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Les soldats du système immunitaire

Les protéines IFIT reconnaissent l’ARN étranger et freinent les infections virales

Des chercheurs de l’Université McGill et du Centre de recherche en médecine moléculaire (CRMM) de l’Académie autrichienne des sciences ont découvert le plan moléculaire des protéines qui permettent au système immunitaire de détecter les virus et d’agir comme des soldats qui protègent l’organisme des infections. Ce sont les protéines IFIT. Elles reconnaitraient l’acide ribonucléique (ARN) produit par les virus et agiraient comme molécules protectrices en s’accrochant au génome viral, ce qui l’empêche de se répliquer, freinant ainsi l’infection. Cette découverte prometteuse ouvre la voie à la mise au point de nouveaux médicaments pour le traitement d’une multitude de troubles du système immunitaire.

Publié: 14 January 2013

Cette étude a été réalisée par les équipes de Bhushan Nagar, professeur au Département de biochimie de la Faculté de médecine de l’Université McGill, et celles du professeur Giulio Superti-Furga, du CRMM; elles s’appuient sur les travaux de Andreas Pichlmair, réalisés au CRMM  en 2011 et qui ont permis de découvrir que les protéines IFIT interagissent directement avec l’ARN viral pour en inhiber la réplication, les chercheurs ont élucidé les mécanismes moléculaires grâce auxquels les protéines IFIT ne capturent que l’ARN viral et le distinguent des molécules normales appartenant à l’hôte. Les résultats de ces travaux sont publiés dans le numéro du 13 janvier 2013 de la revue scientifique Nature.

Le professeur Nagar explique que : « Les infections attribuables aux virus et aux bactéries se retrouvent dans une couche du système immunitaire constituée de protéines qui jouent le rôle de soldats toujours à l’affût de molécules étrangères provenant de ces agents pathogènes, La détection de l’agent pathogène induit une réponse rapide de la cellule hôte, caractérisée notamment par la production d’une multitude de molécules de défense qui se mobilisent pour bloquer et combattre l’infection. Les protéines IFIT constituent les éléments clés de ces molécules de défense. »

Lorsqu’un virus pénètre dans une cellule, il peut produire des molécules étrangères, comme l’ARN contenant trois groupements phosphate (triphosphate) fixés sur une extrémité, afin de permettre sa réplication (l’ARN triphosphorylé permet de distinguer l’ARN viral de l’ARN des cellules hôtes humaines). Pendant ce temps, les récepteurs du système immunitaire inné sont généralement en mesure de détecter les molécules étrangères provenant du virus et de déclencher des cascades de signaux à l’intérieur de la cellule, menant ainsi à l’activation d’un programme antiviral, et ce, tant dans les cellules infectées que dans les cellules saines voisines. Des centaines de protéines différentes sont produites par ce programme antiviral et se mobilisent pour résister à l’infection.

Yazan Abbas, étudiant au doctorat qui travaille avec le professeur Nagar, a eu recours à diverses techniques biophysiques  — dont la cristallographie aux rayons X — pour capturer les protéines IFIT au moment même où elles reconnaissent la présence de l’ARN étranger, facilitant ainsi la compréhension des interactions entre les protéines IFIT et l’ARN. Les chercheurs ont ainsi déterminé que les protéines IFIT ont évolué pour former une poche de liaison spécifique assez volumineuse  et compatible chimiquement pour accueillir uniquement l’extrémité triphosphorylée de l’ARN viral. L’ARN humain ne peut interagir avec cette poche, contrecarrant ainsi les réactions auto-immunes

« En principe, l’ARN viral ne peut plus contribuer à la réplication du virus après avoir été freiné par les protéines IFIT, explique le professeur Superti-Furga. Comme le cycle de vie de nombreux virus  — dont ceux de la grippe et de la rage — repose sur l’ARN triphosphorylé, les résultats de notre étude contribueront à accroître considérablement notre compréhension des mécanismes permettant aux cellules humaines d’interagir avec les virus et de les combattre. »   

Ces travaux pourraient contribuer à la mise au point de médicaments contre une multitude de troubles du système immunitaire. « Les résultats obtenus pourront appuyer la conception de médicaments novateurs ciblant directement les protéines IFIT, ce qui serait particulièrement utile dans les cas d’inflammation et de cancer, pour lesquels il importe de freiner la réponse immunitaire », affirme le professeur Nagar.

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