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De la piscine au laboratoire de nanotechnologie

Un produit désinfectant pourrait donner naissance à une nouvelle structure d’ADN
Publié: 1 March 2016

Par Chris Chipello, McGill Salle de Presse

Et si une molécule bon marché qui rend limpide l’eau de nos piscines permettait de créer une nouvelle forme de nanomatériaux à base d’ADN?

L’acide cyanurique stabilise le chlore dans nos piscines. Il se lie au chlore libre et le libère lentement dans l’eau. Mais les chercheurs de l’Université McGill ont découvert que cette petite molécule bon marché pouvait être utilisée pour donner à l’ADN une toute nouvelle structure. En présence d’acide cyanurique, les bases azotées – qui forment normalement les échelons de l’échelle d’ADN – se lient aux molécules d’acide cyanurique pour former non pas la double hélice habituelle, mais plutôt une triple hélice.

Cette découverte, c’est « une façon fondamentalement nouvelle de créer des assemblages d’ADN », explique Hanadi Sleiman, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en nanoscience de l’ADN à McGill et auteure en chef de l’étude, publiée dans Nature Chemistry. « Ce concept peut s’appliquer à de nombreuses autres molécules, et les assemblages d’ADN ainsi formés pourraient être utiles dans une multitude de technologies. »

L’alphabet de l’ADN, qui tient en quatre lettres (A, T, G et C), est le code de la fameuse double hélice découverte par Watson et Crick il y a plus de 60 ans. En interagissant autrement, ces lettres – les bases de l’ADN – forment diverses structures que les scientifiques utilisent en nanotechnologie. On est bien loin du rôle biologique de l’ADN dans les cellules vivantes.

Depuis des années, les scientifiques cherchent à enrichir l’alphabet de l’ADN afin de créer, à partir de nouvelles bases, des structures d’ADN dotées de propriétés uniques en leur genre. Toutefois, la conception de ces molécules est généralement coûteuse et complexe.

L’idée a germé dans la tête de la professeure Sleiman il y a à peu près huit ans. Elle avait alors mentionné à l’équipe de son laboratoire qu’il pourrait valoir la peine de chercher du côté de l’acide cyanurique en raison des propriétés de cette substance. En effet, cette molécule possède trois faces compatibles avec la thymine (le T de l’alphabet de l’ADN), complément naturel de l’adénine (A). « Un de mes étudiants aux cycles supérieurs a tenté l’expérience, se remémore-t-elle, et est revenu en me disant qu’il voyait des fibres » dans un microscope à force atomique.

Les chercheurs devaient découvrir par la suite la structure particulière de ces fibres. En présence d’acide cyanurique, les brins constitués de bases d’adénine s’assemblent en un motif d’ADN novateur. En s’unissant, les particules d’adénine et d’acide cyanurique forment une triple hélice qui, vue en coupe, prend la forme de rosettes. Puis en se collant les uns aux autres, ces brins forment de longues fibres.

« Le matériau nanofibreux ainsi formé est facilement accessible, abondant et fortement structuré », indique Nicole Avakyan, doctorante au laboratoire de la Pre Sleiman et auteure principale de l’étude. « En poussant la recherche, on pourra trouver diverses utilités à ce matériau, que ce soit en chimie médicinale, en génie tissulaire ou en sciences des matériaux », prévoit la chercheuse.

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Cette étude a été financée par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, le Programme des chaires de recherche du Canada, la Fondation canadienne pour l’innovation, le Centre de recherche sur les matériaux autoassemblés et le Fonds de recherche Nature et technologies du Québec.

L’article « Reprogramming the assembly of unmodified DNA with a small molecule », par Nicole Avakyan et coll., a été publié en ligne dans Nature Chemistry le 22 février 2016. DOI :10.1038/nchem.2451
http://www.nature.com/nchem/journal/vaop/ncurrent/full/nchem.2451.htm

 

LÉGENDE : L’interaction entre les bases d’adénine, réunies en courts brins d’ADN, et les petites molécules d’acide cyanurique donne naissance à un motif particulier, en forme de rosette. Des triples hélices se forment et s’allongent par polymérisation, formant de longues fibres.

IMAGE : Nicole Avakyan

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