Découverte d’une nouvelle espèce de mante religieuse de l’époque des dinosaures
Interprétation artistique de Labradormantis guilbaulti en envol parmi les feuilles d’un platane, Labrador, il y a environ 100 millions d’années. L’interprétation est basée sur des fossiles (pour les ailes) et sur des proches parents actuels et éteints (pour le reste du corps). Des feuilles de platane fossilisées ont été trouvées dans les mêmes dépôts que les ailes de mante et montrent que cette espèce d’insecte aurait vécu dans une forêt tempérée chaude et luxuriante durant le Crétacé. CRÉDIT : A. Demers-Potvin
Une équipe de chercheurs dirigée par l’Université McGill a découvert une nouvelle espèce de mante religieuse grâce à des empreintes de ses ailes fossilisées. Elle vivait au Labrador, dans le Canada subarctique, durant le Crétacé supérieur il y a environ 100 millions d’années, à l’époque des dinosaures. Les chercheurs estiment que les fossiles de ce nouveau genre et de cette nouvelle espèce, Labradormantis guilbaulti, permettront d’établir des liens évolutifs entre des espèces déjà connues et de faire progresser les connaissances scientifiques sur l’évolution des mantes religieuses modernes les plus « primitives ». Cette découverte insolite, présentée dans une étude publiée recemment dans la revue Systematic Entomology, fait également la lumière sur l’évolution des ailes chez les mantes et, de façon plus générale, chez leurs proches parents.
Une découverte sous une montagne de gravats
L’équipe de recherche, qui comprenait des membres du Muséum national d’Histoire naturelle de Paris et du Musée de paléontologie et de l’évolution de Montréal, a trouvé les spécimens lors de travaux sur le terrain dans une mine de fer abandonnée située au Labrador, près de Schefferville (Québec).
« Nous passions essentiellement nos journées à fouiller à la surface des tas de gravats qui avaient été extraits de la mine. De temps en temps, une des roches rouges sur le sol contenait un fossile de feuille ou d’insecte, que nous nous empressions de ramasser », raconte Alexandre Demers-Potvin, doctorant à l’Université McGill, explorateur émergent de la National Geographic Society et auteur principal de l’article. « Quand nous avons trouvé les deux fossiles de Labradormantis guilbaulti sur le terrain, aucun d’entre nous ne pouvait les identifier au premier abord. C’est seulement lorsque j’ai montré les photos au paléoentomologue Olivier Béthoux, l’auteur en chef de l’article, que nous avons commencé à penser que nous étions en présence des ailes postérieures d’une espèce primitive de mante jusque-là inconnue. »
Mais les membres de l’équipe ont eu une véritable surprise lorsqu’ils ont apporté plusieurs fossiles d’insectes du Labrador au laboratoire du Dr. Béthoux à Paris et qu’ils les ont observés au moyen de matériel photographique hautement spécialisé. Un examen plus approfondi d’autres spécimens a révélé qu’ils avaient trouvé non seulement les ailes postérieures, mais également les ailes antérieures d’une nouvelle espèce jusqu’ici non identifiée.
Une seule veine mène à une révision des connaissances sur l’évolution des mantes
On savait déjà que la plupart des mantes religieuses modernes, caractérisées par leurs pattes antérieures ravisseuses, ressemblaient très peu à leurs plus lointains ancêtres fossilisés. Toutefois, il était difficile pour les paléontologues de retracer plus précisément l’évolution des mantes en raison des multiples omissions dans le registre fossile de ces insectes et des anatomies très différentes des trois groupes les plus primitifs de mantes modernes (Chaeteessidae, Mantoididae et Metallyticidae).
En utilisant l’imagerie par transformation de réflectance (RTI), une méthode de photographie émergente en paléontologie, les chercheurs ont pu mieux voir le réseau complexe de veines couvrant les ailes fossilisées. Ils ont remarqué une veine qui court le long de la ligne de pliage (appelée AA2*) de l’aile postérieure; celle-ci se trouve uniquement dans une lignée de mantes modernes, la famille Chaeteessidae. À la lumière de cette importante constatation, les chercheurs ont produit un arbre évolutif révisé qui inclut Labradormantis parmi certaines des espèces vivantes et disparues qui lui sont apparentées.
La découverte de cette veine chez la nouvelle espèce semble indiquer que cette structure n’a pas évolué indépendamment chez les Chaeteessidae, mais qu’elle était aussi présente chez les espèces disparues apparentées aux mantes modernes. La lignée des Chaeteessidae est simplement le seul groupe de mantes modernes à avoir conservé cette caractéristique.
« Il est très rare que nous puissions faire progresser nos connaissances de l’évolution d’un insecte, sans en voir un spécimen complet emprisonné dans de l’ambre », explique Hans Larsson, un des auteurs de l’article, du Musée Redpath de l’Université McGill. « Dans notre article, nous présentons un cas très rare où un fossile moins bien conservé a des retombées tout aussi importantes. Nous espérons que cette étude mènera à l’analyse d’autres fossiles d’ailes qui répondront à des questions semblables à travers l’arbre évolutif des insectes. »
Les deux spécimens présentés dans cette étude font maintenant partie des collections du Musée de paléontologie et de l’évolution de Montréal, dont Mario Cournoyer est le conservateur.
L’article « Wing morphology of a new Cretaceous praying mantis solves the phylogenetic jigsaw of early-diverging lineages », par Alexandre V. Demers-Potvin, Hans C. E. Larsson, Mario Cournoyer et Olivier Béthoux, a été publié dans la revue Systematic Entomology.
DOI : 10.1111/syen.12457
L’étude a été financée par la société National Geographic, le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, Savoir polaire Canada et le Fonds de recherche du Québec – Nature et technologies (FRQNT).
Pour obtenir de plus amples renseignements sur le vaste projet de recherche sur la faune et la flore du Québec et du Labrador durant le Crétacé, visionnez la vidéo et consultez le rapport rédigé pour le Musée de paléontologie et de l’évolution et publié dans le dernier numéro du Bulletin du MPE.
L’Université McGill
Fondée en 1821 à Montréal, au Québec, l’Université McGill figure au premier rang des universités canadiennes offrant des programmes de médecine et de doctorat. Année après année, elle se classe parmi les meilleures universités au Canada et dans le monde. Établissement d’enseignement supérieur renommé partout dans le monde, l’Université McGill exerce ses activités de recherche dans deux campus, 11 facultés et 13 écoles professionnelles; elle compte 300 programmes d’études et au-delà de 40 000 étudiants, dont plus de 10 200 aux cycles supérieurs. Elle accueille des étudiants originaires de plus de 150 pays, ses 12 800 étudiants internationaux représentant 31 % de sa population étudiante. Au-delà de la moitié des étudiants de l’Université McGill ont une langue maternelle autre que l’anglais, et environ 19 % sont francophones.