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Comment les moules fabriquent une colle sous-marine puissante?

Une découverte qui pourrait accélérer la production de la prochaine génération d’adhésifs et de plastiques à haute performance
Publié: 21 October 2021

La barbe de la moule (la partie qu’on retire avant la cuisson) est composée de filaments de byssus et elle sert à maintenir la moule en place. Au bout de chaque filament, on trouve une plaque de forme discale qui agit comme une colle sous-marine. Les propriétés inhabituelles de cette colle et des filaments du byssus fascinent les humains depuis l’Antiquité, alors qu’on tissait les filaments de certaines espèces pour en faire de luxueux bérets, sacs à main, gants et bas. Plus récemment, les scientifiques se sont inspirés de la composition chimique des filaments du byssus pour mettre au point des adhésifs sous-marins et des colles chirurgicales. La compréhension du mécanisme menant à la création de cette colle chez les mollusques devrait accélérer l’élaboration de colles à haute performance. PHOTO : Tobias Priemel

La moule bleue (Mytilus edulis) se fait balloter par les vagues déferlantes à longueur de journée. Elle réussit pourtant à se fixer aux roches ou à d’autres moules grâce à la colle sous-marine hautement efficace qu’elle produit. Comme l’adhésion est extrêmement difficile à réaliser en présence d’eau, des scientifiques cherchant à créer des adhésifs efficaces en milieu humide (pour des opérations chirurgicales ou des soins dentaires, par exemple) se sont inspirés de la moule. Dans un article publié récemment dans Science, une équipe internationale de chercheurs dirigée par l’Université McGill annonce qu’elle a réussi, au terme d’une dizaine d’années de travail, à déceler les mécanismes cellulaires responsables de la fabrication d’adhésifs sous-marins chez les moules.

« Le mécanisme exact permettant aux moules de produire leur substance adhésive nous échappait jusqu’à maintenant, puisque tout se passe à l’intérieur du pied de la moule, hors de vue, explique Tobias Priemel, doctorant au Laboratoire Harrington et auteur principal de l’article, dont les recherches sur le sujet remontent à sa maîtrise en Allemagne, il y a sept ans. Pour comprendre ces mécanismes, nous avons appliqué des techniques spectroscopiques et microscopiques de pointe et avons conçu une approche expérimentale qui combine plusieurs méthodologies (avancées et de base) issues de la biochimie, de la chimie et de la science des matériaux. »

Grâce aux données infracellulaires qu’ils ont recueillies, les chercheurs ont découvert, à l’intérieur du pied de la moule, des cuticules de la taille de quelques microns (d’un diamètre variant entre 1/10 de la largeur et la largeur totale d’un cheveu humain) par lesquelles transitent les substances ensuite combinées pour créer la colle. Des protéines liquides condensées dans de tout petits sacs (vésicules) sont injectées dans les cuticules, où elles se mélangent à des ions métalliques (fer et vanadium, extraits de l’eau de mer). Les ions métalliques, qui sont également stockés dans de petites vésicules, sont relâchés lentement dans un processus d’une grande précision culminant par le durcissement des protéines liquides, qui forment la colle solide.

L’accumulation et l’utilisation du vanadium sont particulièrement intéressantes puisque, selon les connaissances actuelles, très peu d’organismes hyperaccumulent cet ion métallique. Les chercheurs croient qu’il joue un rôle important dans le durcissement de la colle et poursuivront leurs travaux dans ce domaine.

 

Dans la première partie de cette vidéo, on voit une moule de mer produire les filaments de byssus et les plaques de colle qu’elle utilise pour se fixer aux roches et aux autres moules dans les zones intertidales où elle vit. Dans la deuxième partie de la vidéo, une micro-tomodensitométrie (semblable aux tomodensitométries effectuées sur les gens en milieu hospitalier) nous permet de voir l’intérieur du pied, cet organe spécialisé de la moule qui produit la colle. En vert apparaît la région où les protéines servant à la colle sont générées et stockées, et en bleu sont les cuticules qui acheminent ces protéines à l’extrémité du pied de la moule, où elles sont combinées aux ions métalliques pour former la colle. PHOTO : Tobias Priemel

« Les moules peuvent fabriquer leur colle sous-marine en deux à trois minutes en mélangeant les ions métalliques aux protéines liquides, explique Matthew Harrington, professeur agrégé au Département de chimie de McGill et auteur en chef de l’article. Il s’agit de combiner les bons ingrédients, dans les bonnes conditions et au bon moment. Mieux on comprendra le processus, mieux les ingénieurs pourront ensuite adapter ces concepts à la fabrication de matériaux inspirés du monde biologique. »

L'étude : « Microfluidic-like fabrication of metal ion-cured bioadhesives by mussels », par Tobias Priemel et coll., a été publié dans Science.
DOI : doi/10.1126/science.abi9702

Cette étude a été financée grâce à une subvention Découverte du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG), une chaire de recherche du Canada de niveau 2, la Société Max-Planck et la Bourse d’excellence pour étudiants étrangers du FRQNT.

 


À propos de l’Université McGill

Fondée en 1821 à Montréal, au Québec, l’Université McGill figure au premier rang des universités canadiennes offrant des programmes de médecine et de doctorat. Année après année, elle se classe parmi les meilleures universités au Canada et dans le monde. Établissement d’enseignement supérieur de renommée mondiale, l’Université McGill exerce ses activités de recherche dans trois campus, 11 facultés et 13 écoles professionnelles; elle compte 300 programmes d’études et au-delà de 40 000 étudiants, dont plus de 10 200 aux cycles supérieurs. Elle accueille des étudiants originaires de plus de 150 pays, ses 12 800 étudiants internationaux représentant 31 % de sa population étudiante. Au-delà de la moitié des étudiants de l’Université McGill ont une langue maternelle autre que l’anglais, et environ 19 % sont francophones.

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