Du béton écolo mis au point à McGill

Les blocs de béton sans ciment CarbiCrete pourraient aider le secteur de la construction à réduire son empreinte écologique

Le bloc de béton est un incontournable des chantiers de construction, mais la production d’un de ses principaux composants – le ciment – génère énormément de CO2. Et si au lieu de relâcher le CO2 dans l’atmosphère, on l’emprisonnait dans le béton?

Voilà l’idée à l’origine de CarbiCrete, entreprise d’écotechnologie fondée par une équipe de diplômés de l’Université McGill.

Innovation en construction

Depuis sa création en 2016, la jeune pousse montréalaise a remporté de nombreux prix internationaux pour sa percée technologique. Aujourd’hui, elle lance un projet pilote à l’échelle industrielle en partenariat avec Patio Drummond, fabricant de pavés et d’autres produits de béton établi Drummondville, au Québec. La production à l’usine de Drummondville a démarré le 29 janvier.

En novembre dernier, CarbiCrete figurait parmi les 10 gagnants de l’édition 2020 de la Construction Startup Competition. Organisé par CEMEX Ventures, en partenariat avec Ferrovial, Hilti, Leonard du groupe VINCI et NOVA by Saint-Gobain, ce concours met en lumière les jeunes pousses novatrices du secteur de la construction.

Plus tôt en 2020, CarbiCrete a accédé à l’édition annuelle de la liste Global Cleantech 100. Compilée par Cleantech Group, cabinet de recherche de San Francisco, cette liste est « un florilège des entreprises les plus novatrices et prometteuses, prêtes à laisser leur marque sur le marché et dans le monde d’ici cinq à dix ans. » Et en juillet, CarbiCrete a remporté le prix Sustainability 2020 de la revue World Finance pour le secteur de la technologie du bâtiment.

En décembre, CarbiCrete a obtenu 3,15 millions de dollars du programme Technoclimat, administré par le ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles du Québec. « Le projet de CarbiCrete cadre parfaitement avec la vision de notre gouvernement de miser sur l’innovation pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et améliorer l’efficacité énergétique pour un Québec plus prospère », explique Jonatan Julien, ministre de l'Énergie et des Ressources naturelles, lors de l’annonce du financement accordé à CarbiCrete par Québec.

Cette somme et une subvention de 2,1 millions de dollars accordée par Technologies du développement durable Canada serviront à financer le projet de démonstration à Drummondville. De plus, le 11 février, Développement économique Canada pour les régions du Québec a annoncé l’octroi d’une aide financière remboursable de 500 000 $ à CarbiCrete pour l’achat d’équipement de laboratoire et de production à la fine pointe de la technologie.

En matière de changements climatiques, le procédé de fabrication du ciment trône en bonne place au banc des accusés. On fabrique annuellement plus de quatre milliards de tonnes de ciment, production responsable d’environ 8 % des émissions mondiales de dioxyde de carbone (CO2) selon un rapport publié en 2018 par Chatham House, institut de réflexion londonien.

Bilan carbone négatif

Mise au point dans un laboratoire de la Faculté de génie de McGill, la technologie de CarbiCrete repose sur l’utilisation des scories d’acier, sous-produit de la fabrication de l’acier, au lieu du ciment comme liant dans les produits de béton préfabriqué. Pendant le processus, on injecte du CO2 dans le béton frais. Résultat : le produit fini gagne en résistance et le CO2 est piégé de façon permanente.

Les blocs CarbiCrete ont donc un bilan carbone négatif. « La production d’un bloc de béton classique entraîne l’émission d’environ deux kilogrammes de CO2 », explique Mehrdad Mahoutian, cofondateur et directeur technique de CarbiCrete. « En fait, chacun de nos blocs renferme environ un kilogramme de CO2. »

Mehrdad Mahoutian (Ph. D., 2014) a travaillé à l’élaboration de cette technologie dans le cadre de son doctorat avec le professeur Yixin Shao de la Faculté de génie de McGill. L’étudiant et le professeur se sont d’ailleurs vu décerner, en 2015-2016, le Prix William and Rhea-Seath pour l’innovation en génie du pôle d’innovation technologique et entrepreneuriale de la Faculté de génie.

Mark Weber, directeur du Bureau de l’innovation et des partenariats à McGill, a aidé l’équipe à déposer la demande de brevet pour l’invention. Il a également mis Mehrdad Mahoutian en relation avec Chris Stern (B. Ing., 1994), entrepreneur de Montréal à la recherche d’écotechnologies prometteuses. Cette rencontre a mené à la fondation de CarbiCrete, dont Chris Stern est le président-directeur général et Mehrdad Mahoutian le directeur technique.

Projet pilote

Vers la fin de 2019, Harsco Corp., entreprise de Pennsylvanie active dans plus de 30 pays, a annoncé que sa division Environnement allait investir 3 millions de dollars dans CarbiCrete.

« Le savoir-faire de la division Environnement d’Harsco en traitement des matériaux et son adhésion pleine et entière aux technologies propres fait d’elle le partenaire idéal pour amener les constructeurs du monde entier à utiliser un béton efficient et exempt de ciment », souligne Stern.

L’investissement de Harsco a coïncidé avec une subvention de 2,1 millions de dollars de la fondation fédérale Technologies du développement durable Canada.

CarbiCrete a récemment déménagé dans l’arrondissement de Lachine, à Montréal, où ses installations de 10 000 pi2 hébergent les bureaux de l’entreprise, un laboratoire de recherche et développement et une usine de fabrication à production limitée.

CarbiCrete a lancé son projet pilote à grande échelle en janvier, à Drummondville. L’entreprise vise, à terme, une production quotidienne de 25 000 blocs de béton, nous a confié Yuri Mytko (B.A., 1999), directeur du marketing de CarbiCrete.

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