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Ce que les architectes peuvent apprendre d’un ancien système de ventilation ayant servi à la conception d’un bâtiment du 19e siècle

En remodelant une ancienne technique de récupération de chaleur utilisée dans les plans de l’Hôpital Royal Victoria de Montréal et depuis tombée en désuétude, des scientifiques de l’Université McGill affirment que la régulation de la température et la ventilation modernes pourraient fort bien subir un changement en profondeur
Publié: 22 January 2024

Alors que la pandémie de COVID-19 soulève des questions sur les méthodes de ventilation et que la crise climatique menace d’amplifier les températures extrêmes, il n’est pas étonnant que la conception efficace des bâtiments soit au cœur des préoccupations des architectes.

Une équipe de recherche de l’École d’architecture Peter-Guo-hua-Fu de l’Université McGill a creusé le sujet en examinant le système de ventilation original de l’Hôpital Royal Victoria de Montréal. Dans leur article publié récemment dans iScience, les scientifiques affirment qu’en remodelant la technique originale, le monde de la régulation de la température et de la ventilation modernes pourrait voir un nouveau jour.

« Ces données historiques pourraient nous aider à concevoir des solutions qui font appel à un équipement moins important et qui nous permettraient d’adopter une nouvelle approche en matière d’architecture écoénergétique et de milieux intérieurs sains », précise le Pr Salmaan Craig, co-auteur de l’étude.

Dans les plans de l’Hôpital Royal Victoria, construit en 1893, les chercheurs ont découvert un système de ventilation qui récupère la chaleur de l’air évacué afin que l’air intérieur vicié puisse être constamment remplacé par de l’air extérieur frais. Ainsi, l’air entrant est chauffé sans apport d’énergie supplémentaire.

« Les systèmes de ventilation permettant la récupération de chaleur jouent un rôle essentiel dans l’obtention de bâtiments sains et écoénergétiques. Cela dit, ils nécessitent des réseaux de conduits longs de plusieurs kilomètres et la fabrication, l’entretien et l’élimination des matériaux utilisés pour de telles infrastructures entraînent des émissions importantes », explique Anna Halepaska, doctorante et auteure principale de l’étude.

En étudiant des archives et en réalisant des expériences en laboratoire, les scientifiques ont mesuré le débit de renouvellement d’air et la quantité de chaleur récupérée. Ils ont également constaté qu’en remodelant la technique datant du 19e siècle, il était possible de récupérer de la chaleur en faisant appel à des murs et à des sols de séparation, tout en maintenant un débit de ventilation continu. En effet, ils sont parvenus à un tel résultat en retirant le réseau de conduits et les ventilateurs.

Nouvel éclairage sur les motivations environnementales du 19e siècle

Les chercheurs ont également suivi les traces écrites d’échanges entre des clients, des consultants, des architectes et des ingénieurs de l’époque afin de savoir comment et pourquoi le système a d’abord été conçu. Si de nombreux chercheurs pensent que la récupération de chaleur est une invention du 20e siècle, l’étude montre que des ingénieurs ont déjà expérimenté ce système au siècle précédent, soit avant l’avènement de l’électricité et de l’utilisation répandue des ventilateurs mécaniques.

« Au 19e siècle, la consommation de combustibles et la qualité de l’air intérieur étaient des préoccupations majeures, surtout dans les hôpitaux. Toutefois, cette utilisation novatrice et précoce de la récupération d’énergie était en réalité en réponse au rude hiver canadien. En effet, ce système permettait notamment de préchauffer l’air extérieur, ce qui empêchait la tuyauterie de geler lors de vagues de froid », explique Salmaan Craig.

En relisant les documents d’archives, les chercheurs ont aussi été en mesure de clarifier le rôle d’Henry Saxon Snell, un Britannique spécialiste des milieux hospitaliers qui s’était mystérieusement retiré du projet après avoir élaboré les premiers plans de l’hôpital. En réalité, le conseil des gouverneurs l’avait forcé à quitter ses fonctions après que des consultants locaux aient affirmé que le système de ventilation qu’il avait mis au point n’était pas adapté aux températures hivernales. Les chercheurs ont donné raison au conseil, mettant au jour la raison pour laquelle le système d’Henry Saxon Snell ne convenait pas aux rigueurs de l’hiver et, dans la foulée, révélant la méthode novatrice de récupération de chaleur qui l’a remplacé.

« C’est aussi étonnant de voir qu’une grande partie du système de ventilation était inspirée d’un bâtiment complètement d’un tout autre style : l’édifice du Parlement. Les historiens en architecture considèrent parfois les hôpitaux comme des bâtiments uniques en leur genre, mais ces plans laissent voir des liens forts entre les deux styles », soutient Annmarie Adams, historienne en architecture co-auteure de l’étude.

La mise au jour de ces premiers systèmes de récupération de chaleur jette un nouvel éclairage sur les connaissances environnementales qui motivaient les ingénieurs et les architectes du 19e siècle, au Canada et à l’étranger.

L’étude

L’article « 19th-century thermosiphon ventilation and its potential for heat recovery in buildings today », par Anna Halepaska, Annmarie Adams et Salmaan Craig, a été publié dans iScience.

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