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«L'enfant au tambour» ne réjouira pas les personnes atteintes d'amusie congénitale

Publié: 19 December 2007
Selon une nouvelle étude de neuro-imagerie menée par des chercheurs de l’Institut neurologique de Montréal de l’Université McGill et de l’Université de Montréal au laboratoire international de recherche sur le cerveau, la musique et le son (BRAMS), les personnes atteintes d’amusie ont plus de substance grise dans des régions précises du cerveau associées au traitement de la hauteur tonale, à savoir le gyrus frontal inférieur droit et le cortex auditif, comparativement à celles qui sont intactes sur le plan musical. L’étude, publiée dans un numéro récent du prestigieux Journal of Neuroscience, jette de la lumière sur l’origine neurologique de l’amusie congénitale. L’amusie congénitale, ou surdité tonale, est un trouble à vie qui affecte la capacité à percevoir ou à produire de la musique, ce qui empêche des personnes qui fonctionnent par ailleurs normalement de développer des aptitudes musicales mêmes les plus fondamentales ou de tirer quelque plaisir que ce soit de la musique. Comme le décrit une personne qui en est atteinte, écouter de la musique s’apparente à entendre une « batterie de cuisine que l’on lance sur le plancher ». La musique, à tout moment de l'année mais particulièrement durant le temps des Fêtes, engendre une sorte de plaisir dont ne peut se passer la nature humaine, selon Confucius. Malheureusement pour environ 4 % de la population, la musique est moins synonyme de plaisir que de cacophonie. « En général, les données sur le comportement indiquent que l’amusie congénitale est attribuable à un déficit grave en matière de traitement de l’information concernant la hauteur. Jusqu’à maintenant, les scientifiques en savaient toutefois très peu sur les corrélats neuraux de ce trouble », explique Krista Hyde, boursière postdoctorale à l’Institut neurologique de Montréal et chercheuse principale de l’étude en collaboration avec les professeurs Robert Zatorre de l’INM et Isabelle Peretz de l’Université de Montréal. « Nous avons pu, au moyen de techniques de pointe d’imagerie cérébrale par ordinateur, quantifier les différences entre la structure du cerveau d’un groupe de personnes atteintes d’amusie et un groupe intact sur le plan musical. Cela nous a permis de constater que le cortex (ou substance grise) des personnes amusiques est plus épais dans certaines régions du cerveau associées au traitement auditif et musical. Cela correspond à ce qui a été observé pour le trouble d’apprentissage qu’est la dyslexie, à savoir un cortex plus épais dans des régions du cerveau intervenant dans l’aptitude à la lecture. » L’étude a eu recours à une technique de neuro-imagerie, développée par le Pr Alan Evans et des collègues du Centre d’imagerie cérébrale McConnell à l’INM, qui mesure l’épaisseur de la substance grise (ou cortex) grâce à des examens du cerveau par IRM. Tous les individus amusiques ont des aptitudes intellectuelles, mnésiques et langagières normales, mais présentaient un déficit par rapport à des témoins normaux lors d’une batterie standardisée de tests musicaux, la BMEA, utilisés pour diagnostiquer l’amusie congénitale. La BMEA comprend six tests, notamment un se rapportant à la mélodie, au rythme, à la métrique et à la reconnaissance mnésique. Pour mieux comprendre la nature des différences anatomiques du cerveau, l’étude met en corrélation la performance musicale et des mesures d’épaisseur corticale. Plus les résultats à la BMEA sont bas, plus le cortex est épais dans des régions du cerveau qui sont mises à contribution en matière de musique. Aptitude humaine qui est antérieure au langage, la musique est un aspect fondamental de la vie, qui permet d’approfondir le fonctionnement du cerveau. « Écouter et créer de la musique fait intervenir nombre de régions différentes du cerveau : le système auditif, le système visuel, le système moteur, ainsi que la mémoire et l’émotion, etc. – ce qui fait de la musique un excellent outil pour mieux comprendre tous ces systèmes et étudier le cerveau humain », ajoute Mme Hyde. Les différences d’épaisseur corticale dans le gyrus frontal inférieur droit et le cortex auditif droit de cerveaux amusiques et de cerveaux témoins peuvent être attribuables à une migration neuronale anormale ou à un élagage atypique des cellules nerveuses pendant le développement. Une migration anormale survient lorsque des cellules nerveuses n’atteignent pas leur cible ou destination d’affectation véritable dans le cerveau et ne font donc pas les bonnes connexions. L’élagage des cellules est le processus qui renforce les cellules nerveuses et connexions (synapses) utilisées fréquemment et qui élimine les voies nerveuses de peu d’utilité. Le développement altéré de la voie frontotemporale droite reliant les régions du cerveau cruciales pour le traitement musical pourrait contribuer aux déficiences musicales de l’amusie congénitale. Ces constatations ont des incidences pour la compréhension de l’acquisition normale des habiletés musicales. De plus, ces résultats incitent à faire davantage d’études sur l’origine neurologique de l’amusie congénitale.
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