La relance de Montréal passe par les universités

Suzanne Fortier, la principale de McGill et ses homologues universitaires montréalais soutiennent que les grands investissements scientifiques des 11 universités et trois hôpitaux universitaires nourrissent l’écosystème de Montréal

Parce que c’est lorsqu’on est privé de ce à quoi nous sommes attachés que l’on en reconnaît pleinement la valeur, Montréal, ville universitaire, nous manque cruellement ces jours-ci. Non pas que nos établissements soient arrêtés, ni même au ralenti, loin de là. Mais l’extraordinaire intensité de la vie universitaire n’est plus aussi visible qu’auparavant, lorsque nos campus fourmillaient d’activité et de vie insufflée par la présence de milliers d’étudiants, d’enseignants et de membres du personnel.

Si on peut cependant se réjouir d’une chose en ces temps difficiles, c’est que la pandémie a remis au centre de l’attention le rôle essentiel du savoir et de la science, puis des universités qui en sont le lieu d’émergence. Depuis le début de l’année, on a pu assister à une collaboration internationale sans précédent pour comprendre la nature du coronavirus, ses modes de transmission puis pour la mise au point de vaccins. À cela s’ajoute l’expertise des chercheurs pour s’attaquer aux défis multiples posés par la crise sanitaire, par exemple, atténuer les conséquences du confinement dans la population et en prévenir les dommages tangibles et intangibles.

Dans cette course mondiale collaborative, Montréal n’est pas en reste. Première ville du Canada pour l’intensité de la recherche, son écosystème, structuré autour de onze universités et de trois hôpitaux universitaires, est nourri par des investissements majeurs des différents fonds de recherche scientifique. Ainsi, nos équipes sont à pied d’œuvre pour atténuer les conséquences de la crise.

Mais le poids de ces conséquences, doit-on souligner, n’est pas partagé également au sein de la société. Du point de vue de la santé, les personnes âgées ont été les premières victimes de la pandémie. Du point de vue économique, ce sont les jeunes qui sont à risque puisqu’ils entreront sur le marché du travail au moment où les règles qui le régissent sont sous tension.

Des stages rémunérés dans des organisations privées, publiques ou communautaires sont une réponse forte à la situation. Cela est vrai de façon générale, et encore plus pour les étudiants internationaux, le stage étant un moment fort de leur expérience québécoise et qui, souvent, s’avère déterminant dans leur décision de rester ici pour contribuer à l’essor de notre métropole. Une contribution d’autant plus stratégique qu’ils viennent diversifier le bassin de talent de Montréal, et que la diversité est aujourd’hui considérée comme l’un des facteurs clés de succès pour la compétitivité des organisations et des communautés.

Une fois la crise passée, il faut bien réaliser que nous ne serons pas tout simplement ramenés en arrière. Notre société aura été profondément marquée par cette expérience qui, à bien des égards, nous a plongés dans un avenir qu’on voyait poindre, mais beaucoup plus tard. Le virage numérique, le télétravail, le commerce électronique et bien d’autres tendances lourdes feront désormais partie de notre quotidien.

Les universités que nous dirigeons seront, comme pendant la crise, au rendez-vous pour appuyer la communauté du Grand Montréal dans ces changements accélérés. Nous participerons à la définition de cette « nouvelle normalité » et nous soutiendrons les citoyens pour qu’ils s’adaptent et même, saisissent les occasions offertes par ces changements.

Pour tirer pleinement parti de nos universités, il faudra faire appel à nos chercheurs pour les questions difficiles auxquelles nous ferons face. Qu’il s’agisse de repenser l’aménagement des villes pour qu’elles répondent à la réalité post-pandémie, de préparer notre réponse aux changements climatiques, d’accélérer le déploiement éthique des technologies dans l’économie ou encore, de redéfinir les règles du vivre ensemble alors qu’on ne tolère plus les inégalités structurelles et le racisme systémique, la profondeur de l’expertise de nos professeurs et chercheurs et le fait qu’ils soient connectés à des réseaux de savoir internationaux sont le gage de la qualité de leur contribution.

Il faudra aussi pousser encore plus loin la relation entre la cité et ses universités. Le nouveau plan d’urbanisme de Montréal, qui est actuellement sur la planche à dessin, pourrait par exemple chercher à mieux développer les synergies entre nos campus et les quartiers environnants. Ou encore, les mairies des villes et arrondissements du Grand Montréal pourraient multiplier les partenariats avec nos équipes pour que le territoire devienne une sorte de « laboratoire vivant » où les résultats des recherches appliquées seraient testés.

En somme, tôt ou tard, nos campus reprendront vie, tout comme Montréal d’ailleurs. Notre métropole est une ville vibrante grâce, notamment, à l’énergie insufflée par nos universités et par les quelque deux cent mille étudiants universitaires, dont trente-cinq mille étudiants internationaux, qui y évoluent. Tirons-en parti. Relançons Montréal en misant sur nos universités.

Cosignataires : Graham Carr, recteur et vice-chancelièr de l’université Concordia ; Suzanne Fortier, principale et vice-chancelière de l’Université McGill ; Magda Fusaro, rectrice de Université du Québec à Montréal ; François Gagnon, directeur général de l’École de technologie supérieure ; Luc-Alain Giraldeau, directeur général de l’Institut national de la recherche scientifique ; Daniel Jutras, recteur de l’Université de Montréal ; Federico Pasin, directeur de HEC Montréal ; Philippe A. Tanguy, directeur général de Polytechnique Montréal

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