Les pics interictaux sont des événements transitoires, caractéristiques de l'épilepsie, qui surviennent entre les crises. Ils sont générés par le cerveau sans aucun signe clinique, ce qui permet des études d'imagerie multimodales. Les enregistrements EEG du cuir chevelu ont une excellente résolution temporelle (~ 1 ms) mais leur interprétation visuelle ne fournit qu'une localisation imprécise, indiquant au mieux quel lobe était impliqué lors de la décharge épileptique. Les méthodes de localisation de la source EEG peuvent aider à déterminer les régions du cerveau où les pics sont générés. De plus, contrairement à d'autres modalités d'imagerie (telles que l'IRMf et la TEP), les données EEG ou MEG sont les seules mesures directes de l'activité neuronale. Réaliser une localisation précise des sources EEG des pics interictaux présente donc un intérêt particulier pour mieux comprendre leur génération et leur propagation.

Déduire la localisation de la source dans le cerveau à partir d'un signal acquis sur le cuir chevelu, c'est-à-dire le problème inverse de l'EEG, est un problème mal posé car il existe un nombre infini de configurations de sources qui peuvent produire exactement le même potentiel à la surface de la tête. Des contraintes supplémentaires doivent alors être ajoutées pour obtenir une solution unique. Deux types d'approches ont été proposés (voir Baillet et al.IEEE Signal Processing Magazine, pages 14–30.2001 pour plus de détails) :

 

(1) Les méthodes du « dipôle à courant équivalent » supposent que les potentiels sont générés par quelques sources dipolaires.

(2) Les méthodes de la « source distribuée » supposent que les potentiels sont générés par un grand nombre de sources dipolaires distribuées dans le cerveau ou sur la surface corticale.

(3) Les méthodes de balayage dipôle, évaluant la présence d'un dipôle de courant équivalent sur chaque point d'une grille 3D, constituent une alternative intermédiaire pour estimer la carte 3D des indices d'activation

Dans le contexte de la localisation des pics interictaux, les méthodes de dipôle de courant équivalent se sont avérées utiles pour localiser le « centre de masse » de l'activité cérébrale (Merlet et al,Clin. Neurophys110(6), 1013–1028,1999). Les enregistrements intracérébraux ont montré que les zones cérébrales activées capables de générer des pics sur le cuir chevelu sont rarement focales sur le cortex, alors que les sources intra-cérébrales profondes focales ne sont presque jamais détectées sur l'EEG de surface. Une zone minimale du cortex doit être impliquée pour que le pic soit visible sur le cuir chevelu, au moins plusieurs cm2. J. Ebersole (Ebersole,J. of Clin. Neurophys., 14(6), 470–483, 1997) a proposé que 6 cm2 semble être une bonne estimation de la surface minimale requise pour voir le pic sur le cuir chevelu. Une telle valeur de 6 cm2 doit être considérée comme une limite basse. En effet, les pics étendus impliquant la majeure partie d'un lobe ne sont pas rares. Dans une étude de simulation récente (Grova et al. Neuroimage, sous presse, 2005), nous avons montré que certaines approches distribuées peuvent être assez précises pour localiser les pics interictaux avec leur étendue spatiale : par exemple, la solution de lissage maximal (LORETA), l'entropie maximale de la moyenne (MEM).

 

Nous avons également développé une méthode permettant d'obtenir une carte probabiliste des régions susceptibles d'être à l'origine de décharges épileptiques (Bénar et al, IEEE Trans Biomed Eng. 2005 Mar;52(3):401-13). En raison de sa nature probabiliste, la méthode est particulièrement bien adaptée à la comparaison avec les études IRMf.

Pour plus d'informations, voir la conférence de C. Grova à Bayes 05 (Atelier sur l'inférence bayésienne et la cartographie fonctionnelle du cerveau, Centre de Recherche en Mathématiques, Montréal, 2005) : http://www.crm.umontreal.ca/Bayes05/programme.html ou grova.pdf

 

EEG pour un pic interictal chez un patient.

À GAUCHE : EEG pour un pic interictal chez un patient.

CI-DESSUS : Résultats du test SEEG. Les points verts représentent les électrodes inactives, tandis que les points rouges montrent les électrodes impliquées dans le pic interictal.

Résultats de la localisation de la source projetés sur la surface corticale. Notez que les résultats sont cohérents avec le SEEG.Résultats d'une étude IRMf chez ce patient affichés sur la surface corticale.