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Une équipe internationale utilise des outils génomiques pour découvrir le gène d'une maladie génétique de l'enfant

Publié: 14 January 2003

Effectuant une percée qui met en relief la puissance de l'information génomique, une équipe internationale de chercheurs a annoncé aujourd'hui qu'elle a identifié le gène associé au syndrome de Leigh, variante canadienne-française (LSFC). Cette maladie héréditaire mortelle a une incidence de 1 cas sur 2 000 naissances vivantes par année au Saguenay-Lac-Saint-Jean. L'article paraît dans le numéro du 14 janvier de la revue Proceedings of the National Academy of Sciences.

Ces résultats auront des retombées cliniques immédiates pour les familles de la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean du Québec, au Canada, où la maladie est fréquente et entraîne un taux de mortalité élevé chez les nourrissons et les enfants. L'identification du gène permettra aux médecins d'offrir le dépistage des porteurs et de meilleures options de diagnostic prénatal aux membres de cette collectivité. Jusqu'ici, la maladie n'était connue qu'après la naissance de l'enfant.

Ces résultats illustrent également la puissance et les promesses de la génomique intégrative pour le dépistage des maladies. Partis sur la piste d'un lien entre la maladie et les fonctions mitochondriales, les scientifiques ont exploré des filons dans trois types de données génomiques — la séquence du génome humain, les profils d'expression génique (données des puces à ADN mesurant l'activité de milliers de gènes en simultané) et les données protéomiques. Au terme d'une intégration de l'information recueillie à partir de ces trois plates-formes, un gène unique, le LRPPRC, s'est dégagé comme le gène candidat évident. L'équipe a ensuite testé ce gène sur des patients, des parents et des groupes de contrôle et repéré deux mutations responsables de la maladie. Ces conclusions ont fourni la preuve décisive que le gène LRPPRC était la cause du LSFC.

« L'information génomique change la façon de s'attaquer à la maladie », dit Eric Lander, directeur du Center for Genome Research au Whitehead Institute du MIT. « Au cours de la prochaine décennie, les chercheurs maîtriseront de mieux en mieux des outils globaux et des stratégies intégratives d'une grande puissance pour accélérer la découverte des gènes pathologiques, voire même pour des maladies complexes courantes comme le diabète et la maladie cardiaque. »

Ces travaux de recherche ont été réalisés par une équipe internationale de chercheurs provenant des organismes suivants : le Center for Genome Research au Whitehead Institute du MIT à Cambridge, au Massachusetts; le Centre d'innovation de Génome Québec, Centre universitaire de santé McGill, à Montréal; la société MDS Proteomics d'Odense, au Danemark; le Centre du génome de Montréal, Université McGill, à Montréal; l'Hôpital des enfants malades de Toronto; le Service de génétique médicale de l'Hôpital Sainte-Justine de Montréal et le Département de pédiatrie et l'Unité de recherche clinique de Chicoutimi, au Canada. (Voir l'article mentionné pour la liste complète des auteurs.

« Il est encourageant de trouver enfin le gène de cette maladie de l'enfant dévastatrice et de procurer à cette collectivité des outils concrets de diagnostic », déclare John Rioux, qui dirige une équipe de génétique humaine au Center for Genome Research du Whitehead Institute du MIT et qui se consacre à ce problème depuis son départ du Québec il y a sept ans. « Nous avons tant entendu parler de la puissance de la génomique qu'il est très gratifiant de la voir dans une application qui a des conséquences cliniques immédiates. »

« Je suis ravi et enthousiasmé par ces résultats », dit Vamsi Mootha, boursier postdoctoral au Center for Genome Research du Whitehead Institute du MIT. « C'est merveilleux de faire de la recherche à une époque où la découverte des gènes pathologiques, ce travail de détective, est devenue une affaire de téléchargement de données issues de banques de données publiques. »

« Cette recherche met vraiment en évidence l'esprit de la collaboration internationale et la valeur des approches pluridisciplinaires pour s'attaquer aux fondements génétiques de la maladie », dit Thomas Hudson, directeur du Centre du génome de Montréal. Thomas Hudson est également un ancien du Center for Genome Research du Whitehead Institute du MIT et un natif de la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean. « Nous sommes aussi très reconnaissants aux patients et aux familles qui nous ont prêté un concours et un appui indéfectibles. »

Le syndrome de Leigh, variante canadienne-française (LSFC)

Le LSFC est une maladie autosomale récessive qui touche 1 cas sur 2 000 naissances vivantes dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean (soit le même taux d'incidence que la fibrose kystique). Il se manifeste lorsqu'un enfant hérite de deux copies d'un gène défectueux, chacune provenant d'un parent non atteint par la maladie. Les parents sont des porteurs en santé qui ont une copie défectueuse et une copie normale qui les protège de la maladie. En l'absence de symptômes ou de tests génétiques, les parents n'ont aucun moyen de savoir s'ils sont porteurs avant qu'il soit trop tard, une fois qu'ils ont donné naissance à un enfant atteint par la maladie. On estime qu'un habitant sur 23 dans cette région est porteur du gène de l'acidose lactique.

Les chercheurs savaient que ce défaut génétique d'origine inconnue cause un dysfonctionnement des mitochondries (ces minuscules usines de production d'énergie dans la cellule), qui entraîne des défauts du métabolisme énergétique, des symptômes de retard mental et une accumulation dangereuse d'acide lactique toxique dans le sang menant au coma. Ces crises peuvent survenir chez l'enfant à tout moment entre l'âge de 6 mois et 11 ans. La crise d'acidose métabolique est souvent le premier signe qu'un enfant jusque là pétant de santé est atteint par la maladie. Le tiers des enfants ne survivent pas à la première crise et ceux qui survivent finissent par succomber à la deuxième ou à la troisième crise.

Les médecins du Saguenay-Lac-Saint-Jean ont commencé à remarquer la maladie dans les années 90 et à observer des caractéristiques suggérant la présence d'une maladie héréditaire. En 1993, Charles Morin, pédiatre qui avait soigné de nombreux enfants atteints, en collaboration avec Brian Robinson de l'Hôpital des enfants malades de Toronto, a montré que les symptômes étaient causés par la déficience d'une enzyme, la cytochrome c oxidase (COX), qui empêche le métabolisme normal de l'énergie. Mais le défaut génétique sous-jacent à la maladie demeurait toujours inconnu.

Les chercheurs ont alors commencé des études sur les familles en vue d'identifier le gène en cause. En 1997, Charles Morin, Brian Robinson et John Rioux du Whitehead Institute ont instauré une collaboration pour découvrir le gène visé. En 2001, sous la direction du Whitehead Institute, le groupe de chercheurs a concentré sa recherche du gène à une zone du bras court du chromosome 2. Mais une analyse des gènes connus dans cette zone a révélé qu'aucun de ces gènes n'était en cause dans les mitochondries ou paraissait relié à l'enzyme COX.

La génomique entre en scène

Vers la même période, Vamsi Mootha, jeune médecin boursier postdoctoral travaillant auprès d'Eric Lander et expert en biologie mitochondriale, a exprimé la volonté de s'attaquer au problème avec les nouveaux outils de la génomique.
Mettant en oeuvre une approche tridimensionnelle, Vamsi Mootha a commencé par explorer les dernières données du séquençage des génomes de la souris et de l'homme. Il a réuni des renseignements exhaustifs sur tous les gènes connus et prévus dans la zone critique du chromosome 2 où le gène était censé être localisé. Il a trouvé 30 gènes distincts dont la fonction n'était pas connue.

Vamsi Mootha et ses collègues ont alors eu recours aux données publiques des profils d'expression, données des puces à ADN qui permettent aux chercheurs d'étudier, parmi des milliers de gènes, ceux qui sont activés ou inactivés dans une cellule donnée. Ces profils d'expression génique définissent des signatures qui sont propres à des types cellulaires. Les chercheurs ont passé en revue les profils pour dégager quels gènes de fonction inconnue portaient la signature, ou l'empreinte ADN, d'un gène mitochondrial. En moins d'une semaine, ils ont trouvé qu'un gène, le LRPPRC, avait la signature caractérisée d'un gène mitochondrial. Ils ont alors examiné les données relatives à la souris et le même gène est encore une fois ressorti.

Pendant ce temps, le Centre du génome de Montréal à l'Université McGill travaillait lui aussi sur le séquençage du génome. Pierre LePage, dans le laboratoire du Dr Hudson, a identifié de manière indépendante le même gène, corroborant l'hypothèse que le gène responsable était bien le LRPPRC.

« Nous étions très excités, mais nous voulions des preuves expérimentales supplémentaires qu'il s'agissait bien du gène responsable », précise Vamsi Mootha, qui collaborait avec la société MDS Proteomics au Danemark à la compilation d'une liste exhaustive des protéines des mitochondries, par la spectrométrie de masse. L'équipe étudiant l'enzyme COX a ensuite examiné si l'une des séquences d'ADN dans la zone visée du chromosome 2 était associée à une protéine de cette liste de protéines mitochondriales. L'équipe a trouvé le gène LRPPRC dans la liste.

Pour obtenir une dernière preuve clinique que le gène LRPPRC causait le syndrome de Leigh, variante canadienne-française, les chercheurs ont séquencé le gène chez deux patients, un parent d'un enfant malade et un sujet non touché. Ils ont trouvé un seul changement de lettre du code ADN dans le gène qui obéissait à un pattern héréditaire autosomal récessif. Ils ont ensuite testé ce résultat auprès d'un plus grand nombre de patients et observé que 21 des 22 patients avaient deux copies du gène portant la mutation et qu'un patient avait une copie portant cette mutation et une seconde copie portant une mutation différente. L'identification des deux mutations du gène LRPPRC a fourni la preuve génétique définitive qu'il s'agit bien du gène responsable du LSFC.

Les prochaines étapes

L'identification des mutations du gène LRPPRC aura des retombées cliniques immédiates pour les patients et les familles de la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean.

« Un test diagnostique permettant de dépister les porteurs et de fournir de meilleures options de diagnostic prénatal sera une bénédiction pour les membres de la collectivité », dit Pierre Lavoie, président de l'Association de l'acidose lactique du Saguenay-Lac-Saint-Jean, triathlonien célèbre et père d'enfants décédés de la maladie. « Sans ce test, les parents ne pouvaient savoir s'ils étaient porteurs du gène défectueux avant qu'il soit trop tard. »

Les scientifiques espèrent que cette stratégie fonctionnera aussi pour l'identification de gènes associés à d'autres maladies, notamment des maladies courantes comme le diabète.

Le projet est financé par des subventions de l'Association de l'acidose lactique du Saguenay-Lac-Saint-Jean, du Centre d'excellence national en génétique, de Génome Québec et des Instituts de recherche en santé du Canada, par une bourse postdoctorale du Howard Hughes Medical Institute et par une subvention d'Affymetrix/Bristol Myers Squibb/Millennium Pharmaceuticals.

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