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Un poisson qui marche, clé des premiers pas sur terre

Il y a quelque 400 millions d’années, un groupe de poissons s’est mis à explorer la terre ferme et a évolué pour donner naissance aux tétrapodes – les amphibiens, reptiles, oiseaux et mammifères que l’on connaît aujourd’hui. Toutefois, la façon dont ces anciens poissons ont utilisé leur corps et leurs nageoires dans un milieu terrestre, ainsi que les processus intervenus au cours de leur évolution demeurent un mystère pour les scientifiques.
Publié: 27 August 2014

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Des chercheurs de l’Université McGill, dont les travaux ont fait l’objet d’un article publié dans la revue scientifique Nature, ont eu recours à un poisson qui existe encore de nos jours, le polyptère, pour essayer d’expliquer ce qui s’est produit lorsque les poissons ont tenté pour la première fois de migrer hors de l’eau. Le polyptère est un poisson africain qui peut respirer et se déplacer sur la terre ferme. Il ressemble beaucoup aux ancêtres des tétrapodes. Pendant près d’un an, les chercheurs ont élevé de jeunes polyptères sur la terre ferme afin de déterminer comment ces poissons devenus terrestres se distinguaient à l’égard de l’apparence et du mouvement.

« Des conditions environnementales stressantes peuvent souvent révéler des variations anatomiques et comportementales complexes, une forme de plasticité du développement », explique Emily Standen, ancienne doctorante au laboratoire du professeur Larsson, maintenant à l’Université d’Ottawa. « Nous avons voulu utiliser ce mécanisme afin de déterminer quels nouveaux comportements et structures anatomiques nous pouvions faire apparaître chez ces poissons et vérifier s’ils correspondaient à ce que nous connaissions du registre fossilifère. »

Des changements anatomiques remarquables
Les chercheurs ont observé d’importants changements anatomiques et comportementaux chez les polyptères. Les poissons devenus terrestres se déplaçaient plus efficacement sur le sol en rapprochant leurs nageoires de leur corps, relevaient davantage la tête et empêchaient leurs nageoires de glisser aussi efficacement que les poissons élevés dans l’eau. Sur le plan anatomique, leur squelette pectoral s’est allongé et présentait des attaches thoraciques plus solides ‒ vraisemblablement pour assurer un soutien accru pendant les déplacements ‒, ainsi qu’un contact plus limité avec le crâne ‒ peut-être pour permettre une plus grande amplitude de mouvement au niveau de la tête et du cou, a précisé Trina Du, doctorante mcgilloise et collaboratrice de l’étude.

« Comme plusieurs de ces modifications anatomiques correspondent aux données du registre fossilifère, nous pouvons supposer que les changements comportementaux observés témoignent également du phénomène qui s’est produit lorsque les poissons fossiles se sont déplacés pour la première fois sur la terre ferme à l’aide de leurs nageoires », affirme le professeur Hans Larsson, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en macroévolution à l’Université McGill et professeur agrégé au Musée Redpath.

Une expérience unique
Cette expérience sur le polyptère devenu terrestre est unique et propose de nouvelles pistes quant à la façon dont les poissons fossiles pourraient avoir utilisé leurs nageoires en milieu terrestre, ainsi que les processus évolutifs à l’origine de ce changement.

« À notre connaissance, il s’agit de la première expérience ayant permis de démontrer que la plasticité du développement pourrait avoir favorisé une transition évolutive à grande échelle, grâce à de nouveaux comportements et structures anatomiques susceptibles d’être génétiquement fixés plus tard par voie de la sélection naturelle », affirme le professeur Larsson.

Cette étude a été réalisée par Emily Standen, maintenant à l’Université d’Ottawa, et Hans Larsson et Trina Du, tous deux de l’Université McGill.

Cette étude a été financée par le Programme des chaires de recherches du Canada, le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada et la bourse de recherche postdoctorale Tomlinson.

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