce coronavirus que nous avions la plateforme tout indiquée pour agir et que si nous voulions montrer au monde entier que l’ARNm pouvait changer la donne en santé publique, c’était avec ce programme-là qu’il fallait le faire. Et nous avons pu nous engager dans cette voie beaucoup plus facilement qu’une [entreprise qui travaille sur] un vaccin à base de protéine ou de virus vivant, pour laquelle les coûts de démarrage sont beaucoup plus élevés et l’issue du processus plus incertain.

Les médias ont suivi de très près les travaux de Moderna sur le vaccin contre la COVID-19. On peut dire que le monde avait les yeux rivés sur votre équipe. Ressentiez-vous cette pression-là?

Pas forcément ce type de pression-là, non. Ces temps-ci, je sais ce qui se passe dans l’actualité lorsque je reçois un texto d’une connaissance ou que le grand patron fait circuler un article. Jamais je n’ai vécu dans une bulle aussi petite. Le programme occupe toutes mes pensées.

Par contre, nous nous sommes mis énormément de pression sur les épaules. Nous savons tous à quel point c’est important. Et il y a tellement de choses qui entrent en ligne de compte. Par exemple, en février ou mars dernier, nous nous sommes rendu compte que si nous étions plusieurs à nous lancer dans la fabrication de vaccins, il y avait un risque de goulot d’étranglement dans la chaîne d’approvisionnement, des moments, par exemple, où tout le monde aurait besoin de flacons et de seringues. Nous avons donc examiné notre chaîne logistique, localisé très rapidement le matériel d’importance critique et commencé à sécuriser notre approvisionnement. Nous avons pu accroître notre capacité de production grâce à nos partenaires aux États-Unis et en Suisse. Nous avons dû prendre ces dispositions presque une année à l’avance.

Depuis le début, c’est une course contre la montre. Pour nous tous, ce sont des réalisations professionnelles hors du commun, mais tout va tellement vite dans cette pandémie que nous n’avons pas vraiment le temps de penser à cela.

Je trouve ça bien que les gens suivent de si près la mise au point des vaccins. Jamais ils n’ont suscité autant d’intérêt, je pense. Cette année, tout le monde suit un cours d’initiation à l’élaboration des vaccins.

 

 

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