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Percer les mystères de la coquille d’œuf

Une nouvelle étude démontre que les caractéristiques uniques des coquilles d’œufs lui sont conférées grâce à sa nanostructure
Publié: 30 March 2018

Comment les œufs de poules peuvent-ils être résistants aux chocs extérieurs tout en étant suffisamment cassants de l’intérieur pour permettre l’éclosion du poussin? Selon une nouvelle étude menée par des scientifiques de l’Université McGill, tout est dans la nanostructure de la coquille.

Cette découverte, publiée aujourd’hui dans la revue Science Advances, pourrait avoir d’importantes retombées en matière de sécurité alimentaire au sein de l’agro-industrie.

Les oiseaux ont bénéficié de millions d’années d’évolution pour fabriquer une coquille d’œuf parfaite, soit une chambre protectrice formée d’une fine membrane biominéralisée protégeant la croissance embryonnaire et contenant les nutriments nécessaires au développement du poussin. La coquille, ni trop fragile, ni trop solide, est capable de résister à la cassure jusqu’au moment de l’éclosion.

Mais qu’est-ce qui procure à la coquille des œufs d’oiseaux ses propriétés uniques?

Pour tenter de le découvrir, l’équipe de recherche de Marc McKee, professeur à la Faculté de médecine dentaire de l’Université McGill, en collaboration avec le groupe de Richard Chromik, du Département de génie, et d’autres collègues, a utilisé de nouvelles techniques de préparation d’échantillons pour exposer l’intérieur de la coquille d’œuf afin d’en étudier la nanostructure moléculaire et les propriétés mécaniques.

« Les coquilles d’œuf sont reconnues pour être difficiles à étudier à l’aide des techniques habituelles, car elles ont tendance à briser facilement lorsqu’on tente d’en obtenir une fine tranche à examiner au microscope électronique », mentionne Marc McKee, qui est également professeur au Département d’anatomie et de biologie cellulaire de l’Université McGill. « Grâce à un nouvel appareil qui sectionne avec précision l’échantillon à l’aide d’un faisceau d’ions focalisés récemment acquis par le Laboratoire de microscopie électronique de McGill, nous avons été en mesure d’obtenir une tranche fine d’une coquille d’œuf et ainsi d’en observer la structure interne. »


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Les coquilles d’œuf sont composées de matières organiques et inorganiques, soit une forte concentration de protéines et des minéraux contenant du calcium. Dimitra Athanasiadou, étudiante aux cycles supérieurs et auteure principale de l’étude, a découvert que la solidité de la coquille repose notamment sur la présence d’un minéral nanostructuré associé à de l’ostéopontine, une protéine régulatrice de la minéralisation qu’on trouve également dans des matériaux biologiques composites tels que l’os.

Aperçu de la biologie de l’œuf

Les résultats de l’étude nous éclairent également sur la biologie et le développement des embryons de poulet dans des œufs fécondés, puis incubés. Au moment de la ponte et de la couvaison, l’œuf est suffisamment solide pour résister à la cassure. Au fur et à mesure qu’il croît à l’intérieur de l’œuf, l’embryon de poulet a besoin de calcium pour la formation de ses os. Durant la période d’incubation, la surface interne de la coquille se dissout pour approvisionner l’embryon en cet ion minéral, ce qui, du même coup, a pour effet d’affaiblir suffisamment la coquille pour permettre au poussin de la briser lors de l’éclosion. À l’aide de la microscopie à force atomique et de techniques d’imagerie électronique et radiographique, l’équipe de collaborateurs du professeur McKee a découvert que cette relation bifonctionnelle est tributaire d’infimes modifications de la nanostructure de la coquille qui surviennent au cours de l’incubation.

Dans le cadre d’études parallèles, les chercheurs sont parvenus à reproduire une nanostructure semblable à celle qu’ils avaient découverte dans la coquille d’œuf, par l’ajout d’ostéopontine à des cristaux minéraux obtenus en laboratoire. Le professeur McKee croit qu’une meilleure compréhension du rôle des protéines dans les mécanismes de calcification qui contribuent au durcissement et à la solidité de la coquille d’œuf pourrait avoir d’importantes retombées en matière de sécurité alimentaire.

« De dix à vingt pour cent des œufs de poules se fendent ou se brisent, ce qui accroît le risque de salmonellose », affirme le professeur McKee. « La compréhension du mécanisme par lequel la nanostructure minérale contribue à solidifier la coquille nous permettra d’isoler les traits génétiques chez les poules pondeuses qui ont tendance à produire des œufs plus résistants et ainsi de renforcer la sécurité alimentaire. »

Ces travaux ont été principalement financés par des subventions du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada et par les Instituts de recherche en santé du Canada.

L’article « Nanostructure, Osteopontin and Mechanical Properties of Avian Calcitic Eggshell », par D. Athanasiadou et coll., a été publié dans la revue Science Advances.


Pour rejoindre le chercheur: marc.mckee [at] mcgill.ca

 

 

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