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Nouvelle cause de l’hypothyroïdie dévoilée

Découverte d’une cause génétique plus courante chez l’homme

Un groupe international de chercheurs, composé notamment d’une équipe de l’Université McGill, a découvert une nouvelle cause de l’insuffisance thyroïdienne ou hypothyroïdie. Ce trouble endocrinien courant est généralement causé par un dysfonctionnement de la glande thyroïde et, plus rarement, par une atteinte du cerveau ou de la glande pituitaire (hypophyse). Toutefois, les travaux de ces chercheurs – dont les résultats ont fait l’objet d’un article publié dans la revue Nature Genetics – ont permis de découvrir une cause insoupçonnée de cette maladie. Les scientifiques, dirigés par Daniel Bernard, professeur au Département de pharmacologie et de thérapeutique de la Faculté de médecine de l’Université McGill, ont découvert une nouvelle forme héréditaire de l’hypothyroïdie dont la prévalence est plus élevée chez les hommes. Ce biais lié au sexe a permis de donner une nouvelle orientation à la recherche des causes sous-jacentes de la maladie.

Publié: 12 November 2012

« Nos collaborateurs néerlandais s’intéressaient à une famille comptant deux cousins qui présentaient un syndrome hypothyroïdien atypique associé à une hypertrophie testiculaire », explique le professeur Bernard. « À l’aide de méthodes de séquençage de l’ADN à la fine pointe de la technologie, nous avons pu observer la mutation d’un gène appelé membre 1 de la superfamille des immunoglobulines (IGSF1) chez les deux cousins, ainsi que chez leur grand-père maternel. Comme notre laboratoire était l’un des rares dans le monde à étudier ce gène, nous avons noué un partenariat afin de déterminer si la mutation observée pouvait être à l’origine de ce syndrome thyroïdien. À l’époque, les scientifiques savaient que l’IGSF1 exerçait son activité au niveau de l’hypophyse, mais la fonction de ce gène demeurait un mystère. » 
 
« Peu après, un deuxième groupe de chercheurs nous a informés de ses travaux sur une autre famille comptant deux jeunes frères atteints d’hypothyroïdie et présentant une mutation du gène IGSF1, bien que celle-ci soit différente de celle observée chez les deux cousins néerlandais », précise le professeur Bernard. « Le fait que deux familles non apparentées soient touchées par le même syndrome clinique se manifestant chez des sujets de sexe masculin, ainsi que par des mutations du même gène, semblait indiquer clairement que ces dernières jouaient un rôle dans la survenue de l’hypothyroïdie. »
 
Les équipes de scientifiques ont communiqué avec des chercheurs des Pays-Bas, du Royaume-Uni, d’Italie et d’Australie qui suivaient des familles ayant le même profil et ont découvert que les sujets de sexe masculin touchés par le syndrome hypothyroïdien présentaient tous des mutations du gène IGSF1 – pour lequel les chercheurs ont répertorié 11 familles et 10 mutations.
 
« Nous avons ensuite démontré que les mutations du gène IGSF1 empêchaient la protéine pour laquelle il code de migrer vers la surface de la cellule, où elle exerce normalement son activité », explique Beata Bak, doctorante à McGill et coauteure principale de l’article. « Nous avons également constaté que l’hypophyse de souris dépourvues du gène IGSF1 présentait de faibles taux du récepteur de l’hormone de libération de la thyréostimuline dérivée du cerveau (TRH). Si nous comparons la TRH à une clé, son récepteur serait alors la serrure où insérer la clé pour produire son effet. Les résultats de nos travaux permettent de croire qu’en l’absence du gène IGSF1, l’hypophyse est moins réceptive aux signaux que lui envoie le cerveau afin qu’elle produise davantage de thyréostimuline (TSH). Par conséquent, la thyroïde reçoit moins de stimuli commandant la production d’hormones thyroïdiennes ».
 
Cette découverte est importante, car les mutations du gène IGSF1 sont à l’origine d’une forme variable et généralement modérée d’hypothyroïdie échappant vraisemblablement à la plupart des tests périnataux de dépistage de la fonction thyroïdienne. En outre, compte tenu du caractère hautement polymorphe du gène IGSF1, certains individus (hommes et garçons, en particulier) pourraient présenter une hypothyroïdie asymptomatique, mais ayant une incidence sur le plan clinique.  
 
Les symptômes de la maladie comprennent la fatigue, le gain pondéral, la frilosité et la faiblesse musculaire. Si elle n’est pas traitée, l’hypothyroïdie accroît le risque de maladie cardiaque. Chez les nourrissons, elle peut entraîner un retard du développement neurologique et, dans les cas extrêmes, le crétinisme.
 
« Un simple test pourrait permettre de déceler les porteurs d’une mutation ou d’un variant du gène IGSF1 qui seraient susceptibles de bénéficier d’un traitement hormonal substitutif. Les résultats de nos travaux ont fait ressortir le rôle fondamental de cette protéine dans le contrôle de la fonction thyroïdienne par le cerveau et l’hypophyse et, par conséquent, du métabolisme de l’organisme dans son ensemble. Nous espérons que nos travaux sauront inspirer les scientifiques à explorer de nouvelles pistes de recherche sur le rôle du gène IGSF1 sur la fonction hypophysaire en présence de divers états physiologiques et physiopathologiques », conclut le professeur Bernard.

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