Porte-voix de la science

Des étudiants aux cycles supérieurs convient le grand public à la découverte de la science, notamment par des balados et des exposés dans des pubs.

D’un bout à l’autre de l’Université McGill, des étudiants aux cycles supérieurs s’emploient à résoudre certaines des énigmes scientifiques les plus complexes de l’Univers. Et ils sont de plus en plus nombreux à vouloir faire sortir la science des salles de conférence et des labos. Ces passionnés convient donc le grand public à la découverte de la science, notamment par des balados et des exposés dans des pubs.

Rackeb Tesfaye (M. Sc. 2017) fait partie de ces chantres de la science. Mue par le désir d’accroître la visibilité des groupes marginalisés dans le monde scientifique, cette doctorante en neurosciences leur a donné une voix en lançant la plateforme de balados Broad Science.

Broad Science est née en 2015. Rackeb faisait alors sa maîtrise en psychiatrie, et il a été question dans son entourage de la sous-représentation des femmes et des minorités visibles dans les médias scientifiques. En faisant du bénévolat à CKUT, la radio communautaire de McGill, Rackeb a eu une idée... et a pu acquérir les connaissances nécessaires en production pour lui donner vie.

En collaboration avec le collectif Confabulation, l’équipe de Broad Science a organisé des événements fort courus au Centre Phi, à savoir des récits autobiographiques inusités ou originaux servis à la sauce scientifique. Les balados de la plateforme portent sur des sujets variés allant des tests d’ADN grand public au harcèlement sexuel en milieu universitaire.

« Il y a dans la société un stéréotype de la personne qui a la bosse des sciences ou dont la présence dans ce domaine est légitime », explique la doctorante. Elle fait état d’études dans lesquelles des enfants à qui l’on demande de dessiner une personne qui travaille en science mettent en scène un homme blanc revêtu d’une blouse blanche dans un laboratoire, éprouvette à la main.

Rackeb est d’avis que pour combattre ce vieux préjugé, on doit exposer les enfants aux sciences dès leur plus jeune âge. Aussi l’équipe de Broad Science organise-t-elle des ateliers de communication scientifique où les jeunes découvrent des carrières non traditionnelles en STIM, apprennent à faire de la production radio et font des entrevues avec des scientifiques en chair et en os.

« Le milieu scientifique n’est pas monolithique, et nous voulons que les personnes issues de groupes défavorisés ou de la diversité le sachent. Il est grand temps de commencer à parler des scientifiques de toutes provenances. »

Doctorante en physique, Lisa Dang (B. Sc. 2016) fait, elle aussi, rayonner la science mcgilloise. Depuis 2016, elle participe à l’organisation du Marathon de programmation du Département de physique de McGill, qui permet aux étudiants de physique d’acquérir de l’expérience pratique en programmation.

« La plupart des étudiants de physique vont hésiter à participer à ce type de marathon, parce qu’ils ont le sentiment que les autres concurrents seront bien meilleurs qu’eux en programmation », précise Lisa. « Notre but était de leur offrir un cadre où ils se sentiraient en confiance. »

Par ailleurs, Lisa a été membre du conseil d’AstroMcGill, organe de vulgarisation de l’Institut spatial de McGill. Ce groupe initie le grand public à la mécanique céleste depuis quelques années déjà. Les Soirées d’astronomie publiques figurent parmi ses activités les plus populaires : membres de la communauté mcgilloise et du grand public viennent y écouter des spécialistes (souvent de l’Université McGill) parler d’astrophysique.

Pour Lisa, les autres étudiants aux cycles supérieurs et les bénévoles qui organisent ces soirées, l’accessibilité est la priorité no 1; aussi, les conférences sont gratuites et la matière, parfaitement digeste. En général, les conférenciers restent sur place après leur exposé pour discuter avec le public : « Au fil des ans, les gens ont été de plus en plus nombreux à s’attarder un peu après la présentation pour approfondir le sujet avec le conférencier », souligne-t-elle.

Lorsque dame nature collabore, la soirée se termine à l’extérieur par une exploration du ciel étoilé à l’aide des télescopes de McGill.

Mais revenons les pieds sur terre pour parler des recherches que la doctorante Marianne Falardeau‑Côté mène au Département des sciences des ressources naturelles. Marianne s’intéresse à l’océan Arctique, plus précisément aux répercussions des changements que subissent ses écosystèmes sur les populations qui dépendent des ressources marines. Au cours des cinq dernières années, elle a ainsi côtoyé de près les habitants – majoritairement inuits – de Cambridge Bay, au Nunavut.

Elle organise sondages, groupes de discussion au sein de la communauté et interviews pour dresser un portrait qualitatif et quantitatif des changements de l’écosystème marin et de leurs éventuelles conséquences pour les populations côtières actuelles et futures, d’une part, et pour trouver des solutions, d’autre part.

« Je m’efforce de cerner les principales préoccupations de ces gens en déterminant ce que leur apporte, de leur point de vue, l’écosystème marin. »

Comme Marianne a pu le constater, l’océan et la terre sont inextricablement liés à la culture et à l’identité inuites. Elle a invité des membres de cette communauté à réfléchir en groupe à ce qu’ils pourraient faire, concrètement, pour préserver les écosystèmes marins, protéger la culture et assurer le bien-être des générations futures. Elle a également convié les jeunes à des camps et à des ateliers scientifiques, au Nunavut et au Québec, dans l’espoir de faire naître chez eux l’amour de la nature.

« Avec les plus jeunes, je garde toujours les activités interactives pour la fin; je les encourage à trouver des solutions pour le monde de demain. »

Récemment, elle a réalisé un court métrage, Hivunikhavut – Notre Futur, sur le travail de son équipe, que l’on peut visionner sur YouTube. Vulgarisatrice scientifique dans l’âme (elle a été journaliste scientifique au journal étudiant pendant son baccalauréat à l’Université Laval), Marianne accorde souvent des entrevues aux médias sur son travail. D’ailleurs, elle fait partie des scientifiques retenues récemment par la revue Québec Science pour un balado hors série sur les femmes en sciences et en technologie.

Alexandra Gellé, doctorante en chimie et directrice de la section canadienne de Pint of Science, s’emploie elle aussi à faire valoir l’importance de la recherche universitaire.

Pint of Science est né en 2012 au Royaume-Uni. L’objectif : provoquer des rencontres conviviales entre le grand public et les chercheurs. L’organisme tient un festival annuel de trois jours pendant lequel on se réunit dans des pubs, des bars et des cafés un peu partout dans le monde pour écouter des spécialistes de divers domaines, de l’astronomie à la zoologie, parler de leurs travaux dans un cadre des plus sympathiques.

Ce festival se déroule dans près de 300 villes du monde, dont Montréal. Alexandra participait à un échange étudiant à l’Université de Wollongong, en Australie, lorsqu’elle s’est associée à cette initiative. Lors de son retour à Montréal, on lui a offert de prendre plus de responsabilités. « J’ai sauté sur l’occasion, confie-t-elle, parce que j’adorais le concept. Je trouvais ça tout simplement génial. »

Aujourd’hui à la tête de la section canadienne, Alexandra et son équipe ont presque doublé le nombre de villes participantes, qui s’étendent de Nanaimo à St. John’s, et porté le nombre de conférenciers à 300. La mouture 2019 du festival Pint of Science se tiendra du 20 au 22 mai, et le Québec sera bien représenté, puisque Chicoutimi, Montréal, Québec, Sherbrooke et Trois‑Rivières seront de la partie.

Alexandra Gellé et toute l’équipe de Pint of Science ne sont pas les seules à le remarquer : les gens s’intéressent de plus en plus aux sciences. Les activités de rayonnement dont nous venons de parler procèdent toutes de ce vif intérêt que, manifestement, les sciences suscitent ici comme ailleurs.

La croissance d’AstroMcGill témoigne avec éloquence de cette soif de connaissance. Au début, nous apprend Lisa Dang, une dizaine d’habitués fréquentaient les Soirées d’astronomie publiques; or, on les compte aujourd’hui par centaines, et c’est une toute jeune initiative. Quant à Rackeb Tesfaye, elle a été agréablement surprise par l’accueil réservé à Broad Science, chez nous et à l’étranger : « Notre port d’attache est Montréal, mais nos balados sont écoutés en Inde, au Japon et en Australie. Je trouve ça absolument hallucinant. »

Rackeb Tesfaye, Lisa Dang, Marianne Falardeau-Côté et Alexandra Gellé ont toutes été saluées cette année lors de la remise des Prix de la principale pour le rayonnement médiatique. Vous trouverez ici un aperçu des activités de vulgarisation scientifique offertes à l’Université McGill.

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